Si les gouvernements ne sont plus en mesure de soutenir l’achat de véhicules électriques et la mise en place d’infrastructures de recharge publiques adéquates, ils doivent retirer l’obligation imposée aux acteurs du secteur automobile d’augmenter l’offre de véhicules électriques. ces véhicules sous peine de pénalités.
Publié hier à 16h55
Pierre Saint-Arnaud
La Presse Canadienne
Les trois grandes associations canadiennes de constructeurs et de concessionnaires automobiles se sont manifestées mardi à Ottawa pour exiger la fin des mandats exigeant la réduction de l’offre de véhicules à essence jusqu’à leur élimination complète d’ici 10 ans, en 2035.
Au lendemain de l’annonce par Ottawa de la suspension du Programme incitatif pour les véhicules zéro émission (VZE) en raison d’un manque de fonds, le président de l’Association canadienne des associations de détaillants d’automobiles, Tim Royce, avait ce message à l’intention du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault : « Cher ministre Guilbeault, ceci est votre programme. Si vous ne parvenez pas à obtenir un financement adéquat, éliminez-le. »
Fabricants et concessionnaires avaient le même message pour le gouvernement du Québec, qui a amorcé la réduction progressive de son programme Roulez vert qui prendra fin le 1est janvier 2027, mais qui suspendra également le versement de ses subventions entre le 1est Février et 31 mars parce que lui aussi a épuisé l’enveloppe du programme.
« Une hypocrisie évidente »
Il y a un an, Ottawa annonçait qu’à compter de 2026, au moins 20 % des véhicules en vente devront être des VZE, un pourcentage qui devrait augmenter chaque année pour atteindre 60 % en 2030 et 100 % en 2035. Au Québec, les cibles annoncées précédemment étaient encore plus élevé, s’établissant à 32,5% en 2026, 60% en 2028, 85% en 2030 et 100% en 2035.
« Nous voyons les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, se désengager d’un processus difficile et coûteux qu’ils ont eux-mêmes mis en place. Il y a une hypocrisie évidente à imposer des objectifs ambitieux en matière de véhicules zéro émission et les pénalités associées à l’industrie et aux consommateurs alors que les gouvernements font preuve d’un manque évident de motivation et de soutien pour atteindre ces objectifs », a tonné M. Royce.
De son côté, le président de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, Brian Kingston, a critiqué le gouvernement fédéral pour avoir dicté des mandats de fabrication de VZE avec des objectifs « ambitieux » sans avoir démontré qu’ils étaient réalistes, une critique basée sur le fait que l’industrie avait été exclus du processus. “Plutôt que de solliciter l’avis de l’industrie et des experts, le gouvernement s’est appuyé sur des analyses mal conçues de groupes environnementaux se faisant passer pour des experts de l’automobile”, a-t-il fulminé.
Piliers essentiels : argent et terminaux
Pour les leaders de l’industrie, l’augmentation des ventes de VZE repose sur plusieurs facteurs, dont deux piliers essentiels : les incitations des consommateurs pour compenser l’écart de prix et le développement d’une solide infrastructure de recharge publique.
Cependant, soutient M. Kingston, en plus de cette interruption imprévue de l’aide fédérale, le développement des bornes de recharge a ralenti, les données montrant qu’il y avait 3 000 nouvelles bornes de moins en 2024 qu’en 2023 .
« Il devrait être évident pour tout le monde maintenant que les objectifs de vente de VZE prévus dans les mandats fédéraux et provinciaux ne sont plus ambitieux, mais bien imaginaires. […] Dicter quels véhicules les Canadiens peuvent ou ne peuvent pas acheter sans leur fournir le soutien nécessaire pour passer à l’électrique est un échec de politique publique typiquement canadienne. »
« Soyons clairs : nous ne nous attendons pas à une vague de sympathie envers les constructeurs ou les concessionnaires automobiles », a déclaré d’emblée David Adams, président et chef de la direction de Constructeurs automobiles mondiaux du Canada. Mais il n’a pas caché que « l’absence totale de communication de la part de Transports Canada au cours des deux derniers jours ouvrables » concernant le programme iVZE a conduit au « chaos et à la confusion » tant dans l’industrie que parmi les consommateurs.
Commentaires « injustes »
Parler d’une pause dans le programme est « déloyal », selon lui, puisque le pays se dirige vers des élections et qu’il n’y a absolument aucune garantie que le prochain gouvernement maintienne le programme. Étant donné que les circonstances « semblent garantir que les objectifs fédéraux en matière de VZE ne seront pas atteints, cela aura des conséquences importantes pour les fabricants ».
En conclusion, les porte-parole de l’industrie n’ont pas manqué de souligner que ce sont les concessionnaires qui avancent l’argent fédéral aux consommateurs, ce qui leur épargne tout le fardeau administratif du programme.
Sauf qu’Ottawa aurait fermé, mardi matin, le portail web utilisé par les concessionnaires pour déposer des demandes de subvention, de sorte que les acheteurs qui y ont droit et qui ont effectué leur achat à temps n’ont plus aucune assurance que leur demande a franchi les étapes nécessaires. Les concessionnaires demandent à Transports Canada de trouver une façon de garantir aux consommateurs qui ont acheté un véhicule zéro émission à temps qu’ils obtiendront effectivement leur rabais.