La Cour constitutionnelle annule l’élection présidentielle

La Cour constitutionnelle roumaine a annulé vendredi l’élection présidentielle à deux jours du second tour, dernier rebondissement d’un processus chaotique troublé par des soupçons d’ingérence russe en faveur du candidat d’extrême droite.

Le tribunal a décidé “d’annuler l’intégralité du vote” afin de “garantir sa validité et sa légalité” et a demandé que “l’ensemble du processus électoral” recommence, selon un communiqué qui a plongé le pays d’Europe de l’Est sous le choc.

“Le gouvernement fixera une nouvelle date” ultérieurement, a précisé la Cour, qui avait pourtant validé les résultats en début de semaine après un recomptage des voix du premier tour qui a conclu à l’absence de fraude.

Mais entre--, les autorités ont déclassifié des documents des services de renseignement étayant les accusations du rôle « massif » de TikTok dans la campagne, avec la Russie dans le collimateur.

Au premier tour, le candidat nationaliste Calin Georgescu est arrivé en tête à la surprise générale, balayant les favoris dans les rangs des partis gouvernementaux.

Critique de l’UE et de l’Otan, cet ancien haut responsable de 62 ans s’est de nouveau déclaré vendredi dans les médias en faveur d’un arrêt total de l’aide militaire à l’Ukraine voisine.

Bien qu’il ait exprimé par le passé son admiration pour le président russe Vladimir Poutine, il a récemment évité de prendre une position claire, se contentant d’indiquer qu’il était « pro-roumain ».

Sorti de nulle part après une campagne virale sur TikTok, il a dû affronter la centriste pro-européenne Elena Lasconi, elle aussi autoproclamée « antisystème » et qui montait dans les sondages, recueillant des soutiens.

Elle a “fermement condamné” la “décision illégale” d’un “Etat roumain bafouant la démocratie” et “menant le pays à l’anarchie”, estimant dans une vidéo que “le vote aurait dû avoir lieu”.

Le leader du principal parti d’extrême droite AUR, George Simion, a dénoncé une décision « politiquement motivée », « annulant la volonté du peuple roumain » tout en appelant ses partisans au calme, car « le système doit tomber démocratiquement ».

Selon le politologue Costin Ciobanu, cette annulation « historique et sans précédent » va « polariser » encore plus la société et « soulève de sérieuses questions sur la solidité des institutions ».

A l’inverse, le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolanu, grand perdant du premier tour, a salué sur Facebook la “seule bonne solution après la déclassification” mercredi de documents montrant un résultat “faussé par l’intervention de la Russie”.

Le professeur de sciences politiques Sergiou Miscoiu estime également que la décision unanime de la Cour est dictée par la « conviction » des juges selon laquelle « les élections ont été falsifiées, ce qui est vrai ».

Quant à l’analyste Cristian Pirvulescu, il a parlé à l’AFP d’une “décision de bon sens” face à “un coup d’Etat dans les urnes”. “Ils ont pris la décision qui rétablira enfin des règles du jeu équitables entre les concurrents”, a-t-il déclaré.

Le message « La Roumanie d’abord » de M. Georgescu a trouvé son audience auprès d’une partie de la population, fatiguée des partis traditionnels considérés comme corrompus et confrontée à des difficultés économiques, dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Europe.

Mais adepte des théories du complot et admirateur de Donald Trump, il a surtout bénéficié sur les réseaux sociaux d’une « campagne promotionnelle agressive, en violation de la législation électorale », selon les autorités.

Ils établissent des parallèles avec les précédentes tentatives russes d’ingérence électorale en Europe.

Les services secrets ont identifié « 25 000 comptes TikTok » directement associés à la campagne du candidat nationaliste et sont devenus « extrêmement actifs deux semaines avant la date du scrutin », selon ces documents.

La Roumanie a également détecté plus de 85 000 cyberattaques, « y compris le jour du scrutin », lancées depuis une trentaine de pays « et exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux » pour déstabiliser le processus.

Deux enquêtes ont été ouvertes pour délits électoraux et blanchiment, notamment par le procureur anticorruption.