(Agence Ecofin) – Arrestations de dirigeants, retraits de permis miniers, blocage des exportations d’or et d’uranium sont les mesures prises ces derniers mois par le Mali et le Niger à l’encontre de plusieurs entreprises étrangères. Après des négociations infructueuses, ces derniers annoncent désormais des mesures judiciaires.
Barrick Gold a réitéré, lundi 6 janvier, son intention de suspendre la production de sa mine d’or de Loulo-Gounkoto au Mali, face à une interdiction gouvernementale qui l’empêche d’exporter de l’or. Le deuxième producteur mondial d’or n’est pas le seul à envisager diverses réponses aux pressions exercées ces derniers mois par le Mali et le Niger sur les sociétés minières étrangères.
En décembre 2024 déjà, Orano avait annoncé s’engager dans un arbitrage international contre le Niger, quelques mois après que le gouvernement eut retiré le permis d’exploitation du projet uranifère d’Imouraren. Le groupe français a précisé que cette mesure intervenait après « plusieurs mois de tentatives de médiation et de conciliation infructueuses ».
Comme Orano, Barrick a annoncé en décembre avoir déposé une demande d’arbitrage international, après le blocage de ses exportations et l’arrestation de plusieurs salariés par Bamako. C’est GoviEx Uranium qui a ouvert le bal dans la réponse que tentent actuellement d’apporter les sociétés minières qui se sentent lésées par les actions des régimes militaires du Sahel. La société canadienne a annoncé début décembre l’ouverture d’une procédure d’arbitrage, après avoir perdu quelques mois plus tôt le projet d’uranium de Madaouela, au Niger.
Avec ces différentes procédures, ces sociétés cherchent avant tout à envoyer des messages d’assurance à leurs investisseurs et partenaires, estime Hamidou Dramé, avocat spécialisé en droit minier. ” Ces procédures permettent également d’initier une « réponse » juridique sans fermer la porte à d’éventuelles négociations pour un règlement amiable du litige. », analyse l’associé du cabinet guinéen Guilex Avocats.
Les origines des litiges…
Les revendications des deux États du Sahel à l’égard de ces entreprises étrangères sont différentes. Au Niger, Me Dramé explique que c’est le non-respect des obligations liées au délai d’exploitation minière qui a poussé le gouvernement à retirer les permis d’exploitation à Orano et GoviEx. L’article 39 du code minier nigérien indique que le titulaire d’un permis d’exploitation à grande échelle « est tenu de commencer les travaux de développement et d’exploitation du gisement dans un délai de deux ans ».
Cependant, GoviEx Uranium a obtenu son permis d’exploitation à Madaouela en 2016, où Orano détient les droits d’exploitation du gisement d’Imouraren depuis 2009. Alors que la situation du marché mondial de l’uranium (faibles prix et demande) n’a pas permis à ces sociétés d’exploiter les gisements. , ils ont précisé ces derniers mois avoir soumis des plans actualisés visant à lancer « le plus rapidement possible » le développement de leurs projets, dans un contexte de regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire dans le monde, et donc dans l’uranium.
Au Mali en revanche, les pressions exercées sur Barrick ne portent pas sur le développement d’une mine, mais sur les redevances et taxes impayées. Bamako a lancé un audit des mines d’or, qui a révélé un manque à gagner de 300 à 600 milliards FCFA pour l’État en 2023. Alors que la plupart des entreprises opérant au Mali ont déjà signé des accords pour mettre fin aux poursuites, Barrick n’a jusqu’ici pas trouvé de terrain d’entente avec les autorités. .
Quelles sont les conséquences de la crise ?
Il est difficile de prédire l’issue du conflit en cours entre les États du Sahel et les sociétés minières étrangères, même sur le plan juridique. Selon Hamidou Dramé, les procédures d’arbitrage dans le cadre d’investissements aussi importants prennent du temps. ” Après la notification officielle des demandes aux Etats, il faudra alors constituer les tribunaux arbitraux et gérer la procédure qui comprend plusieurs autres étapes pouvant concerner la contestation de la compétence des tribunaux, le paiement des frais d’arbitrage et la production de preuves, etc. », explique-t-il.
Ces procédures juridiques pourraient également ne pas aboutir, car des accords de règlement restent possibles. Dans ce dossier, le spécialiste du droit minier estime que les entreprises pourraient verser des indemnisations aux Etats pour clore les litiges. C’est une option qui n’est pas exclue par les entreprises, qui se disent toutes ouvertes à la négociation.
Malgré tout, les difficultés actuelles de ces entreprises ont des conséquences concrètes pour les communautés locales, qui voient disparaître des emplois ou des perspectives d’emploi et des projets de développement communautaire. “L’incapacité d’expédier l’or affecte non seulement les opérations, mais a des implications plus larges sur l’économie locale, les 8 000 employés et les nombreux prestataires de services et fournisseurs locaux.», rappelle Barrick, qui exploite la plus grande mine d’or du Mali.
Emiliano Tossou
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