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Janette Bertrand | Vieillir avec un T majuscule

Dans son nouveau livre, Cent ans d’amour – réflexions sur la vieillesseJanette Bertrand affirme que vieillir s’apprend, et que cela s’apprend jeune. Mais comment ? Par les personnes âgées elles-mêmes. « Si vous fermez les yeux quand vous regardez les personnes âgées, si vous ne prenez pas le temps avec elles, si vous ne leur parlez pas et si vous ne les écoutez pas vraiment, vous n’apprendrez rien », a-t-elle déclaré. Il y a des pays où l’on honore les personnes âgées et où l’on apprend d’elles, mais chez nous, une personne âgée ne sert plus à rien. »


Publié à 1h11

Mis à jour à 5h00

Janette Bertrand sait de quoi elle parle : en mars 2025, elle aura 100 ans. Les célébrations ont déjà commencé pour celui que le Québec considère comme un trésor national. Elle était en couverture de Elle Québec En septembre, une murale en son honneur a été dévoilée au coin des rues Ontario et Montgomery, près de l’endroit où elle a grandi dans l’Est, et un nouveau prix littéraire portant son nom a été créé, qui sera présenté lors de la prochaine Foire du livre de Montréal.

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE ARCHIVES

Janette Bertrand lors du dévoilement de sa murale dans le Centre-Sud au coin des rues Ontario Est et Montgomery le 26 septembre

Le prix Janette-Bertrand, qui vise à « célébrer l’engagement littéraire pour une société plus juste et égalitaire », a pour premières finalistes Léa Clermont-Dion, Martine Delvaux, Claudia Larochelle, Marie-Hélène Larochelle et Élise Turcotte. Janette Bertrand, qui est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages, accueille cette nouvelle distinction avec humilité. « Je suis très heureux parce que je n’ai jamais fait de « littérature », c’est-à-dire passer des heures à perfectionner ma phrase. La littérature était pour moi un moyen de communication. J’ai voulu récompenser les personnes qui écrivent dans le but de changer le monde, d’améliorer le sort des hommes et des femmes. »

Toute cette attention autour de son centenaire la ravit et la bouleverse. “Cela n’a aucun sens !” », s’exclame-t-elle. « Attention, cela compense beaucoup toutes les années où j’ai travaillé, où j’ai été critiqué. Je prends cela comme un mouvement de pendule. Les gens me détestaient et maintenant ils m’aiment. »

Fierté pour les vieux

Mais qui peut détester cette grande dame ? demande une petite fille comme moi, la moitié de son âge. J’en ai eu une vague idée lorsque j’ai reçu un méchant mail d’un monsieur, qui la traitait de féministe « enragée » qui souhaitait sa mort, simplement parce que j’avais annoncé son livre à la rentrée littéraire. Je vous épargne la vulgarité de ce message, et d’habitude je ne réponds pas, mais c’était s’en prendre à Janette, et la moutarde m’est montée au nez. Je n’ai pu m’empêcher de répondre : « Dans presque 100 ans, elle en aura enterré de pitoyables qui ne laisseront qu’une trace dans l’histoire de l’humanité. casser. » Elle a entendu et vécu certains des pires depuis un siècle, mais ça fait rire Janette quand je lui raconte.

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PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE ARCHIVES

Janette Bertrand au Salon du livre de Montréal, en novembre 2021

Au fond, j’ai réagi comme mon vieil ami (aujourd’hui disparu), le journaliste Gérald Leblanc, ex-prêtre défroqué, qui avait tonné devant sa télévision, lorsque des jeunes avaient vertement critiqué Janette Bertrand lors du débat sur la Charte des valeurs : « NOUS NE TOUCHONS PAS JANETTE ! » Il savait bien, lui qui avait grandi dans l’obscurantisme de la religion catholique, à quel point celle-ci avait influencé les mentalités et défait de nombreux tabous dans notre société, s’attirant les foudres de nombreuses personnes dans le monde. Je suis quand même découragée qu’à 99 ans, après tout ce qu’elle a fait, les hommes se permettent encore de la mépriser. « Ils ont peur que leur femme me ressemble », pense-t-elle.

Après avoir consacré une grande partie de sa vie à l’égalité entre les hommes et les femmes, Janette Bertrand a un nouveau cheval de bataille : redonner la fierté aux anciens. Comme à son habitude, elle aborde le sujet de front, ainsi que les tabous de la vieillesse, dans Cent ans d’amouroù elle parle de sexualité, d’incontinence et de dysfonction érectile. Près de dix ans après son livre La vieillesse par une vraie vieille femmeelle continue d’apprendre et a envie de transmettre, et on se rend compte que c’est un privilège incroyable de discuter avec une (presque) centenaire comme celle-là.

J’ai la chance de pouvoir exprimer ce que pensent beaucoup de personnes âgées, et elles seront de plus en plus nombreuses. J’ai en quelque sorte trouvé une façon de vivre que j’ai envie de partager.

Jeannette Bertrand

Et qui mieux que Janette pour nous dire la vérité ? Non, vieillir n’est pas facile, c’est une adaptation, et il y a des jours qui sont vraiment plus difficiles que d’autres. Pour Janette, qui est saine d’esprit, c’est plutôt le corps qui défaille. Elle s’est excusée d’avoir appelé un peu tard car elle ne sent pas ses doigts et compose souvent le mauvais numéro. Sauf que, malgré quelques deuils à faire, elle se réjouit chaque jour d’être en vie, et de se retrouver aux côtés de l’homme qu’elle aime depuis 41 ans. Ses conseils pour bien vieillir : bouger, se sentir utile, rester curieux, donner et recevoir de l’amour, être bien entouré. S’il faut un village pour élever un enfant, estime-t-elle, il faut aussi un village pour qu’une personne âgée s’épanouisse.

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PHOTO RENÉ PICARD, LA PRESSE ARCHIVES

Janette Bertrand, au Salon du livre de Montréal, en 1981

Vieux et heureux

Janette n’a aucune nostalgie. Vous ne l’entendrez jamais dire que c’était mieux avant. “Oh non! Hé, seigneur, c’était pire avant ! J’avais honte d’être une fille. Je me suis construit contre les inégalités entre hommes et femmes. J’ai été agressée sexuellement, mais tout le temps, parce que c’était pire avant, c’était dans la morale. Et personne n’a cru les femmes lorsqu’elles ont déclaré qu’elles étaient victimes de violence. » Pas même son père, qu’elle adorait.

Elle constate que les personnes âgées qui vivent heureuses sont malheureusement invisibles dans les médias, alors qu’elles ont tant à donner et qu’elles ont elles aussi besoin d’exemples. C’est pourquoi elle a lancé il y a quelques années une invitation aux personnes âgées à écrire leur autobiographie – elle a reçu depuis plus de 2 000 manuscrits – et est très impliquée auprès de l’Institut de gériatrie de Montréal, qu’elle désire ardemment. faire connaître. Sur le site de la Fondation Institut, vous pouvez lire de nombreux témoignages inspirants dans le cadre de son projet « Les seniors en manque de modèles ».

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PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE ARCHIVES

Janette Bertrand, en décembre 2023

Ce projet est mon bébé. Nous avons de la chance d’avoir cela à Montréal. L’Institut de gériatrie devrait être aussi connu que l’Institut de cardiologie. Ils sont si gentils. Lors de ma première visite, on m’a dit qu’ils n’allaient pas guérir mes blessures, mais plutôt m’aider à vivre une vieillesse confortable. J’ai aimé ça.

Jeannette Bertrand

Alors que l’espérance de vie n’a jamais été aussi allongée, on se rend compte en lisant Janette qu’on achète une triste vieillesse si la peur de vieillir nous rattrape trop tôt. “Ce livre s’adresse beaucoup aux jeunes”, a-t-elle déclaré. Si à 40 ans vous avez peur de vieillir, qu’allez-vous faire ? Vous allez être malheureux pendant toutes les années qui vous ont été données. Vous n’en profiterez pas. Avec ce livre, je veux donner un peu d’estime de soi aux personnes âgées. » Et celle qui a combattu le sexisme toute sa vie semble bien armée pour lutter contre l’âgisme. « Tant que les femmes ont été considérées comme inférieures, nous n’avons pas progressé », constate-t-elle. Depuis qu’on a laissé notre marque, depuis qu’on a pris notre place, les gens ont commencé à se respecter. C’est la même chose avec les personnes âgées : il faut commencer à les respecter et à voir chacun d’eux comme une personne. »

J’ai pris des notes mentales en lisant Cent ans d’amourcar ce n’est pas tous les jours que l’on peut bénéficier de l’expérience d’un (bientôt) centenaire aussi lucide. Parce que nous allons tous vivre ça, et Janette, une fois de plus, ouvre la voie.

En librairie mardi

Cent ans d’amour – Réflexions sur la vieillesse

Jeannette Bertrand

Libre Expression

167 pages

 
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