L’année dernière, Samuel* a signé un bail avec un propriétaire pour un appartement de deux pièces et demie situé à Montréal, au coût de 1 500 $ par mois.
Cependant, lors de la signature du bail, il a remarqué que la clause G – section du bail où le propriétaire doit inscrire le montant le plus bas payé pour le loyer au cours des 12 derniers mois – avait été obstruée par le propriétaire.
En effectuant des recherches sur le Registre des loyers, Samuel a pu confirmer une augmentation « injustifiée » d’environ 600 $ par mois par rapport à l’ancien loyer.
Fort de ces données et avec l’aide de l’ancien locataire, Samuel a ouvert un dossier de fixation de loyer au Tribunal administratif du logement (TAL).
Samuel et son propriétaire sont parvenus à un accord amiable et confidentiel avant l’audience TAL. Le locataire a ainsi vu son loyer diminuer d’environ 600 $ par mois – il paie désormais son loyer d’environ 900 $ par mois au lieu de 1 500 $. Samuel a également obtenu le remboursement des sommes payées en trop.
«J’ai eu vraiment de la chance. C’est grâce aux informations du Registre des Loyers que j’ai pu m’organiser pour défendre mes droits. Mais ce n’est pas normal, c’est une question de chance, tout le monde doit pouvoir faire ce que j’ai fait», a-t-il évoqué mardi lors d’un point de presse organisé par Vivre en Ville.
*Nom fictif. Noovo Info accorde l’anonymat aux locataires qui souhaitent garder leur identité confidentielle afin de préserver leur vie privée.
Un marché locatif sous pression
Vivre en Ville a également dévoilé mercredi une nouvelle étude sur le marché locatif québécois, réalisée par la firme Léger, qui révèle que les augmentations « draconiennes » des loyers entre deux baux « constituent une pratique répandue ».
Selon l’étude Léger 2024, menée du 8 au 31 mai 2024 auprès de 5 551 locataires au Québec, les ménages ayant changé d’appartement au cours de la dernière année ont subi une augmentation moyenne de leur loyer de 19,8 %, ce qui représente environ 200 $.
En 2023, selon une étude similaire commandée par Vivre en Ville, l’écart moyen entre les déménagements était de 158 $.
Les chiffres obtenus par l’enquête Léger révèlent également que la tranche des logements dont le loyer est entre 500 $ et 749 $ est en forte baisse (de 33 % en 2023 à 30 % en 2024), tandis que la tranche des logements dont le loyer est entre loyer dépasse 1 250 $. est en forte augmentation (de 12 % en 2023 à 16 % en 2024).
On apprend également dans l’étude que 81 % des locataires québécois ne connaissent pas le montant payé par le locataire précédent dans leur logement.
Faits saillants de l’étude sur le marché locatif québécois (Léger) :
- 19,8% : augmentation moyenne du loyer pour les ménages ayant déménagé en 2023 ;
- 33 % des locataires signalent un refus ou un retard de prestation de la part de leur propriétaire ;
- 68% des ménages ont dû fournir au moins un justificatif pour accéder à leur logement ;
- 81 % des locataires ne connaissent pas le montant payé par le précédent locataire ;
- 84% des locataires sont favorables au partage de leur loyer au Registre des Loyers ;
- 9% déclarent avoir dû présenter un dépôt de garantie, alors même que la loi interdit aux propriétaires de l’exiger.
Vivre en ville, soutenu par de nombreux locataires – et même des propriétaires – ainsi que par les directions de diverses villes et organismes (comme Centraide du Grand Montréal et le FRAPRU) et par les partis d’opposition (Parti québécois et Québec solidaire), demande encore une fois au gouvernement du Québec à adopter une loi pour que le Registre des loyers devienne un outil officiel, public, universel et obligatoire.
-« Faire fonctionner le marché ne devrait pas être un jeu d’enfant », a déclaré Adam Mongrain, directeur du logement à Vivre en Ville.
À voir aussi : « C’est alarmant » : un registre des loyers demandé pour contrer la crise du logement en Mauricie
Québec dit toujours « non »
Interrogé par Noovo Info si les avantages liés au Registre des loyers mis en place par Vivre en Ville pourraient pousser la ministre chargée du Logement, France-Élaine Duranceau, à revoir sa position sur l’adoption d’une loi instaurant un loyer public, universel et obligatoire s’inscrire, Québec répond « non ».
Le cabinet du ministre a informé Noovo Info « qu’un registre des loyers nécessiterait des moyens financiers, matériels et humains importants ».
« Toutes les informations inscrites dans le registre nécessiteraient une validation et le développement d’outils informatiques spécifiques, générant ainsi des coûts élevés. Il y aurait aussi des enjeux liés à la protection des renseignements personnels», explique-t-on.
Voir aussi : Quel impact pourrait avoir un registre des loyers ?
Le cabinet de la ministre Duranceau rappelle donc que Québec a choisi de s’appuyer sur les clauses F, soit celle qui précise les modalités, les délais de préavis et les conditions selon lesquelles un propriétaire peut augmenter le loyer à la fin d’une période de location, et G du location comme outils pour rendre les loyers plus prévisibles et plus transparents.
« La clause G permet au locataire qui paie un loyer supérieur à celui déclaré de demander au Tribunal administratif du logement de fixer le loyer. Par ailleurs, le Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l’habitation (PL31) a renforcé son application en permettant d’imposer des dommages punitifs si le bailleur ne le remplit pas ou fait une fausse déclaration. C’est pourquoi nous avons décidé d’agir pour mieux protéger les locataires au sein du PL31 », peut-on dire.
PL31 – entre bienfaits et discorde
Le projet de loi 31 du ministre Duranceau a été adopté en février dernier, après plus de huit mois de travaux, afin de répondre à la crise du logement au Québec.
Mme Duranceau soulignait alors que la nouvelle loi ne résoudrait pas à elle seule la crise du logement, mais qu’elle était l’un des outils qui permettraient de « réduire la crise ».
Voir aussi : Analyse | «C’est important» | Cession de bail et droits des locataires : ce qu’il faut savoir
L’élaboration du PL31 ne s’est pas faite sans heurts alors que son contenu a provoqué un tollé tant de la part des partis d’opposition que des citoyens.
Voici quelques changements liés à l’adoption du PL31 :
- Un propriétaire peut refuser une cession de bail pour un motif autre que « sérieux » ;
- La sous-location et la cession d’un contrat de location « à but lucratif » sont interdites ;
- Des dommages-intérêts punitifs pour un propriétaire qui « omet sciemment » d’inclure la clause G ;
- Clause F obligatoire pour les immeubles « nouvellement construits ou ayant fait l’objet d’un changement d’affectation récent » ;
- Augmentation de l’indemnisation des locataires menacés d’expulsion ;
- Le « projet de loi 31 » a également pour effet de « renverser le fardeau de la preuve » en matière d’expulsion.