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Une nuit avec Eclipse | “Le type de crimes a complètement changé”

Chaque jour, les policiers sont confrontés au nouveau visage du crime organisé. La presse a accompagné les membres de l’équipe Eclipse pendant une nuit la semaine dernière.


Publié à 00h57

Mis à jour à 5h00

1h30, dans un restaurant-bar du boulevard De Maisonneuve Ouest, près de Peel, au centre-ville de Montréal.

Les dix membres de l’escouade Eclipse, spécialisée dans la surveillance des établissements agréés et la collecte de renseignements sur le crime organisé, peinent à se déplacer entre les tables et sur la piste de danse, tant l’endroit est bondé.

« Écoutez, il fait partie d’un tel groupe. L’autre, plus loin, est une fraude de type grands-parents », nous raconte un policier.

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PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

L’escouade Éclipse est spécialisée dans la surveillance des établissements agréés.

Au total, les agents identifieront au moins une trentaine de sujets d’intérêt dans et devant l’établissement, où sont rassemblés plusieurs individus, parfois même membres de deux groupes entre lesquels existent des tensions.

Suspects de meurtre, individus accusés ou soupçonnés d’avoir été impliqués dans des événements violents, individus connus pour posséder une arme à feu, fraudeurs de toutes sortes qui dépensent sans compter pour des sommes volées à des personnes vulnérables ; les policiers d’Eclipse les observent quotidiennement.

plus rien de tout ça

« Depuis la pandémie, le type de crimes a complètement changé. La vie nocturne a changé. La ville a changé », déclare le sergent Vincent Moore, policier depuis 18 ans, qui fait partie d’Eclipse depuis 2020.

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Sergent Vincent Moore, Escouade Eclipse

Personnellement, je trouve que la criminalité est devenue extrêmement jeune. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des jeunes de 14 ans impliqués dans des crimes importants. Avant, on ne voyait pas ça. Finalement, ils ont été surpris en train de voler à l’étalage.

Sergent Vincent Moore, Escouade Eclipse

« Avant, les organisations criminelles étaient pyramidales. Lorsqu’on avait un problème avec un individu, on était capable de cibler la bonne personne à qui aller voir pour régler la situation. Mais depuis la pandémie, il y a une rupture avec une certaine génération de gangs de rue. Ils n’ont pas de hiérarchie et sont désorganisés, donc c’est plus difficile d’écouter», ajoute son collègue le sergent Nicolas Giguère, qui est dans l’escouade depuis près de 15 ans.

Cette « certaine génération », dont les noms de groupes font régulièrement les manchettes des événements de violence armée à Montréal et Laval depuis 2020, les policiers de l’Éclipse l’ont vue grandir.

« Têtes brûlées »

« Souvent, ce sont des groupes avec lesquels on a une moins bonne collaboration. Quand ils tiraient partout, même les membres les plus âgés des gangs avaient peur d’eux. Même si ces jeunes ont vieilli et s’organisent, ils n’ont plus le même respect du code de la rue qu’avant. Et ils n’ont définitivement pas le même respect envers les policiers», ajoute le sergent Giguère.

« Certains jeunes collaborent un peu, mais la majorité avec laquelle j’ai affaire, c’est un effet de gang, ils se sentent invincibles. »

“Les plus grands, quand on leur parle, ils nous disent que les jeunes d’aujourd’hui n’écoutent absolument rien et qu’ils sont tous des têtes brûlées”, poursuit son collègue Moore.

Selon la police, les jeunes se moquent des codes établis de longue date, comme le démontre cette guerre de paiement de protection – le racket de protection et l’extorsion contre les établissements agréés, qui sévit à Montréal depuis plusieurs mois et qui serait à l’origine de l’incendie mortel survenu dans le Vieux-Montréal la semaine dernière.

« Avant, on disait aux incendiaires : ‘N’y allez pas ; le restaurant est lié à la mafia. Mais maintenant, les jeunes y vont quand même, pour 300 dollars. Ils ne savent même pas qui ils attaquent », décrit un policier d’Eclipse.

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Selon les policiers de la brigade Eclipse, les jeunes criminels ignorent souvent les codes établis.

A tel point que restaurateurs et propriétaires, auparavant agacés par la présence des policiers d’Eclipse dans leur établissement, les remercient, mais subtilement, nous dit-on.

« Le propriétaire ne peut pas faire ça devant certains clients de son établissement. Nous les comprenons. Ils sont souvent entre les rochers et l’écorce», explique Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé du SPVM, dont relève l’escouade Éclipse.

Les armes à feu au menu

Saisir une arme à feu n’est plus une rareté pour Eclipse comme c’était le cas auparavant.

« La gamme d’armes à feu a explosé ces dernières années », déplore Vincent Moore. C’est complètement fou. Je n’ai jamais vu ça au cours de mes 18 années de carrière au SPVM. Trouver une arme à feu dans le sac d’un homme d’un client dans un établissement agréé est extrêmement courant. »

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In the center, Sergeant Nicolas Giguère

« J’ai vu une différence lorsque la Cour suprême [rejeté les peines minimales] de trois ans et de cinq ans en cas de récidive, pour détention d’arme à feu. Avant cet arrêt, des gens dans la rue nous ont dit qu’ils ne voulaient pas entrer longtemps au pénitencier. Mais maintenant, des individus sont arrêtés pour possession d’armes à feu et peu de temps après, on les voit à nouveau dehors», raconte le sergent Giguère.

Or, il n’est pas rare qu’on arrête un individu et qu’il dise : “Eh bien, ce n’est pas grave, vous me relâcherez avec un morceau de papier, et je recommence.” J’ai l’impression qu’ils n’ont plus peur d’être arrêtés par la police. Ils savent qu’il n’y aura aucune conséquence.

Sergent Vincent Moore, Escouade Eclipse

10 000 $ d’alcool sur la table

Dans plusieurs des établissements qui La presse rendus chez les policiers d’Eclipse, ils nous ont montré des tables occupées par des individus qui faisaient la fête ; des fraudeurs type grands-parents ou autres, qui n’hésitent pas à dire à la police qu’ils gagnent beaucoup d’argent.

« Parfois, le même groupe de fraudeurs peut être aperçu cinq soirs en ligne dans des lieux agréés », indique le sergent Giguère.

« La fraude est le crime du moment », poursuit le sergent Moore. C’est très bien payé et les pénalités sont minimes. Nous voyons l’argent qu’ils volent chaque jour parce qu’ils doivent le brûler, parce qu’ils ne peuvent pas le déclarer. Il y en a un que nous rencontrons… L’année dernière, il a déclaré 15 000 $ au fisc, mais les soirs où nous le voyons, il n’est pas rare qu’il soit assis autour d’une table sur laquelle il y a entre 10 000 et 15 000 $ de bouteilles. »

La jeune génération

Eclipse ne se limite pas aux établissements dotés d’un permis d’alcool. Il s’agit aussi, entre autres, de la surveillance des réseaux sociaux, pour prévenir les délits, ou encore des patrouilles dans les parcs et autres lieux connus où la police croise les futurs visages de cette nouvelle délinquance, interdisant déjà aux adolescents sur lesquels elle enquêtera. dans quelques années.

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Ce policier note dans son carnet les noms des individus d’intérêt qu’il a observés.

La rébellion des gangs, qui se poursuit dans l’est du Québec, rattrape les membres d’Éclipse, même à Montréal.

Des citoyens de Lévis, en banlieue de Québec, qui dînaient dans un restaurant de la rue Duke, leur ont fait part de leur inquiétude et leur ont dit qu’ils étaient très heureux d’être là.

Un baume pour ces policiers, qui se heurtent constamment à l’hostilité des individus sur lesquels ils enquêtent et qui ne sauront jamais combien de crimes ils ont pu empêcher.

« L’escouade est à l’avant-garde du crime organisé », affirme le commandant Francis Renaud. Ses membres sont quotidiennement en contact avec des criminels car ils leur parlent et sont dans leur vie. Ils sont à l’avant-garde et perçoivent les tendances et les mouvements avant tout le monde. Cela fournit des informations extraordinaires non seulement à Montréal, mais aussi partout dans la province. »

Pour contacter Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 21. 4918, écrivez à [email protected] ou écrivez à l’adresse postale de La presse.

 
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