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“Bercy avait lancé des alertes”, “Macron était au courant…” Analyse d’Eric Heyer de l’OFCE

l’essentiel
Une commission d’enquête de l’Assemblée nationale doit faire la lumière sur les raisons de la violente spirale du déficit public. Selon Eric Heyer, directeur du département Analyse et Prospective de l’OFCE, les services de Bercy étaient au courant, ils ont tiré la sonnette d’alarme, mais ils ont sous-estimé l’ampleur de la dérive des comptes publics.

Saviez-vous que les services de Bercy avaient émis des alertes sur les dérapages des comptes publics ?

Il y a bien eu des alertes, dès la fin 2023. On a vu assez vite que le déficit pour 2024 allait être plus élevé que prévu, car les recettes fiscales seraient inférieures aux prévisions. Bercy a même demandé aux collectivités locales de dépenser moins. Ils nous ont répondu qu’il était malheureusement trop tard… Alors oui, des alertes ont été données sur un dérapage qui était anticipé.

Son ampleur était-elle également ?

L’écart par rapport aux prévisions était de 0,4% en 2023. Cette année, il devrait être d’au moins 1,7%. Autrement dit, la loi de finances prévoyait un déficit de 4,4% alors qu’il devrait dépasser 6% du PIB. Il se pourrait même, selon les rumeurs, que ce soit bien plus, car l’année n’est pas terminée.

Eric Heyer est directeur du département Analyse et Prospective de l’OFCE.
RD

Quand a-t-on réalisé qu’il existait un risque d’écart aussi gigantesque ?

On ne le savait pas encore en juillet dernier, puisqu’une alerte de Bercy, rendue publique cette fois, faisait état d’un déficit de « seulement » 5,7 % à la fin de l’année.

Emmanuel Macron a-t-il été informé de cette dérive des comptes ?

Je l’imagine, dans la mesure où les services de Bercy lui ont présenté assez rapidement un projet de loi de finances rectificative pour 2024. Ce qui leur a été refusé par les Premiers ministres successifs Elisabeth Borne et Gabriel Attal. C’est peut-être ce dont parle l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire lorsqu’il affirme : « La vérité éclatera plus tard ».

Ce dernier n’est-il pas le premier responsable dans cette affaire ?

C’est une question de point de vue. Sa position est plutôt de dire qu’il a réduit les déficits avant les crises sanitaire et énergétique, ce qui est vrai. Qu’il a ensuite « sauvé » l’économie française lors de ces deux crises et que les comptes ont été alourdis à cause d’elles. D’autres diront au contraire que c’est en pariant sur un choc budgétaire au début du mandat d’Emmanuel Macron que Bruno Le Maire a commis une erreur. Il a réduit les impôts de 40 milliards d’euros, sans que cette perte de recettes soit compensée par des réductions de dépenses ou de nouveaux impôts.

Est-ce la raison du déficit actuel ?

Quatre facteurs expliquent la situation dans laquelle se trouvent nos comptes publics. Les services de Bercy se sont trompés dans leurs prévisions de croissance, tirées davantage par nos exportations que par notre consommation, qui ne correspond pas aux mêmes recettes fiscales. Ils se sont trompés sur le niveau d’inflation, qui affecte également les revenus. Et ils ont eu tort de parier que les recettes fiscales seraient supérieures à la croissance, ce que l’on appelle « l’élasticité des recettes au PIB ».

Quelle est la quatrième raison ?

C’est le dérapage des dépenses des collectivités locales, qui n’est pas maîtrisé. Lorsqu’on additionne le coût de ces quatre facteurs, on constate une dérive du déficit de 1,7% par rapport à ce qui était prévu.

Un effort de 60 milliards d’euros en 2024 suffira-t-il à combler ce trou abyssal ?

D’abord, selon nos calculs, il s’agira d’un effort de 44 milliards et non de 60. Ensuite, cela devrait ramener le déficit public autour de 5 %. Mais l’objectif du gouvernement est qu’il repasse sous la barre des 3% d’ici 2029. Il faudra donc faire un effort au moins comparable pendant plusieurs années.

 
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