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Le gel des CSQ pour la résidence permanente est une « catastrophe » au coût humain élevé, disent les experts

« Catastrophe », « choc », « urgence » : au-delà de la confusion semée par l’annonce du quasi-gel de l’immigration permanente au Québec la semaine dernière, les experts invitent à constater le sentiment de panique qui se propage chez les immigrants.

La CAQ a « joué son propre jeu » en politisant l’immigration, affirment également deux chercheurs. Il est désormais difficile d’agir en complète « cohérence » avec le discours politique, alors que des pressions économiques et humanitaires s’exercent de toutes parts, souligne par exemple Danièle Bélanger.

«C’est une catastrophe pour ces gens qui ne peuvent plus changer de statut», remarque ce professeur de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales. « Il n’y a aucune mention des effets de tout cela sur les gens, comme si cela n’existait pas. Nous corrigeons un peu le fichier Excel et le mettons dans la déchiqueteuse », poursuit-elle.

« Nous parlons de gens qui arrivent ici et jouent le jeu des règles d’immigration. Cela implique très souvent des changements majeurs dans la vie. Puis, du jour au lendemain, ces règles changent. J’ai pu observer un fort sentiment de trahison”, remarque Capucine Coustère.

Actuellement chercheur postdoctoral à l’Institut de recherche sur les migrations et la société de l’Université Concordia, Mmoi Coustère a consacré sa thèse à l’étude des transitions entre statut temporaire et résidence permanente. “Les mesures concernent en grande partie les personnes déjà présentes et vont augmenter les délais pour les personnes temporaires, avec tout ce que cela implique”, a-t-elle déclaré, tant du point de vue de la restriction des droits que de la précarité.

Exode canadien et « urgence »

Les observateurs et le gouvernement fédéral ont déjà souligné que le récent durcissement de l’immigration temporaire et permanente pourrait augmenter le nombre de personnes se retrouvant dans une impasse : certains se tourneront vers la demande d’asile, et d’autres pourraient rester sans statut sur le territoire.

D’autres immigrants encore, qui viennent de perdre la possibilité de s’établir définitivement — du moins pendant le gel — pourraient également décider de partir vers d’autres provinces canadiennes. Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a également augmenté l’objectif d’immigration francophone dans le reste du pays.

Cela fait déjà partie des options que les avocats spécialisés en droit de l’immigration proposent à leurs clients, affirme sans détour l’avocat spécialisé en droit de l’immigration Patrice Brunet. « Évidemment, je préfère que les bons candidats restent au Québec, mais c’est au client de choisir ce qui est dans son intérêt », note-t-il en entrevue. Les changements dans le reste du Canada « sont moins intempestifs », et l’accès à la résidence « beaucoup plus rapide et plus sûr ».

“Pour l’instant, on traite le sujet un peu comme des chiffres, comme des stocks de marchandises, mais ce sont des humains”, ajoute-t-il aussi.

Lui et son équipe transmettent actuellement « un sentiment d’urgence » à leurs clients « extrêmement stressés », particuliers et entreprises : « Déposez dès que vous êtes éligible. On ne sait pas encore si le programme pourrait être suspendu indéfiniment à minuit. »

Des modèles qui entrent en collision

Pour autant, l’avocat n’est pas du tout opposé à un modèle d’immigration souvent qualifié de « en deux étapes », bien au contraire. L’obtention de la résidence permanente depuis l’étranger est à ses yeux un système « d’un autre temps ».

Il existe en effet une part croissante de résidents permanents sélectionnés parmi le « pool » de résidents temporaires. Et Jean-François Roberge, ministre de l’Immigration du Québec, a affirmé, dans toutes les annonces, vouloir renforcer cette tendance. Le fait « d’expérimenter » un emploi et un milieu de vie au Québec permet de mieux « aligner » les demandes des employeurs et les attentes des salariés, estime M. Brunet.

«Être temporaire, c’est sortir avec quelqu’un avant de se marier. Il y a moins de pression et, si ça ne marche pas, j’ai toujours la possibilité de partir », dit-il.

La professeure Danièle Bélanger se dit « très partagée » sur cette idée. Les indicateurs économiques montrent en effet que ceux qui font cette transition après avoir déjà vécu ici coûtent moins cher à l’État et ont un meilleur taux d’emploi ainsi que des salaires plus élevés.

“Mais, d’un point de vue humain, c’est un régime migratoire qui a un coût humain élevé”, décrit-elle. Les immigrants temporaires, quel que soit leur programme, vont endurer beaucoup pour obtenir cette « carotte » de la résidence permanente : « Et ce qu’on voit maintenant, c’est que cette carotte est extrêmement volatile », dit M.moi Bélanger.

Encore une marge de manœuvre ?

Les trois experts ne peuvent s’empêcher de constater un certain « décalage » entre le discours de la CAQ et les politiques réelles. “Le parti a excessivement politisé l’immigration et il est coincé avec cela”, a déclaré M.moi Bélanger.

Capucine Coustère souligne à cet égard un paradoxe important : plus les délais s’allongent pour passer du temporaire au permanent, plus le nombre total d’immigrants temporaires restera inchangé ou augmentera, note-t-elle, ce qui est « contrairement aux demandes répétées de M. .

Le nombre de travailleurs temporaires a explosé ces dernières années : on peut donc s’attendre à ce que beaucoup veuillent demander la résidence permanente. « Il y a un chevauchement des deux [temporaire et permanent]. Mais déjà lors de la dernière consultation, ils n’ont pas voulu en tenir compte. Ce n’est pas compliqué de comprendre qu’il y avait déjà un goulot d’étranglement”, souligne M.moi Bélanger.

C’est peut-être de là que vient le sentiment de « confusion », voire d’« incohérence », soulevé par plusieurs observateurs la semaine dernière, suggère Capucine Coustère : « On se demande dans quelle mesure ils ont une vision à long terme. terme si tout change dès que le vent politique tourne un peu. Et d’un autre côté, ont-ils réellement une marge de manœuvre ? Dans quelle mesure peuvent-ils aliéner tous les employeurs ou le monde des affaires ? »

Elle insiste sur le fait que la CAQ a contribué à « la construction de l’immigration comme problème politique pour justifier bien d’autres problèmes ». D’un autre côté, l’immigration temporaire a également été « une baguette magique pour résoudre tous les problèmes de travail, de vieillissement et de manque d’étudiants dans la région ».

Un portrait qui est finalement « assez caricatural » sur ces deux aspects, mais en tout cas un « cadrage un peu alarmant », conclut-elle.

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