Une enfance toujours sans ministère, malgré d’immenses défis

Une enfance toujours sans ministère, malgré d’immenses défis
Une enfance toujours sans ministère, malgré d’immenses défis

« Nous déplorons, une fois de plus, l’absence d’un ministère de l’Enfance, voire d’un ministre délégué spécifiquement chargé de ces questions. » Au soir de la nomination du nouveau gouvernement, l’Unicef ​​a publié un communiqué pour exprimer sa déception, comme d’autres associations et syndicats. Une absence qui n’est pas vraiment une surprise pour de nombreuses personnalités qui 20 minutes interrogés, et ce qui est d’autant plus alarmant que le secteur est confronté à une crise sans précédent, aux enjeux brûlants.

“Ça ne m’étonne plus, on est tellement habitués à ce qu’il n’y ait rien quand il s’agit d’enfance”, déplore Laurent Boyet, président fondateur de l’association Les Papillons. « Le ministère de l’Enfance rattrape toujours son retard. Emmanuel Macron n’a toujours pas compris qu’il y avait un secteur important dans les mobilisations”, ajoute la sénatrice Laurence Rossignol. En 2017, plusieurs voix s’étaient élevées pour dénoncer l’absence d’un ministère dédié à l’enfance. La fonction a finalement été partiellement rétablie en 2019 mais sous la forme d’un simple secrétariat d’État, de 2019 à 2022. La précédente ministre en charge de ces matières, Agnès Canayer, avait hérité d’un ministère en charge de la Famille et de la Petite Enfance, laissant ainsi tout un pan de l’enfance mis à part.

Pourtant, les dossiers brûlants ne manquent pas et la période est particulièrement difficile pour les enfants, souligne Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant et candidat du Nouveau Front populaire aux élections législatives partielles de la 1ère circonscription de l’Isère. “Il s’agit de la crise de l’enfance la plus grave dans plusieurs domaines”, déclare la députée Isabelle Santiago, rapporteure de la commission d’enquête sur la protection de l’enfance. Voici les points jugés prioritaires par nos sept interlocuteurs.

Réformer la protection de l’enfance

C’est de loin la priorité numéro un de presque tous les spécialistes de la vie de l’enfant que nous avons interrogés. Les problèmes liés à la protection de l’enfance sont bien connus. Un rapport du Syndicat de la Magistrature publié en mai 2024 pointe un « système qui grince ». Les échecs sont tels qu’une commission d’enquête est créée à l’Assemblée nationale en juin 2024. En octobre de la même année, un avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) estime que la protection de l’enfance est « en danger ». . Suicides ou accidents d’enfants, les épisodes de violences sont monnaie courante et ont fait l’objet de nombreux articles de presse ces dernières années, dont le dernier, du Mediapartraconte l’histoire de Paco, attaqué à son domicile. “Nous sommes le premier pays en Europe à placer des enfants, et derrière ça il n’y a pas assez de personnel pour s’occuper d’eux”, critique Isabelle Santiago.

Plusieurs personnalités, dont Lyes Louffok, appellent à supprimer la compétence enfance des départements et à la rendre à l’Etat. « Les enfants n’ont pas les mêmes opportunités selon les départements où ils vivent », souligne Laurent Boyer. “Je ne suis pas sûre qu’un service de l’Etat fonctionne mieux, quand c’était le cas, il ne fonctionnait pas mieux, et ajouter à la crise institutionnelle ne permettrait pas de résoudre le problème rapidement”, a déclaré la ministre Agnès Canayer. sortant.

Trop d’enfants dans la rue

Les observateurs du secteur soulignent également la situation des nombreux enfants qui dorment dans la rue. Ils étaient plus de 2 000, selon les derniers chiffres de l’Unicef ​​ et de la Fédération des acteurs solidaires (FAS), dans la nuit du 19 au 20 août. La situation s’est apparemment améliorée depuis le déblocage de 250 millions pour l’urgence. hébergement en novembre, précise l’association Utopia 56. Mais de nombreuses personnes restent dans des situations critiques.

« Il faut augmenter la capacité d’accueil des hébergements et adapter les centres aux familles. Et mieux identifier le public des familles à la rue en allant à leur rencontre. Cela a été initié avec le Pacte de Solidarité mais tout cela est instable », juge Corentin Bailleul, responsable plaidoyer de l’Unicef ​​France.

Un manque criant de pédopsychiatres

Le nombre d’enfants et de jeunes en détresse a considérablement augmenté depuis la crise sanitaire du Covid, avec une augmentation des passages aux urgences pour actes suicidaires, une augmentation des dépressions et du nombre d’enfants identifiés comme atteints d’une maladie psychiatrique. Mais dans le même temps, le nombre de pédopsychiatres s’est effondré. Il y a à peine plus de 2 000 pédopsychiatres en France, selon la Cour des comptes.

Une priorité pour Maryse Le Men Régnier, administratrice de France Victimes et co-présidente de Ciivise, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles envers les enfants, mais aussi pour plus de la moitié des personnes qui 20 minutes interviewé. « Plus d’un million d’enfants et d’adolescents souffrent de troubles psychiatriques et la moitié ne sont pas soignés. Nous réclamons une véritable stratégie nationale pour la santé des enfants. Si on ne peut pas augmenter rapidement le nombre de pédopsychiatres, on peut augmenter le remboursement des soignants, ou le forfait Mon accompagnement psych [qui permet de rembourser jusqu’à 11 séances chez le psychologue] » argues Corentin Bailleul.

Tous ces sujets sont urgents, sans compter la dégradation du système éducatif, dont « les enfants paient cher », constate Laurence Rossignol ; la qualité de l’accueil dans les crèches, mise en avant par plusieurs ouvrages ces dernières années ; le déclin de la médecine scolaire ; l’exposition des enfants à la pornographie qui rend le programme d’éducation à la sexualité et à la vie affective « absolument nécessaire », notent plusieurs spécialistes ; la détection des violences sexuelles ou encore l’accompagnement des enfants handicapés… Bref, les sujets ne manquent pas.

Mais sans ministère dédié, il sera plus difficile de porter la voix des enfants, s’inquiète Corentin Bailleul, responsable plaidoyer à l’Unicef ​​France : « L’absence d’un ministre dédié à l’enfance compromet la place accordée aux enfants. Quand on a un méga ministère comme celui de la ministre Catherine Vautrin, si on n’est pas épaulé par un ministre délégué, ce sont des sujets qui restent de côté. » Maryse Le Men Régnier veut quant à elle voir le côté positif des choses : « C’est Catherine Vautrin qui a installé le Ciivise [mouture numéro 2, après le débarquement du juge Edouard Durand] et elle avait bien fait comprendre qu’il était très important d’être efficace contre ce fléau de l’inceste. Nous avons toujours bien travaillé avec elle. Nous sommes confiants. »

 
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