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« Plus de la moitié sont dus à la pollution de l’environnement »

Avec 60 000 nouveaux cas chaque année et 12 000 décès par an, le cancer du sein est la première cause de décès par cancer chez la femme, selon Santé publique . Bien que l’âge moyen du diagnostic de cancer soit de 64 ans, près de 20 ans % de femmes sont touchées par une tumeur du sein avant 50 ans, soit environ 12 000 femmes chaque année.

Fanny Thauvin est bénévole auprès de Jeune et Rose, un collectif de jeunes femmes confrontées au cancer du sein entre 20 et 40 ans et qui ont décidé de se mobiliser ensemble. Elle anime des ateliers de prévention dans des lycées, des collectivités ou des entreprises, et fait partie du groupe de travail de veille scientifique sur les facteurs environnementaux du cancer.

Reporterre — Vous organisez des ateliers de prévention du cancer du sein : comment abordez-vous la question environnementale ?

Fanny Thauvin — Nous abordons tous les facteurs liés au cancer du sein, en replaçant les chiffres dans leur contexte. Nous savons qu’environ un tiers des cancers du sein sont dits « évitable » — parce que lié à des comportements individuels comme le tabagisme, l’alcoolisme ou la sédentarité. Nous savons aussi que 10 % des cancers du sein sont d’origine génétique. Ce qui veut dire le reste — 55 à 60 % des cancers — proviennent de facteurs environnementaux. Autrement dit, la pollution de l’environnement (pollution de l’air, pesticides, perturbateurs endocriniens) joue un rôle majeur dans l’apparition des cancers.

C’est pourquoi nous critiquons certaines communications, notamment lors d’Octobre rose, qui mettent en avant des comportements individuels à risque, comme le tabac ou l’alcool. Ce sont certes des facteurs importants, mais ce ne sont pas les seuls ! Pour nous, cette focalisation individualise le combat, et instaure une forme de culpabilité pour les femmes atteintes d’un cancer… Cela voudrait dire que si nous mourons d’un cancer, c’est un peu notre faute. Mais parmi nous, il y a beaucoup de femmes qui n’ont jamais fumé et qui ont très peu bu.

Lors des ateliers de prévention, nous parlons beaucoup des facteurs environnementaux, apportant des adaptations concrètes dans notre quotidien. Déchiffrez les étiquettes des aliments (vous pouvez le faire facilement avec l’application Yuka) pour traquer les édulcorants cancérigènes, faites attention aux produits ménagers et cosmétiques contenant des phtalates et surveillez la qualité de l’air. Notre discours est : « Bien sûr, une législation est nécessaire à ce sujet, mais en attendant, voici ce qui peut être fait. »

On nous dit souvent qu’il nous manque des données, qu’il faut s’en assurer avant d’interdire une substance. Mais il existe un certain nombre d’études qui devraient encourager le principe de précaution. L’SGD [Organisation mondiale de la santé] a classé la France premier pays pour l’incidence du cancer du sein : cela doit nous pousser à agir !

Pourquoi cibler particulièrement les jeunes femmes autour du cancer du sein ?

On constate une augmentation des cas de cancer du sein chez les jeunes adultes, même si les données manquent. Selon une étude publiée en 2023, il y aurait eu une augmentation de ces cancers de 80 % chez les moins de 50 ans entre 1990 et 2019. En France, les moins de 50 ans représentent 20 % de cas de cancer, soit 12 000 cas chaque année.

Cependant, les jeunes femmes restent souvent à l’écart des mesures de prévention. Parce qu’on n’imagine pas avoir un cancer avant 50 ans. On a vu que cette population pouvait tomber malade en dehors d’un dépistage organisé et donc que l’auto-examen des seins avait un réel bénéfice sur la santé pour éviter des dépistages tardifs qui compromettent la guérison.

Dans nos ateliers, nous apprenons aux participants à s’observer, à se ressentir, à identifier les symptômes visuels qui doivent nous inciter à consulter un professionnel. On donne des conseils, comme aller au niveau des aisselles et des clavicules et ne pas rester au niveau des seins. Sentez sous votre doigt lorsqu’une balle fait son apparition « pierreux » ce qui devrait nous alerter.

Pour nous, cela devrait être une routine, un examen que l’on fait une fois par cycle, en dehors des règles. Nos ateliers ne sont pas du tout fermés au public plus âgé, bien au contraire. En revanche, ils sont assurés par de jeunes patientes de l’association, en traitement ou en rémission.

Quel est le problème avec la prévention du cancer du sein ? ?

Nous pensons que l’auto-examen des seins est un outil essentiel, gratuit et sans délai, que trop peu de personnes disent savoir pratiquer.

Cependant, nous voyons la limite. Réduire l’incidence des cancers nécessite de s’intéresser en amont aux facteurs déclenchants. Tant qu’on ne traite pas à la Source, on peut dépister autant qu’on veut, on ne résoudra pas le problème.

D’où la création de ce groupe de travail interne sur les facteurs environnementaux. Nous appuyons également la création d’un registre national. En Europe, la France est le seul pays, avec l’Espagne, à ne pas disposer d’un registre national rassemblant toutes les données sur les personnes atteintes de cancer : seuls 25 départements font ce suivi. Cependant, ce type de registre permet de mettre en avant les maladies professionnelles et les zones particulièrement vulnérables. Et in finepouvoir envisager des mesures de prévention plus efficaces.

Ateliers « couineur », « télénipple »… Vous abordez ce sujet sérieux avec humour, et avec un aspect festif : pourquoi ce choix ?

Nous sommes convaincus qu’en diffusant le message de cette manière, nous augmentons les chances que les personnes ayant des mamelons soient plus conscientes des facteurs de risque et, surtout, commencent à pratiquer des auto-examens des seins. En ne dramatisant pas le geste et en leur suggérant que le« on vérifie que tout va bien » – et non pas que nous « rechercher une masse suspecte » —, cela pose une intention plus positive.

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