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S’installer dans la région pour des « emplois rémunérés », vraiment ?

De nombreux « emplois rémunérés » seront bientôt créés dans les régions du Québec, ce qui encouragera les familles à s’y installer, a récemment déclaré le premier ministre François Legault.1. Est-ce réaliste ? Les avis sont très partagés.


Publié à 1h18

Mis à jour à 5h00

Est-ce un bon plan ?

«J’essaie d’être neutre, mais je suis très en colère», affirme Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et spécialiste du développement économique régional. « Baser l’économie de la région sur la grande multinationale étrangère » est une « vieille mentalité », dénonce-t-il. « Ce sont des modèles vieux de 30 ou 40 ans qui sont encore d’actualité aujourd’hui… pour les zones dévitalisées des pays pauvres ! »

Pour les régions qui ont perdu de grands employeurs, comme Trois-Rivières, la « renaissance industrielle » de M. Legault serait néanmoins une bénédiction, non ?

Une ville peut intéresser « les grandes entreprises qui viennent s’y installer parce qu’elle rapporte des revenus fiscaux », convient M. Laurin, qui a beaucoup étudié la Mauricie et le Centre-du-Québec. « Mais du point de vue du développement économique, je souhaite que nous travaillions avec les entreprises présentes dans la région. Parce que l’économie réelle, c’est l’entrepreneuriat, la créativité, l’innovation, la prise de risque. »

Au fait, qu’est-ce qu’un « travail rémunéré » ?

« Si une entreprise crée des emplois à 50 $ de l’heure et une autre à 20 $ de l’heure, je choisis celle à 50 $ de l’heure », a récemment déclaré François Legault. « Il est certain que si nous avons des emplois à 100 000 dollars par an qui remplacent d’autres emplois à 50 000 dollars par an, cela apporte des revenus supplémentaires », soulignait-il l’année dernière. « Chaque fois que j’accueille un immigrant qui gagne moins de 56 000 $, j’aggrave mon problème », a-t-il déclaré lors d’une séance privée du Conseil du patronat du Québec (CPQ), en 2021.

Personne ne peut être contre la vertu !

«Le premier ministre ne devrait pas créer une hiérarchie des emplois basée sur la rémunération», s’oppose le PDG du CPQ, Karl Blackburn. « Tous les emplois sont importants pour soutenir la vitalité de nos communautés, de Val-d’Or à Gaspé. Nous avons besoin de gens pour faire fonctionner nos restaurants, nos hôpitaux, nos commerces locaux, nos chantiers de construction. » Dans un contexte de plein emploi, les grandes multinationales « hyper-subventionnées à des niveaux inédits » risquent de « voler les salariés des PME », ajoute le professeur Frédéric Laurin.

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PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE ARCHIVES

Le PDG du Conseil du patronat du Québec, Karl Blackburn

Cela fait beaucoup de pots. Y a-t-il des fleurs ?

Plusieurs, notamment sur la Côte-Nord, seule région où la population n’a pas augmenté selon le dernier décompte de l’Institut de le tourisme du Québec (ISQ)2. «C’est de la musique à mes oreilles», a déclaré Denis Miousse, maire de Sept-Îles et préfet de la MRC de Sept-Rivières. « Cela me sourit. Nous avons une communauté de 7 500 personnes avec des infrastructures pour 10 000 à 15 000 habitants», affirme Manon Cyr, mairesse de Chibougamau, dans le Nord-du-Québec. « Nous aimons entendre cela de la part du Premier ministre. Le but est de ramener les gens en région, de garder les régions saines et vivantes», se réjouit Frédéric Raymond, directeur général de Place aux Jeunes, qui accompagne les travailleurs qualifiés de 18 à 35 ans qui souhaitent s’établir. dans la région.

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PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE ARCHIVES

La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr

Les citadins vont-ils vraiment s’installer en région ?

En Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec, c’est l’inverse qui se produit depuis des années : ces régions perdent plus d’habitants au profit du reste du Québec qu’elles n’en gagnent. Et partout dans la province, la migration interrégionale est à son plus bas niveau depuis 20 ans. « Tant mieux s’il y a des Québécois qui déménagent du Plateau Mont-Royal et veulent venir vivre à Jonquière. Mais si on veut répondre aux emplois dont parle M. Legault, il faut aussi maintenir nos étudiants internationaux», fait valoir Sylvain. Gaudreault, président du Regroupement des cégeps de régions. Le fait que Québec veuille limiter le nombre d’étudiants étrangers inquiète ses membres. Dans certains cégeps, dont Saint-Félicien et Matane, les étudiants internationaux représentent plus de 30 % de la clientèle. « Cela montre à quel point il est important de fournir de la main d’œuvre dans ces communautés : nombreux sont ceux qui viennent ici et décident finalement de rester. »

Que faudrait-il de plus ?

«Nous avons besoin d’humains qui viennent vivre, et pas seulement de gens qui viennent par avion», souligne le maire de Chibougamau. Près de 25 % des emplois de sa région sont occupés par des travailleurs provenant d’autres régions, montrent les données compilées par l’Administration régionale de la Baie James. Chibougamau construit des infrastructures de logement et de loisirs, mais des « mesures fiscales » sont nécessaires, comme un programme d’accession à la propriété, un crédit d’impôt plus généreux pour les nouveaux diplômés et « moins d’impôts », soutient M.moi Cyr.

1. Lire « Legault veut convaincre les Québécois de déménager en région »

2. Explorez le déclin marqué de la migration interrégionale

 
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