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A la veille de la présidentielle, l’opposition tunisienne s’inquiète du recul des libertés

« Nous voulons la liberté, nous voulons la dignité, nous voulons du travail pour nos jeunes », scande un manifestant, à quelques mètres d’un important dispositif de police.

A deux jours de l’élection présidentielle, quelques centaines d’opposants au président Kaïs Saïed ont investi vendredi l’avenue Habib-Bourguiba, au cœur de Tunis. Certains ont entre les mains des photos de militants ou d’opposants qui sont derrière les barreaux.

Il y a environ quatorze ans, cette avenue principale de la capitale était au cœur du mouvement de contestation qui a fait de la Tunisie le premier pays à entrer dans le Printemps arabe.

Après l’immolation d’un vendeur dont la marchandise avait été retirée fin 2010, les manifestations se sont multipliées. Le 14 janvier 2011, ce mouvement a conduit à la fin du règne de 23 ans de Zine el-Abidine Ben Ali.

L’avenue Bourguiba est appelée l’avenue de la révolution, nous sommes venus réexprimer nos attachements aux acquis de la révolution. Liberté, démocratie, liberté d’expression.

Une citation de Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme

Bassem Trifi, de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, entend poursuivre les manifestations en faveur de plus de liberté.

Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.

Bassem Trifi, qui se trouvait sur cette même avenue en janvier 2011, a vu depuis ses rêves de démocratie se heurter à une toute autre réalité.

En juillet 2021, après une période d’impasse politique, le président Kaïs Saïed annonce la démission du gouvernement et la suspension de l’Assemblée. L’année suivante, le président démocratiquement élu en 2019 a confirmé l’amendement à la constitution, lui accordant davantage de pouvoir. Seulement environ 30 % des électeurs ont voté lors du référendum.

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Le président sortant Kaïs Saïed ne rencontrera que peu d’opposition lors des élections de dimanche.

Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair

Dimanche, le chef de l’Etat entend être réélu pour un second mandat à la tête du pays, lors d’un scrutin où il rencontre peu d’opposition. Seuls deux candidats ont été autorisés à se présenter, et l’un d’eux a été condamné mardi dernier à une peine de 12 ans de prison en raison de son parrainage électoral.

Nous ne sommes plus dans un État démocratique. Nous sommes dans un État totalitaire où le président a toutes les prérogatives.

Une citation de Najla Kodia, représentante du parti Al-Qotb
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Des représentants de cinq partis de gauche ont tenu jeudi une conférence de presse pour dénoncer le processus électoral.

Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.

Jeudi, quelques jours avant le vote, cinq partis de gauche ont organisé une conférence de presse pour dénoncer le processus électoral qu’ils entendent boycotter. Aller voter, ça donne une légitimité» déclare Najla Kodia, membre du parti Al-Qotb.

Elle a représenté son parti à la conférence de presse en l’absence de son secrétaire général, également derrière les barreaux depuis onze mois, accusé de délits financiers. Rien n’a encore été prouvéassure Najla Kodia.

Un soutien, malgré les difficultés économiques

Sur les ondes d’une radio très populaire, le chroniqueur Khalil Rekik défend le bilan du président Saïed.

S’il considère normal de défendre les libertés et lutter contre les décrets qui limitent la liberté de la pressele chroniqueur estime que ces mesures s’inscrivent dans une volonté de stabiliser le pays.

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Le chroniqueur Khalil Rekik défend la stabilité offerte par le président par rapport aux années qui ont suivi la révolution.

Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.

Lorsque nous utilisons la question des droits de l’homme pour affaiblir politiquement le pouvoir, je pense que nous nous éloignons de notre objectif principal.

Une citation de Khalil Rekik, chroniqueur

Khalil Rekik rappelle ainsi que la décennie qui a suivi la révolution de 2010-2011 a été marquée par la montée de l’islam politique, par des attentats et par une grande instabilité politique qui a donné lieu à grande colère populaire.

Je pense que Kaïs Saïed travaille bien, beaucoup même. C’est un gars propre, il essaie de arranger les chosesdit un homme rencontré au marché central de Tunis.

Venu faire du shopping, il avoue que le président fait néanmoins face à des défis importants, notamment sur le plan économique.

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La hausse des prix est constatée au marché central de Tunis.

Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.

Malgré une baisse récente, le taux d’inflation dépasse 6,5 %. Le chômage, enregistré à 16%, atteint 40% pour les jeunes de 18 à 24 ans, dont beaucoup quittent le pays à la recherche de meilleures opportunités, notamment en Europe.

Si le pays pensait à nous, nous penserions au paysnous raconte un jeune ingénieur, qui rêve de s’installer en Allemagne.

Si de nombreux Tunisiens n’hésitent pas à s’exprimer sur la situation économique du pays, ils sont encore moins nombreux à vouloir s’exprimer sur le contexte politique.

Les gens ont peur, ils sont démotivés aussi. Je comprends très bien leur démotivation, car le pouvoir actuel n’écoute riennote Bassem Trifi, de la Ligue des droits de l’homme.

Signe de cette démotivation, en 2023, le taux de participation aux élections législatives n’était que de 11,4 %.

En participant à des manifestations, comme celle de vendredi, le militant dit vouloir briser le mur de la peur.

Consciente des défis auxquels sont confrontés les représentants de l’opposition, Najla Kodia, du parti Al-Qotb, estime qu’un facteur ne doit pas être sous-estimé : le fait d’avoir déjà goûté à la liberté.

Les jeunes qui sont aujourd’hui dans la rue, qui manifestent, n’ont pas vécu sous Ben Ali, ils sont nés libres, ils n’accepteront jamais qu’ils ne soient plus libres.elle croit.

 
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