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une exposition qui mène à la mer et au-delà

« Thalassa ! », une exposition qui dépasse la mer

En art, toutes les représentations de la mer ne ressemblent pas à des cartes postales. C’est ce que montre le Musée cantonal des Beaux-Arts sur deux siècles.

Publié aujourd’hui à 15h57

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La Suisse, pays enclavé, sait surprendre sur le sujet maritime ! Quand on sait que sa marine – d’abord militaire puis marchande – arbore depuis plus de huit décennies le drapeau à croix blanche sur fond rouge. Et que les équipages d’Alinghi ont ramené à deux reprises la prestigieuse America’s Cup.

C’est aussi dans cette Suisse d’eau douce, dans ce berceau des peintres de montagne, que s’est ouverte, au cours des deux derniers siècles, une réflexion thématique sur la manière de voir et d’interpréter la mer. Une idée du Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne qui s’aventure dans un thème d’exposition, pas encore exploité. D’autant que la mer n’est apparue que tardivement sur la palette des peintres classiques et sans véritable course au chef-d’œuvre.

Difficile, dur donc d’énumérer spontanément celles qui se démarqueraient du lot des mers, tempêtes et autres vues portuaires. Mais on pense à « La Grande Vague de Kanagawa » de Hokusai, oui. Avec les ambiances cycloniques dorées de William Turner, avec le cadrage serré des vagues de Gustave Courbet ou Claude Monet. Et bien sûr à la terrible histoire de Théodore Géricault dans « Le Radeau de la Méduse ». Comme dans la solitude méditative du « Monk by the Sea » de Caspar David Friedrich – dont un écho Caroline Bachman et Stefan Banz – apparaît dans l’exposition de Lausanne. Le lieu est le même, le ciel s’est dégagé : l’étrangeté demeure.

Le choix de la proximité

Cette dernière toile, comme la grande majorité des pièces qui composent « Thalassa ! Thalassa ! L’imaginaire de la mer», vient de Suisse. Et même des collections de l’institution lausannoise. Avec, dehors, le Vaudois Louis Ducros, attiré par les flots orageux de la grande bleue sur les contreforts de Malte ou les bords du lac François Bocion en voyage à Venise, sur des eaux aussi calmes que celles de son lac Léman. Il y a aussi ces Vallottons, un nu qui ne fait qu’un avec la plage, et les « Tentes à Trouville » où la mer, absente de la composition, n’existe que dans l’idée. La méfiance demeure. Il faut encore amadouer cette frontière avec l’inconnu, habiter ses rivages, sonder ses profondeurs, oser s’aventurer dans ses abîmes avant de s’abandonner à ses promesses. Ses mythes. Ou ses énergies.

Pas à pas, c’est ce que raconte l’exposition, en restant, par choix, dans le cadre de l’art figuratif occidental. Et dans cette volonté de documenter avec soin une conquête à la fois scientifique et artistique, en mélangeant à l’exposition des collections de coquillages et autres silhouettes des profondeurs. Etait-ce vraiment nécessaire ? Le charme vient plus facilement de ces vases aux motifs marins, témoins d’une mode aussi ornementale qu’effrayante. Ou encore ce premier paysage sous-marin peint d’après nature, petit trésor de l’artiste-explorateur autrichien Eugen von Ransonnet-Villez. Nous sommes en 1864 !

Du cri de joie à la réalisation

En passant à l’étage du MCBA, on change d’époque – c’est presque devenu une habitude – pour retrouver des contemporains. Et une question. « Nous voulions voir comment ce « Thalassa ! Thalassa ! », le cri de joie des mercenaires grecs au moment où ils comprirent l’imminence de leur retour, résonne aujourd’hui. On n’est plus vraiment dans ce ton, ajoute dans le même souffle la commissaire Catherine Lepdor. La mer est un archipel de plastique, le tombeau des migrants, un écosystème en danger.

Les œuvres choisies en témoignent ! Ancrés par des observations irrémédiables, tous s’épanouissent dans une forme de gravité mais sans jamais oublier ce souffle artistique qui nous emmène au-delà. Dans les rêves qui filtrent à travers les cartes que François Burland réalise avec les jeunes migrants. Dans les énergies crochetées par 4000 femmes pour former la pittoresque barrière de corail imaginée par les sœurs Margaret et Christine Wertheim.

Comme dans l’universalité de la pluie continue d’objets personnels et historiques que Yael Bartana filme alors qu’ils atteignent l’abîme. Ou dans cette subtilité poignante du vitrail éphémère réalisé en papier argenté de Sandrine Pelletier sur la grande baie vitrée du hall d’entrée. De loin, on aperçoit des vagues agitées qui viennent claquer contre un rocher. De plus près, on pense à un miroir terni ou à la fragilité d’un monde avant qu’il ne se brise…

Lausanne, MCBA, jusqu’au 12 janvier, mar-dim (10h-18h), jeu (10h-20h). www.mcba.ch/

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Florence Millioud a rejoint la section culturelle en 2011 par passion pour les gens de culture, après avoir couvert la politique et l’économie locales depuis 1994. Historienne de l’art, elle collabore à la rédaction de catalogues d’expositions et d’ouvrages monographiques sur les artistes.Plus d’informations

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