“Que font-ils ?” : plus de dix jours après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’archipel français de Mayotte, les élus locaux poussent un cri de colère face au “décalage” entre les annonces de l’Etat et l’absence criante de mesures aider sur le terrain.
Une semaine après le passage du cyclone le plus dévastateur qu’ait connu cet archipel de l’océan Indien depuis 90 ans, certaines communes mahoraises n’ont toujours reçu aucune aide, ont constaté lundi des élus mahorais et réunionnais lors d’une réunion organisée par l’association nationale des affaires sociales. centres d’assistance.
« On voit que la mobilisation est là, mais elle n’est pas concrète sur le terrain » déplore Sitirati Mroudjae, responsable de l’action sociale dans la commune de Dembeni, sur la Grande-Terre, l’île principale de l’archipel. Eau, denrées alimentaires, sa municipalité « n’en a pas vu la couleur », constate-t-elle, alors « on se débrouille comme on peut ».
Faute de quantités suffisantes, la municipalité choisit “à qui on donne, à qui on ne donne pas”, et a fermé ses centres d’hébergement d’urgence “car on n’a pas de quoi donner à manger aux familles”, déplore-t-elle.
« Je ne comprends pas comment, près de dix jours après le cyclone, les secours ne sont toujours pas là », lance l’élu, pour qui c’est « une question de vie ou de mort ».
Selon les autorités lundi, 390 000 litres d’eau et 65 tonnes de nourriture ont déjà été distribués à la population.
“Écart”
« On a beaucoup de mal à obtenir de l’aide sur le terrain », constate Saïd Salim, responsable départemental de l’action sociale à Mayotte, qui y voit un « effet de communication pour dire ‘on contrôle’, mais sur le terrain, il y a un effet de communication. écart.”
Dans les rues de l’archipel, où toutes les villes ont été touchées et les bidonvilles rasés, les déchets s’accumulent et les risques sanitaires sont inquiétants.
« Où est l’armée ? Que font-ils ? a déclaré Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis de La Réunion et ancienne ministre de l’Outre-mer.
Près de 3 800 agents de la sécurité civile, de la police, de la gendarmerie et de l’armée sont employés à Mayotte, dont 1 500 en renfort, ont indiqué lundi les autorités.
Chez les Mahorais, “il y a beaucoup de déception, de frustration et de colère qui commencent à monter”, remarque Saïd Salim, qui participe au rendez-vous avec son téléphone depuis une rue jonchée de débris, le réseau n’étant toujours pas rétabli partout.
Il est arrêté par Adam Boto, 41 ans, habitant Petite-Terre. « On ne nous a rien donné », s’insurge ce dirigeant d’une grande chaîne de distribution. « Nous mourons de faim, mourons de soif. Aidez-nous», implore la Mahoraise devant les élus.
Au 19 décembre, la Fondation de France, organisation philanthropique indépendante, avait déjà récolté 14 millions d’euros de dons pour Mayotte.
« Il ne suffit pas d’avoir de l’argent sur un compte, il faut qu’il soit rapidement utilisé sur le terrain », critique Luc Carvounas, président de l’association nationale des centres d’aide sociale.
« Laissés à eux-mêmes »
Face au désastre, de nombreuses collectivités locales ont débloqué des dizaines de milliers d’euros en soutien au département, le plus pauvre de France. Mais la population et les communautés sont « livrées à elles-mêmes », insiste Saïd Salim. “L’Etat dit aux communes qui veulent contribuer à s’organiser”, ajoute Mme Bareigts.
A plus de 1 400 km de Mayotte, la Réunion est à la pointe de l’organisation de la solidarité. Un « pont maritime » a notamment été mis en place pour acheminer l’aide depuis l’île, qui accueille les patients mahorais évacués.
Mais Mme Bareigts s’inquiète de la capacité de son territoire « fragile » à faire vivre Mayotte sur le long terme, alors qu’elle s’attend à des « déplacements de la population mahoraise » vers l’île, notamment pour soigner ou scolariser leurs enfants. , « parce qu’ils ont tout perdu ».
« La base pour organiser cette solidarité ne peut pas reposer sur les mairies et les centres d’action sociale », estime-t-elle. Les élus métropolitains dénoncent également le manque « d’organisation étatique » pour acheminer l’aide humanitaire et matérielle. « L’État, dans les territoires, est absent pour nous aider à coordonner tout cela », résume Yves Calippe, responsable du centre d’aide sociale du Mans, ville de l’ouest de la France.
“Jamais une telle logistique, aussi massive, aussi immédiate, n’a été déployée” en France, a déclaré lundi Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur reconduit dans le nouveau gouvernement du Premier ministre centriste François Bayrou.
(AFP)