Nouveau directeur de l’Opéra de Lausanne, Claude Cortese ouvre sa saison inaugurale jusqu’au 15 octobre avec la création de «Guillaume Tell» de Rossini, une œuvre somptueuse jamais présentée dans la maison vaudoise. Le réalisateur Bruno Ravella a relevé le défi de cette production servie par un ensemble vocal brillant.
Claude Cortese, nouveau directeur de l’Opéra de Lausanne, n’a pas peur. Car monter « Guillaume Tell » à l’Opéra de Lausanne est un défi protéiforme. L’opéra de Rossini, créé en 1829 à Paris, dure dans sa version complète plus de quatre heures, est écrit en français d’après la pièce de Schiller et nécessite sur scène un nombre impressionnant de solistes et de choristes.
Pourtant, ce travail lui est apparu « aussi évident » en pensant à sa première production en tant que réalisateur, explique le Marseillais dans l’émission Du bon pied du 5 octobre. Tout comme il lui semblait essentiel de proposer au public lausannois une nouvelle production. «Dans une salle de production comme l’Opéra de Lausanne, il était inimaginable de ne pas démarrer par une création», souligne-t-il.
Chœur et solistes en mouvement
Sur la scène lausannoise, la durée de la partition de Rossini a été réduite à 3h45 avec un entracte. La direction a été confiée à Bruno Ravella, assisté du danseur Carmine de Amicis pour la chorégraphie.
Après l’ouverture finement ciselée de l’Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL), dont une célèbre partie ressemble à une charge de cavalerie, le rideau se lève sur un tableau au bord du lac de Ferdinand Hodler. Villageois et paysans, vêtus de costumes tout droit sortis des tableaux du même artiste, célèbrent les valeurs suisses comme le « travail » et « l’amour ».
« Poésie et humanité »
« J’aime retrouver de la poésie et de l’humanité dans une œuvre. Dans le cas de « Guillaume Tell », l’histoire peut parfois être un peu difficile à comprendre, notamment au quatrième acte. Je voulais une lecture assez lisible (.. .) et quelque chose de vraiment beau», explique le réalisateur Bruno Ravella.
La scène, pastorale, est resplendissante tant les costumes contribuent à l’harmonie du tableau, rompu à la fin de l’acte par l’irruption brutale des soldats de Gessler, le gouverneur tyrannique qui tient les Helvètes sous son joug. Le baryton Jean-Sébastien Bou dresse parfaitement le portrait d’un Guillaume Tell pensif et inquiet pour sa patrie, qui se révélera au fil des actes aussi habile rallieur de troupes qu’arbalétrier de légende.
De chaleureuse et intimiste, l’atmosphère prend ensuite un ton plus sombre à l’acte II, comme la forêt noire, comme carbonisée, dans laquelle errent le fils du paysan respecté Melchtal, Arnold, et la princesse des Habsbourg Mathilde, qui confessent leur amour à l’un l’autre. Dans le rôle redoutablement difficile d’Arnold, qui demande des aigus stratosphériques, le ténor d’origine bordelaise Julien Dran remplit parfaitement son contrat.
Quant à la soprano ukrainienne Olga Kulchynska, elle convainc également dans le rôle exigeant vocalement de Mathilde et compose une femme forte, qui s’oppose au tyran Gessler et protège le fils de Tell, Jemmy. Dans ce dernier rôle, la soprano canadienne Elisabeth Boudreault est époustouflante, taquine et jeune à souhait. Avec un casting largement en jeu de rôle (autre envie du nouveau réalisateur) et essentiellement francophone, l’ensemble vocal participe au succès de la soirée.
Le fameux épisode de la pomme
Le sort des vaillants Confédérés est scellé dans l’Acte II. “Ou l’indépendance, ou la mort !”, insistent les paysans d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald qui s’unissent contre l’occupant. L’acte III raconte le fameux épisode de la pomme posée sur la tête du fils de Tell, que ce dernier, après un air déchirant accompagné du violoncelle solo, fait éclater sous les acclamations de la foule.
Emmené par Gessler et ses acolytes sur le lac orageux en direction de la prison, Guillaume Tell les laisse seuls au quatrième et dernier acte en sautant sur un rocher puis en tuant Gessler avec son arbalète. Il est alors rejoint par Arnold et les Confédérés, qui annoncent la fin de l’occupation ennemie. Mathilde et Arnold, Guillaume Tell et sa famille se retrouvent et célèbrent l’Helvétie enfin libérée.
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Un Guillaume Tell profondément humain
Revenant sur l’histoire fondatrice de la Suisse, l’opéra de Rossini montre un Guillaume Tell profondément humain et attachant, refusant de sacrifier son enfant sur l’autel de ses valeurs. A l’Opéra de Lausanne, le spectateur se laisse emporter par ce romantisme flamboyant, magnifié par des décors et des costumes à la fois simples et raffinés.
Aux commandes, le chef romain Francesco Lanzillotta donne à l’OCL une direction énergique, faisant ressortir toutes les nuances et la finesse de la musique de Rossini tout en négociant avec brio les formidables rythmes de la partition.
A la fin de la première, dimanche 6 octobre, le public s’est levé et a applaudi le succès de cette ouverture de saison. Au cours des prochaines années, les amateurs d’opéra lausannois auront l’occasion d’élargir leurs horizons: Claude Cortese a déjà annoncé qu’il souhaiterait proposer des titres du grand répertoire inédits lors de la saison 2025-26. été joué à l’Opéra de Lausanne.
Mélissa Hartel
“Guillaume Tell” de Rossini, mise en scène Bruno Ravella, avec Jean-Sébastien Bou, Olga Kulchynska, Julien Dran, Elisabeth Boudreault, Géraldine Chauvet, Frédéric Caton, Luigi De Donato, l’OCL sous la direction de Francesco Lanzillotta, Opéra de Lausanne, à revoir les 8, 11, 13 et 15 octobre 2024.
L’opéra sera filmé et enregistré ; elle sera diffusée le 24 octobre 2024 sur RTS 1 et le 2 novembre 2024 sur Espace 2.
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