« Mépris et paternalisme néocolonial » : les propos du président Macron, estimant notamment que les dirigeants africains avaient « oublié de dire merci » à Paris pour son intervention au Sahel, ont continué mardi 7 janvier 2025 de susciter la polémique, en Afrique mais aussi en France .
“Je voudrais exprimer mon indignation face aux propos tenus récemment par le président Macron qui confinent au mépris à l’égard de l’Afrique et des Africains. Je pense qu’il s’est trompé d’époque”, a commenté le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno dans un discours prononcé lors de la cérémonie de vœux au Palais présidentiel et publié sur la page Facebook de la présidence.
Mardi également, en France, le parti de gauche radicale LFI (La France insoumise) a dénoncé dans un communiqué des propos qui « reflètent un aveuglement qui confine à la folie et révèlent un paternalisme néocolonial tout simplement intolérable ». La France a « eu raison d’intervenir militairement au Sahel contre le terrorisme depuis 2013 », mais les dirigeants africains « ont oublié de dire merci », a insisté Emmanuel Macron lundi 6 janvier 2025 à Paris lors de la conférence des ambassadeurs. Estimant qu’« aucun d’entre eux » ne gérerait un pays souverain sans cette intervention (depuis 2013).
« Nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme nous sommes très polis, nous leur avons donné la primauté de l’annonce», a déclaré M. Macron, encore ce lundi 6 janvier 2025, en faisant référence au retrait militaire français, généralement forcé, d’un certain nombre de pays africains ces dernières années.
« La décision de mettre fin à l’accord de coopération militaire avec la France est une décision entièrement souveraine du Tchad. Il n’y a aucune ambiguïté là-dedans”, a rétorqué le président Déby, dont le gouvernement a réagi lundi soir aux propos de M. Macron, dénonçant “une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains”.
– ‘Nous avons du mal’ –
Ces déclarations ont également été condamnées lundi par le Sénégal. « La France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer la sécurité et la souveraineté de l’Afrique. Au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses constatées sur la stabilité et la sécurité du Sahel, a vivement critiqué le Premier ministre Ousmane Sonko, niant également que le retrait militaire français de son pays « ait été négocié entre Paris et Dakar ».
Le sujet faisait la Une de plusieurs journaux locaux mardi, comme le quotidien privé L’Observateur qui estime que M. Sonko a “recadré Macron”. « Nous en avons assez de ce discours paternaliste. La France et l’Occident en général doivent apprendre à voir l’Afrique sous un autre jour », commentait Mandoumbé Mbaye, un enseignant sénégalais, le 7 janvier 2025. Pour Alioune Tine, figure de la société civile ouest-africaine, « il faut réinventer ensemble des relations saines ». avec la France à travers le dialogue, le respect mutuel et le respect de la souveraineté des États, et repenser la souveraineté sécuritaire », qui est « la faiblesse des États africains ».
“Le Tchad et le Sénégal n’étaient absolument pas visés par ces propos (de M. Macron) puisque ce qui avait été annoncé par Dakar et N’Djamena avait déjà été mis en œuvre”, même si le timing de ces annonces “nous a surpris”, a tempéré une source diplomatique en Paris le 7 janvier 2025. « C’est une phrase sortie de son contexte mais si on regarde son discours, juste avant, il parle des pertes humaines françaises au Sahel (58 morts en moins d’une décennie) : il visait clairement les pays de l’AES (l’Alliance des États du Sahel, ndlr) et en particulier le Mali’, a-t-elle souligné. Et d’ajouter : “Nous avons tous du mal avec le Mali” compte tenu des moyens humains, logistiques et financiers importants mis en œuvre par la France pour y combattre les jihadistes “à la demande des autorités maliennes, et alors que nous pensions bien faire”.
“Alors oui, le Président a exprimé quelque chose de décevant pour nous (…) La leçon est qu’il faut une approche transactionnelle comme les autres (partenaires non africains) et arrêter d’être les dindes de la plaisanterie”, a-t-elle conclu. Le mois dernier, le Sénégal et le Tchad ont annoncé le départ des militaires français de leur sol. Le Tchad était le dernier point d’ancrage de la France au Sahel, où la France comptait plus de 5 000 soldats dans le cadre de l’opération antijihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.
Entre 2022 et 2023, quatre autres anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont ordonné à Paris de retirer son armée de leurs territoires où elle était historiquement implantée, et se sont rapprochées de Moscou ou encore d’autres pays émergents. des puissances comme la Turquie.
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