Par
Gaël Arcuset
Publié le
16 janvier 2025 à 20h02
Mercredi 15 janvier 2025, à Langon (Gironde). Enveloppé dans un épais manteau, Pierre Satragne pousse la porte du Bouchon Langonnais, un restaurant du centre-ville. Un salut amical à Titi, le propriétaire, et il se met à table. « Il fait un peu froid dehors », sourit-il. Et pour cause, au petit matin, le thermomètre indiquait -5°C. Rien à voir avec les températures auxquelles est habitué ce professeur d’éducation physique et sportive (EPS). Là où il réside, à Mayotte, le mercure est souvent autour de 30°C. Short et t-shirt toute l’année.
De retour dans son Sud-Gironde natal, l’ancien joueur du Stade Langonnais, aujourd’hui éducateur dans un club de l’île, le RC Boueni, profite de la « douceur de vivre » de sa région.
Un mois presque jour pour jour après le passage du cyclone Chido, qui a causé d’immenses dégâts à Mayottearchipel situé dans l’océan Indien.
« Je me doutais que ça allait frapper fort, mais pas à ce point »
C’était très précisément le 14 décembre 2024. Une date et un événement que le jeune homme, âgé de 28 ans et vivant sa quatrième année chez les Mahorais, n’est pas prêt d’oublier. « Je me doutais que ça allait frapper fort, mais pas à ce point en tout cas… »
Avant que le cyclone Chido ne frappe Seahorse Island, Pierre Satragne fait ses arrangements. Habitant Moinatrindri, village de la commune de Bouéni, au sud-ouest de Mayotte, il a décidé de se réfugier chez un ami, à quelques kilomètres de là, à Hanyoundrou, dans un foyer plus solide. Un choix qui s’avérera judicieux.
Avant de quitter la maison, j’ai renforcé les portes avec des planches de bois. Mais je ne pensais pas que ce serait si violent.
«Ça a été long à traverser»
Le 14 décembre, 9 heures. Début des vacances scolaires. Et premières rafales. Pierre Satragne est chez plusieurs proches, chez un ami. Les volets ouverts, « nous n’avons pas pu les démonter à cause d’une coupure de courant », constatent, impuissants, le Sud-Girondin et ses camarades. Le passage de Chido à travers les fenêtres. « Nous ne pouvions rien faire d’autre que supporter. » Un moment sans fin. « Les Réunionnais, qui connaissent les cyclones, nous ont dit que celui-ci avait été assez rapide », raconte Pierre Satragne. Mais c’était c’est long à passer ; surtout entre 11h et 14h. Nous n’étions pas en paix. »
Selon Météo France, « les rafales ont dépassé 100 km/h pendant un peu moins de cinq heures, 150 km/h pendant environ trois heures, 200km/h pendant environ 45 minutes.
Cyclone Chido, « un épisode exceptionnel pour Mayotte »
Selon Météo France, « le cyclone Chido est un épisode exceptionnel pour Mayotte en termes d’impact, bien supérieur à Kamisy (avril 1984) qui fut le dernier cyclonique de référence. […] Il faut sans doute remonter au cyclone du 18 février 1934 pour constater un impact aussi violent sur le département.
“Le caractère exceptionnel de Chido tient principalement à sa trajectoire est-ouest lui permettant de contourner Madagascar par le nord”, explique-t-on à Météo France.
Un paysage de désolation
Une fois le cyclone passé, Pierre Satragne s’aventure dehors, « pour découvrir le massacre ». Dehors, il ne voit « que du désordre » : « Certains des arbres partout, de la tôle partout… Les dégâts étaient impressionnants. »
Rapidement, le professeur de sport s’est rendu chez lui à Moinatrindri. « Chez moi, le toit de la maison a explosémais les murs avaient tenu. J’avais posé la télévision sur le canapé. Quand je l’ai sorti, des litres d’eau se sont déversés. Mais on relativise vite quand on voit ce qui se passe autour de soi. J’ai des collègues qui sont restés à la maison pendant le cyclone. Ils étaient dans leur salle de bain, cachés sous un matelas pendant deux heures. »
Pas question pour lui de s’apitoyer sur son sort.
La maison de certains enfants de l’école de rugby est constituée de quatre bâtons, en tôle. Le sol est en terre battue, il y a quelques matelas… Donc, je ne vais pas me plaindre car j’ai perdu une Game Boy. Voir certaines choses me faisait mal au cœur.
Le club-house de son club de rugby n’a pas résisté aux rafales du cyclone Chido. Cet ancien conteneur maritime, long de 12 mètres et pesant 4,5 tonnes à videa été retrouvé « en mauvais état », complètement renversé par la violence des rafales. « A l’intérieur, confie Pierre Satragne, tout était sens dessus dessous. »
Ce qui frappe aussi l’enseignant, c’est l’état de la végétation. « L’avant/après est saisissant », souffle-t-il. Ma copine a posté une photo d’un endroit la veille du cyclone. La végétation y était verte et dense. Quatre jours plus tard, elle est revenue au même endroit pour comparer, il ne restait que des troncs et des branches nues. » Un contraste saisissant. « Depuis, rassure l’intéressé, ça repousse. »
Sans électricité ni réseau
Comment se sont passés les jours qui ont suivi ? Pas d’électricité (elle reviendra une dizaine de jours plus tard), pas de réseau. « C’était très compliqué de communiquer, de s’informer, reconnaît le professeur de sport. A un moment donné, on a appris qu’un endroit, où il y avait des antennes, avait tenu. J’ai envoyé quelqu’un à dis à ma famille parce que, pour ma part, j’avais beaucoup de choses à faire. »
Comme beaucoup, Pierre Satragne n’a pas eu le temps de se poser des questions.
J’ai fait le parallèle avec l’incendie de Landiras, en 2022. Les populations locales avaient vécu un traumatisme, mais beaucoup ont réagi
Le Sud-Girondin, « aide les amis », se fait « aider par les amis ».
« On a vidé le congélateur pour partager le poisson avec les enfants du village »
« C’est comme ça qu’on a progressé », sourit-il avant d’ajouter : « Je pêche beaucoup à Mayotte. Donc, les cinq premiers jours, on a vidé le congélateur partager du poisson avec les enfants ton village. »
Le collège où travaille Pierre Satragne « chargé ». « Mais par rapport à d’autres établissements qui sont en train d’être rasés, il s’en sort bien. » La rentrée scolaire, initialement prévue le 13 janvier, a été décalée. Le Sud Girondin repartira le 2 février.
Un joli projet avec les jeunes de son club
Avant cela, il compte passer quelques coups de téléphone, depuis la métropole, pour avancer sur un projet qui lui tient particulièrement à cœur : organiser le voyage des 16 jeunes joueurs du RC Boueni dont il s’occupe. Ces derniers sont en effet attendus au Pays Basque, mais aussi à Langon. « Cela nous permet aussi d’avancer, de nous projeter vers l’avant. »
Les personnes souhaitant soutenir le projet de voyage des jeunes joueurs de Mayotte dans le Sud-Ouest de la France peuvent faire un don en ligne. Une cagnotte spéciale a été créée à cet effet.
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