Après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale et de museler le Parlement par l’armée le 3 décembre, le dirigeant de 63 ans n’a pas survécu au deuxième vote de destitution. Il est le deuxième président de l’histoire du pays à être destitué.
Le Parlement sud-coréen a adopté ce samedi 14 décembre une motion de destitution contre le président Yoon Suk Yeol, pour sa tentative ratée d’imposer la loi martiale le 3 décembre. Au total, 204 députés ont voté pour la motion et 85 contre. Trois députés se sont abstenus et huit bulletins ont été déclarés nuls, selon le résultat annoncé par le président de la chambre.
“La destitution d’aujourd’hui est la grande victoire du peuple et de la démocratie”s’est félicité Park Chan-dae, chef du groupe du Parti démocrate (principale force d’opposition) au Parlement.
Des milliers de manifestants avaient commencé à se rassembler à Séoul, avant le vote des députés prévu à 16 heures (07h00 GMT), pour réclamer le départ de l’impopulaire chef de l’Etat conservateur, par la même occasion visé par une enquête pour “rébellion” et à qui il est interdit de quitter le pays. La police a déclaré qu’elle attendait au moins 200 000 participants. Devant l’Assemblée nationale, dans un froid glacial, des bénévoles distribuent des patchs chauffants, du café et de la nourriture. Une manifestante a annoncé qu’elle avait loué un bus et l’avait mis à la disposition des parents souhaitant changer les couches et nourrir leur bébé pendant le rassemblement. “Si Yoon n’est pas renvoyé aujourd’hui, je reviendrai la semaine prochaine”a déclaré à l’AFP Yoo Hee-jin, 24 ans, qui se déclare “furieux” contre le président. “Je continuerai à venir chaque semaine jusqu’à ce que cela arrive”elle jure.
Repas gratuits pour les manifestants
Le chanteur de K-pop Yuri, du groupe Girl’s Generation, dont la chanson « Vers le Nouveau Monde » devenu un hymne de protestation, a annoncé qu’il avait payé à l’avance les repas des manifestants. « Restez en sécurité et prenez soin de votre santé »elle a écrit sur une plateforme de discussion. Plusieurs milliers de partisans de Yoon Suk Yeol se sont également rassemblés dans le centre de Séoul, brandissant des drapeaux sud-coréens et américains et appelant à l’arrestation des dirigeants de l’opposition. « Yoon n’avait d’autre choix que de déclarer la loi martiale. J’approuve toutes les décisions qu’il a prises en tant que président.Choi Hee-sun, 62 ans, a déclaré à l’AFP.
Le 7 décembre, une première motion de destitution a échoué, la plupart des députés du People Power Party (PPP) de Yoon Suk Yeol ayant quitté l’hémicycle avant le vote pour empêcher que le quorum ne soit atteint. Pour être adoptée, la motion doit recueillir au moins 200 voix sur 300. L’opposition menée par le Parti démocrate dispose de 192 sièges, et le PPP 108. Les opposants de M. Yoon doivent donc faire basculer au moins huit députés du PPP dans leur camp pour parvenir à sa chute. Jusqu’à présent, sept députés du PPP ont déclaré qu’ils voteraient pour la destitution. Selon les médias locaux, de nombreux députés n’ont pas encore pris leur décision à quelques heures du vote.
Yoon Suk Yeol est désormais suspendu en attendant que la Cour constitutionnelle valide sa révocation. L’intérim est assuré par le Premier ministre Han Duck-soo. La Cour aura 180 jours pour statuer. Avec seulement six de ses neuf juges en fonction – trois autres ont pris leur retraite en octobre et n’ont pas encore été remplacés – ils devront se prononcer à l’unanimité. Si la Cour confirme la mise en accusation, Yoon Suk Yeol, 63 ans, deviendra le deuxième président de l’histoire sud-coréenne à subir ce sort, après Park Geun-hye en 2017.
“L’histoire se souviendra de votre choix”
Mais il existe aussi un précédent de destitution votée par le Parlement puis invalidée deux mois plus tard par la Cour constitutionnelle : celle de Roh Moo-hyun en 2004. Le leader du Parti démocrate, Lee Jae-myung, a exhorté les députés du PPP à se rallier à sa cause. . “L’histoire se souviendra de votre choix”leur a-t-il dit vendredi. “On ne supporte plus la folie de Yoon”a déclaré samedi le porte-parole du parti, Hwang Jung-a.
Pendant ce -, le filet policier se resserre sur le président et ses collaborateurs. Vendredi, les procureurs ont annoncé l’arrestation du chef du commandement militaire de Séoul et un tribunal de Séoul a émis des mandats d’arrêt contre les chefs de la police nationale et de la police de la capitale, citant un « risque de destruction de preuves ». L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme celui qui a poussé le président à imposer la loi martiale, a été le premier à être arrêté le 8 décembre. Il a tenté de se suicider deux jours plus tard en détention.
Yoon Suk Yeol a stupéfié la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en instaurant la loi martiale, une première depuis plus de quatre décennies dans le pays, et en envoyant des forces spéciales de l’armée au Parlement pour tenter d’empêcher les députés de se réunir. Mais 190 élus ont quand même réussi à pénétrer dans le bâtiment, parfois en escaladant les grillages. Ils ont voté à l’unanimité une motion exigeant la levée de la loi martiale, tandis que leurs collaborateurs ont empêché les soldats de faire irruption dans la salle en barricadant les portes avec des tables, des chaises et des canapés. Le président a finalement obéi, abrogeant la loi martiale proclamée six heures plus tôt et renvoyant les soldats dans leurs casernes.