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« Nous ne pouvions pas nommer Israël dans la déclaration »

Le ministre libanais de l’Information est à Paris, samedi 5 octobre, où se tient le sommet de la Francophonie. Dans un entretien à RFI, Ziad Makary explique à nos envoyés spéciaux, Nicolas Rocca et Robin Cussenot, la raison de sa présence en France, alors que son pays traverse une crise extrêmement grave.

RFI : Votre pays traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Pourquoi es-tu venu ici ? Êtes-vous venu chercher le soutien d’autres membres de l’OIF ?

Ziad Makary : Mon pays est en guerre. Le Liban est membre fondateur de la Francophonie, nous sommes toujours aux sommets, mais le Premier ministre n’a pas pu venir, il ne peut pas quitter le Liban, et moi-même, je n’aurais pas voulu quitter le Liban. Mais il faut que quelqu’un représente mon pays. Donc, nous sommes ici, et chaque fois que nous sommes hors du Liban, nous parlons, nous disons ce qui se passe chez nous. C’est normal de demander de l’aide.

Nous comptons beaucoup sur la France. Je pense que c’est le seul pays qui a une réelle intention, une bonne intention pour le Liban. Le président Macron l’a dit à plusieurs reprises. Vendredi également, il y a eu un beau message avec Hiba Tawaji, qui chantait pour Beyrouth, à la demande personnelle du président Emmanuel Macron. Aujourd’hui, j’ai un discours. Et nous allons parler du Liban, de ce qui se passe.

Etes-vous satisfait des déclarations de la France ? Espérez-vous une condamnation un peu plus ferme des actions d’Israël envers le peuple libanais ? Quels sont les mots que vous attendez vraiment ?

Nous aurions aimé qu’il y ait une condamnation très claire des pays francophones. Mais malheureusement, nous ne pouvions même pas nommer Israël dans la déclaration, car chaque fois que nous nommons Israël, de nombreux pays sont malheureusement solidaires avec Israël. Ils ne peuvent pas voir ce qui se passe au Liban.

Je voudrais dire maintenant que nous avons plus de 2 000 victimes, 1,2 million de personnes déplacées. Parmi les victimes, nous avons 110 ou 120 sauveteurs, membres de la défense civile… Beyrouth est bombardée tous les jours. Aujourd’hui, l’armée israélienne a également bombardé le nord du Liban. Cela ne s’arrête jamais.

Pour la première fois depuis un an, l’armée libanaise a tiré cette semaine sur Israël, a réagi l’armée. Comme vous l’avez dit, il y a eu de nombreux bombardements, des attaques extrêmement claires contre l’intégrité du territoire libanais, dans la capitale, dans la Bekaa, et des opérations terrestres dans le sud. Pourquoi l’armée libanaise a-t-elle décidé de réagir maintenant ?

L’armée libanaise est chargée de défendre le territoire libanais, elle réagit donc lorsqu’il faut réagir. Il y a déjà deux martyrs, deux soldats qui ont été tués par Israël. C’est pour ça que je dis que ça ne va pas. Sur tous les fronts, c’est faux. J’ai même lu qu’Israël avait menacé la FINUL, la force internationale des Nations Unies, qui se trouve dans le Sud. Ils les ont menacés de quitter leurs positions. Il n’y a plus de limites à ce qui se passe.

Justement, cette force onusienne pour la paix apparaît un peu impuissante. A quoi servent encore les membres de la FINUL sur le terrain ?

Ils font partie de la résolution 1701. Ils doivent être au Liban. Déjà, ils constatent des violations de cette résolution. Je voudrais dire qu’Israël a violé cette résolution, depuis 2006, 56 000 fois – dans les airs, sur terre et sur mer. La FINUL doit donc rester. Mais je ne fais pas confiance à Israël, après tout ce que nous avons vu à Gaza. Ils ont assassiné des membres des Nations Unies et de nombreuses organisations internationales. Je m’attends malheureusement à beaucoup de mauvais jours.

Quelle solution durable, selon vous, pour tenter de régler ce problème de frontière sud ? Que recommande le gouvernement libanais ?

Nous avons déjà un conflit concernant deux parties du territoire libanais. Le Liban affirme que les fermes de Chebaa et Kfar Chouba appartiennent au Liban. Cependant, ils sont occupés par Israël. Il faut déjà commencer à en parler, à négocier cela. Ce qui me fait peur, c’est que la guerre ne se limitera pas au Liban. Je pense que cela se fera peut-être à l’échelle régionale. Malheureusement aussi, avec tout ce qui se passe entre l’Iran et Israël, les factions armées en Irak, les Houthis, toute la région pourrait soudainement s’enflammer.

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Deuxième journée du 19e sommet de la Francophonie, au Grand Palais, à Paris, ce samedi 5 octobre 2024. ©Igor Gauquelin/RFI

Cela fait maintenant deux ans que le pays n’a officiellement pas de gouvernement. Où en sont les efforts entre les formations politiques libanaises pour nommer un président de la République et un gouvernement ? N’est-il pas trop tard, compte tenu de la situation militaire très dégradée ?

Un président seul ne peut pas sauver cette situation. Il nous faudra un président, c’est sûr. Mais je ne pense pas que quiconque va accélérer les choses maintenant, puisque nous sommes en guerre. Il y a donc des priorités, malheureusement. La Constitution libanaise est très compliquée. Je dis que cela a été fait pour gêner beaucoup de travail. C’est une classe politique qui représente les religions, les confessions, qui complique tout, à chaque fois qu’il y a des élections, à chaque fois qu’il y a un nouveau président. Nous espérons avoir un président, car le gouvernement ne fonctionne pas de manière positive, pas plus que le Parlement. Mais je vous le redis : maintenant, il y a des priorités. Le pays est en guerre, nous avons de nombreux problèmes économiques, constitutionnels et sociaux.

La mort de Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, a suscité des réactions extrêmement diverses au sein de la population libanaise. Comment pouvons-nous garantir que cette crise n’aggrave pas encore les conflits entre groupes religieux au Liban ?

Malheureusement, la situation interne ne va pas bien. Aussi, l’assassinat de Hassan Nasrallah a généré beaucoup de changements, beaucoup de haine. Là, je dis que dans le pays, malheureusement, on a beaucoup de haine, beaucoup de sang, beaucoup de divisions. Et nous avons beaucoup de travail à faire après cette guerre.

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