Cinq jours après la chute du président Bashar Al-Assad en Syrie et la prise du pouvoir par une coalition de rebelles, dominée par le groupe islamiste Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, la prudence est de mise dans les chancelleries occidentales.
Un groupe sunnite affirme avoir rompu avec le djihadisme, mais reste classé comme entité terroriste
par plusieurs pays, dont les États-Unis et le Canada ainsi que les Nations Unies.
Ottawa accuse notamment le HTS d’avoir mené des attentats suicides entre 2017 et 2019 qui ont fait plus d’une centaine de morts, notamment des pèlerins chiites à Damas.
L’organisation internationale de défense des droits de l’homme Surveillance des droits de l’homme (HRW) affirme pour sa part que le groupe islamiste est accusé de maltraitance
dans la région d’Idlib, une zone du nord-ouest de la Syrie qui était sous leur contrôle avant la chute du régime d’Assad. En 2019, plusieurs manifestants auraient été arbitrairement détenus par le HTS pour avoir protesté contre le groupe et certains ont signalé des actes de torture, dit HRW dans un rapport.
Cinq jours après la fuite de Bachar Al-Assad, renversé par le groupe islamiste Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et ses alliés, des milliers de Syriens sont descendus dans les rues de Damas pour célébrer la « victoire de la révolution ».
Photo : Getty Images / AFP/OMAR HAJ KADOUR
Des messages se voulant rassurants
Un changement de ton est toutefois constaté depuis la prise du pouvoir du groupe islamiste, après une fulgurante offensive militaire de onze jours qui s’est soldée par le renversement de Bachar Al-Assad et sa fuite vers la Russie.
Depuis dimanche dernier, les dirigeants de HTS Les messages rassurants se multiplient à l’égard des communautés religieuses minoritaires de Syrie, notamment les communautés chrétienne, druze et alaouite.
Dans une interview accordée au journal italien Corriere della Serale nouveau Premier ministre syrien, Mohamed Al-Bashir, a assuré que les droits de toutes les minorités en Syrie sera garanti
par les nouvelles autorités.
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Le Premier ministre syrien de transition Mohamed Al-Bashir s’adresse à une foule à l’intérieur de l’emblématique mosquée des Omeyyades à Damas, le 13 décembre 2024.
Photo : Getty Images / AFP/SAMEER AL-DOUMY
Le Canada reste prudent, mais surveille la situation de près
Le Canada, qui n’entretient plus de relations diplomatiques avec la Syrie depuis 2012 en raison de la politique répressive de Bachar Al-Assad, envisage-t-il désormais d’établir des liens avec le nouveau régime ?
Le gouvernement libéral, qui dit suivre de près
la situation en Syrie, préfère attendre de voir quelle direction prendront les nouveaux maîtres de Damas.
Le Canada réaffirme son engagement envers le peuple syrien et appuie pleinement un processus de transition politique inclusif dirigé par les Syriens et appartenant aux Syriens.
indique Affaires mondiales Canada dans un courriel envoyé à -.
Nous sommes prêts à soutenir un processus de transition […] qui conduit à une gouvernance crédible, inclusive et non sectaire, qui garantit le respect de l’État de droit, des droits humains universels, y compris les droits des femmes, la protection de tous les Syriens, y compris les minorités religieuses et ethniques, la transparence et la responsabilité.
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Un portrait détruit du président syrien déchu Bashar Al-Assad dans un bâtiment gouvernemental saccagé à Damas. Les rebelles dirigés par les islamistes ont déclaré le 8 décembre avoir pris la capitale syrienne lors d’une offensive éclair.
Photo : Getty Images / AFP / RAMI AL SAYED
Le Canada, avec les autres pays du G7, s’engage à travailler avec un futur gouvernement syrien qui respecte ces normes
et promet de le soutenir pleinement
.
Ottawa n’est cependant pas pressé de se retirer HTS de sa liste noire. Interrogé sur cette question, le ministère fédéral de la Sécurité publique indique que divers facteurs
sont prises en considération avant de retirer un groupe de sa liste d’entités terroristes.
Il s’agit d’une décision fondée, entre autres, sur un rapport de renseignement de divers services de sécurité, dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
De plus, des facteurs politiques sont pris en compte lors de l’évaluation de la radiation d’une entité.
précise Noémie Allard, porte-parole du ministère. Des aspects tels que la question de savoir si une entité a la capacité opérationnelle de mener des activités terroristes ou si ses membres l’ont abandonnée ou sont affiliés à une autre entité sont évalués.
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Abou Mohammed Al-Joulani, chef du groupe islamiste Hayat Tahrir Al-Sham, en février 2023. (Photo d’archives).
Photo : Getty Images / OMAR HAJ KADOUR / AFP
Ailleurs dans le monde
Du côté des États-Unis, la réflexion semble déjà engagée sur les relations futures avec HTS. En visite en Jordanie, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a souligné la nécessité d’empêcher le retour du groupe armé État islamique (EI) en Syrie, appelant le nouveau gouvernement syrien à veiller à ce que toutes les armes chimiques soient sécurisées et détruites
.
A Bruxelles, un haut responsable européen a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) sous couvert d’anonymat que l’Union européenne je prévois de prendre contact prochainement
avec les nouvelles autorités syriennes, mais seulement au niveau opérationnel
et non politique
.
A Genève, les responsables duLUI prônent également la vigilance, mais aussi la patience, alors que plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Norvège et l’Italie, ont annoncé avoir suspendu l’examen des demandes d’asile des Syriens.
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Des femmes posent lors d’une manifestation célébrant la chute de Bachar Al-Assad dans la région à majorité druze de Soueida, le 13 décembre 2024.
Photo : Getty Images / AFP/LOUAI BESHARA
Le gouvernement autrichien est allé encore plus loin en annonçant la préparation d’un programme d’expulsion
voiture la situation politique a fondamentalement changé
dans le pays.
Quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, ont fui le pays depuis 2011, lorsque la répression des manifestations en faveur de la démocratie a déclenché une guerre dévastatrice qui a fait plus d’un demi-million de morts.
La Syrie a une formidable opportunité d’avancer vers la paix et de permettre à sa population de commencer à rentrer chez elle, a déclaré lundi le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. Mais la situation étant toujours incertaine, des millions de réfugiés évaluent soigneusement s’ils peuvent voyager en toute sécurité.
Quel avenir pour les réfugiés et les demandeurs d’asile au Canada ?
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Le premier ministre Justin Trudeau a accueilli les premiers réfugiés syriens le 11 décembre 2015 à l’aéroport Pearson de Toronto.
Photo : Reuters/Mark Blinch
Le Canada, qui a accueilli près de 100 000 réfugiés syriens depuis 2015, affirme pour sa part qu’il va continuer d’évaluer les demandes d’asile des personnes qui ont fui la Syrie
.
Le cabinet du ministre de l’Immigration, Marc Miller, précise notamment que le volume de demandeurs d’asile syriens au Canada est relativement modeste en comparaison avec d’autres pays d’Europe.
Le nombre de demandes d’asile de ressortissants syriens en attente dans l’inventaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada est inférieur à 2 000, contre 47 000 en Allemagne par exemple.
La Syrie sera également au cœur des discussions des chefs d’État ou de gouvernement des pays du G7 qui doivent se réunir vendredi par visioconférence. Et samedi, en Jordanie, les ministres et hauts diplomates américains, européens, arabes et turcs discuteront du même sujet.