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“Pour les femmes, c’est une étape dans l’histoire de la Coupe de l’America”

Coraline Jonet a remporté sept fois le championnat de D35 sur le Léman ainsi que le Bol d’Or en 2011 et 2017.

Alexandre Carabi / Alinghi Red Bull Racing

Derrière son écran, Coraline Jonet ne cache pas son plaisir à quelques heures du grand défi. Parce que c’est un moment fort pour le monde de la voile et une anomalie qui commence à se réparer, donnant aux femmes qui courent plus d’expérience sur des bateaux technologiques. Après 173 ans d’existence, la Coupe de l’America, qui récompense l’un des plus anciens trophées sportifs, se propose pour sa 37e édition dans une version féminine : la Puig Women’s America’s Cup.

Une équipe suisse prendra l’eau samedi au large de Barcelone contre, dans un premier temps, les cinq autres équipes de la Coupe de l’America, rivaux historiques comme la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la et l’Italie. Il y a également six équipes « invitées » (Espagne, Pays-Bas, Canada, Allemagne, Suède et Australie). Une grande avancée dans un environnement très conservateur.

“C’est dans la lignée de ce qu’on a vu aux Jeux Olympiques, avec une parité hommes-femmes, des épreuves mixtes”, souligne Coraline Jonet, responsable du projet Youth & Women chez Alinghi Red Bull Racing. C’est formidable de créer les mêmes opportunités pour ceux qui veulent accéder à des places sur les bateaux de l’America’s Cup. Et ce qui aide aussi, c’est que le physique n’entre plus dans l’équation.

Univers à comprendre

Contrairement aux marins, qui combattront jusqu’à la mi-octobre, les femmes n’auront pas à grincer des bras ou des jambes pour propulser leur bateau sur l’eau. Tout se jouera avec des batteries qui fourniront l’énergie nécessaire pour monter et descendre les foils et régler les voiles. Et le sixième sens des marins. « La différence avec l’America’s Cup où il faut concevoir et construire son bateau, c’est que toutes les équipes Jeunes et Féminines utilisent le même bateau. (ndlr : un AC40). Les femmes sont toutes à égalité au départ, précise Coraline Jonet. En course, ce sont alors les compétences cognitives et l’expérience qui feront la différence. »

Après six mois de sélection et d’entraînement depuis le début de l’année, Nathalie Brugger, Anja von Allmen, Laurane Mettraux et Alexandra Stalder devront donner suffisamment de vitesse à un monocoque de 12 mètres de haut pour qu’il « déjoue », c’est-à-dire autant dire qu’il vole et que le corps de l’appareil ne frotte pas au contact de l’eau. A bord, ils devront faire face à une particularité : les voiles touchent le pont et empêchent les duos bâbord et tribord de se voir. « Vous ne voyez pas la moitié du plan d’eau, ni vos partenaires de l’autre côté du pont, poursuit Coraline Jonet. Vous naviguez donc avec vos ressentis, les informations transmises par l’autre binôme et avec des chiffres comme la vitesse du bateau, l’angle qu’il a par rapport au vent, la position des bouées et des concurrents. Tout un univers à appréhender.

Les égos restent au quai

A l’avant, on retrouve des barreurs qui appuient sur des boutons pour gérer les foils. A l’arrière, les deux autres ajustent les voiles, mettant plus ou moins de tension d’un côté ou de l’autre. Tous sont assis dans un siège baquet avec casque et microphone. Comme ils ne peuvent pas se voir, l’accent a été mis sur la communication. Il faut décrire précisément ce que l’on voit, ce que l’on ressent, mais aussi que l’interprétation soit parfaite dans le camp adverse. « Nous avons des francophones, des germanophones et même un italien. Nous avons choisi l’anglais pour parler, ce qui ajoute un petit challenge, concède Coraline Jonet. Mais ils ont appris à se connaître, à se faire confiance. Les égos ne peuvent pas être un obstacle.

Les quatre titulaires et les deux remplaçantes, Maja Siegenthaler et Marie Mazuay, sont ensemble depuis deux mois à Barcelone. Lorsqu’ils ne passent pas des heures dans un simulateur, ils se retrouvent dans le même appartement. «Ils doivent vivre ensemble, tout en ayant chacun leur chambre», sourit Coraline Jonet. Au fil du temps, des routines s’installent. Certains ont leur propre endroit pour boire un café, d’autres pour prendre un brunch. Il faut aussi laisser une certaine liberté pour que l’alchimie puisse s’opérer.

Cette aventure humaine prendra fin après la compétition, en début de semaine. « C’est un format très court, entre deux et quatre jours si on va jusqu’en finale. Il y aura des hélicoptères, des interviews. La pression va soudainement augmenter. Mais ils sont bien préparés, relativise Coraline Jonet, tout sourire alors que l’histoire s’apprête à s’écrire sous ses yeux. Pour les femmes qui vont courir, ce sera mémorable.

 
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