News Day FR

Derrière un Bhoutan idéalisé, une production chinoise contre la démocratie

DDifficile de ne pas tomber sous le charme du film de Pawo Choyning Dorji Le moine et le fusil [sur les écrans depuis le 24 juin], Ode à la paix et à la vie des humbles plébiscitée par le public. L’action se déroule au Bhoutan, alors que le roi démissionnaire organise un scrutin « blanc », en 2006, afin d’apprendre à son peuple à voter en vue des prochaines vraies premières élections parlementaires. C’est un fait historique, le reste est une fable.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le film « Le moine et le fusil » rappelle la splendeur et la misère du vote

Ajoutez à vos sélections

Le Bhoutan, enclavé entre la Chine et l’Inde, protège jalousement son indépendance, son image et sa culture. Il s’est forgé la réputation d’être un paradis sur terre, ayant inscrit dans sa Constitution en 2008 la notion de « bonheur national brut » – réputation qui sera renforcée par le succès du film. Qui, en effet, voudrait perturber cette apparente harmonie ? Pourquoi imposer à ces bouddhistes sincères, restés simples dans leurs montagnes, des partis politiques qui viendraient perturber leur paisible vie sociale par des conflits inutiles ? Qui ne serait pas tenté, après avoir découvert cet Eden, épargné par les tares de la modernité, de reprocher à l’Ève occidentale d’avoir offert à l’Adam himalayen la pomme empoisonnée de son modèle ? Qui nierait que les guerres, la surveillance numérique et la pollution lui servent d’escorte ?

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le Bhoutan rêve de construire la première ville de la « pleine conscience »

Ajoutez à vos sélections

Mais ce film est comme tous les contes de fées. Les faits historiques contredisent l’image idyllique que le scénario veut imposer. Revenons quelques années en arrière pour mieux juger de l’époque du récit : en 1974, le roi Jigme Singye Wangchuck impose la culture bhoutanaise à toutes les ethnies du pays ; en 1985, les Lhotshampas des plaines du sud, d’origine népalaise, sont déchus de leur citoyenneté. Leur langue est interdite et le costume bhoutanais leur est imposé.

Minorités maltraitées

Quelque 100 000 d’entre eux ont fui vers le Népal ou l’Inde. Ils y ont mené une vie misérable dans des camps, sans que personne ne soit déplacé, et ont lutté en vain pour reconquérir leur terre. Quant aux réfugiés tibétains, qui partageaient la langue et la religion du Bhoutan, ils ont été contraints de prendre la nationalité bhoutanaise en 1979. Beaucoup ont fui. Cette histoire tragique surgit dans la fiction, mais de manière si allusive que peu de spectateurs s’arrêteront pour la considérer. Le moine bhoutanais qui porte son vieux fusil raconte avec un grand sourire que l’arme servait autrefois à tirer sur les Tibétains, mais il se garde bien d’expliquer les raisons de ces guerres fratricides. Il se garde aussi de souligner que les Tibétains en exil réclament à cor et à cri la liberté et la démocratie.

Il vous reste 53.77% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :