Après avoir fait des ravages aux États-Unis, la « drogue zombie » se taille peu à peu une place au Québec. Tristement célèbre pour les plaies qu’elle laisse à ses utilisateurs, la xylazine est souvent utilisée pour couper d’autres drogues et augmente le risque de surdose.
L’année dernière dans la province, cette substance a été détectée dans l’urine de 14 des 1 129 toxicomanes testés volontairement.
C’est ce que révèlent les données recueillies par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et la Direction de la santé publique, dévoilées cette semaine lors des Journées annuelles de santé publique.1.
Cela représente un peu plus de 1 % des consommateurs – un chiffre similaire à celui de 2022. Mais cela pourrait n’être que la pointe de l’iceberg.
« La xylazine n’est pas très présente dans les chiffres montréalais et québécois. Mais sa consommation est en hausse», affirme le Dconcernant Marie-Ève Goyer, doctor specializing in addiction at the CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.
Qu’est-ce que la xylazine ?
«Certaines personnes ne sont pas conscientes de la dangerosité de cette substance», souligne Isabelle Bilodeau, pharmacienne à l’INSPQ.
La xylazine est un sédatif à usage vétérinaire, utilisé comme tranquillisant pour les chevaux. Cela peut vous faire boiter pendant plusieurs heures et provoquer une démarche lente, plongeant les utilisateurs dans un état de semi-conscience.
Elle peut également provoquer de graves nécroses tissulaires, révélant des plaies béantes, d’où son surnom de « drogue zombie ».
Un risque de surdosage décuplé
Cette substance est souvent utilisée pour supprimer d’autres drogues, à l’insu des utilisateurs.
«Il peut se présenter sous plusieurs formes, mais dans la grande majorité, il est utilisé dans le fentanyl», précise Alex Berthelot, directeur des services communautaires de Cactus Montréal.
Comme le fentanyl, il peut être consommé par injection, mais de plus en plus, on peut le trouver par inhalation, explique-t-il.
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Nombre de décès accidentels par intoxication médicamenteuse au Canada enregistrés en 2023, dont 435 au Québec
Source : Statistique Canada
La xylazine est dangereuse car elle augmente considérablement le risque de surdosage.
Chez les 14 personnes où il a été détecté en 2023 au Québec, il était présent avec, en moyenne, une douzaine d’autres substances, dont, presque toujours, le fentanyl.
Et près de 80 % de ces personnes avaient fait une overdose au cours des six mois précédents.
«Les gens se rendront peut-être compte qu’il s’agit d’une substance différente de ce qu’ils consomment habituellement, mais ils ne sauront pas qu’il s’agit de xylazine», explique Isabelle Bilodeau.
Cocktail mortel
Ce qui inquiète le Dconcernant Goyer, ce n’est pas la xylazine en particulier, mais plutôt toutes les substances illicites qui contaminent le marché noir.
Mardi, la Direction de la Santé Publique a également envoyé une alerte indiquant que depuis fin octobre, trois décès potentiellement liés à la consommation de comprimés contrefaits avaient été signalés. Les comprimés ont été analysés et contenaient des nitazènes, des opioïdes synthétiques 20 à 25 fois plus toxiques que le fentanyl.
Ce qui est alarmant, c’est la rapidité avec laquelle le marché illicite produit de nouvelles substances de plus en plus dangereuses, qui mettent en danger de plus en plus de consommateurs.
Le Dconcernant Marie-Ève Goyer, doctor specializing in addiction at the CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal
Le Dconcernant Goyer appelle les pouvoirs publics à s’attaquer de front au problème en ouvrant de nouveaux services d’injection supervisée, en facilitant l’accès aux traitements pour l’addiction aux opioïdes, ainsi qu’en généralisant la distribution de kits de naloxone.
« Quand est-ce que cela deviendra suffisamment inquiétant pour que nous mettions en place des mesures robustes et systématiques ? », demande-t-elle.
Que pouvons-nous faire ?
Il est fortement recommandé aux personnes qui consomment ou à des proches qui consomment de se procurer une trousse de naloxone, disponible gratuitement en pharmacie, et d’éviter de consommer seule. Bien que la naloxone soit moins efficace contre la xylazine que contre les opioïdes, elle inversera les effets d’autres médicaments qui auraient pu être ingérés.
Si vous consommez des drogues, vous pouvez contacter des organismes comme Cactus Montréal, qui pourront analyser un échantillon pour déterminer s’il contient de la xylazine ou d’autres substances dangereuses. L’organisme dispose également de bandelettes réactives qu’elle peut distribuer aux consommateurs afin qu’ils puissent tester eux-mêmes leurs doses.
1. Consultez les données recueillies par l’INSPQ et la Direction de la santé publique
Lire « Présence « inquiétante » de xylazine à Montréal »
Que faire en cas de surdosage ?
Les signes et effets d’un surdosage varient selon la substance, l’individu et le contexte. Si une personne est au sol, a du mal à respirer, a les ongles ou les lèvres bleues, ne se réveille pas lorsqu’on lui parle ou lorsqu’on la secoue, ou a du mal à rester éveillée, il pourrait s’agir d’une surdose. Vous devez alors appeler le 911, lui administrer de la naloxone, si vous en avez, et rester avec la personne jusqu’à l’arrivée des secours. La Loi sur le bon Samaritain offre une protection juridique aux personnes victimes de surdoses et à celles qui en sont témoins et demandent de l’aide.
Source: CISSS des Laurentides