Une augmentation d’impôts pourrait faire couler deux piscines

Une augmentation d’impôts pourrait faire couler deux piscines
Une augmentation d’impôts pourrait faire couler deux piscines

Deux piscines montréalaises risquent de fermer en raison d’une décision d’un organisme gouvernemental qui met fin à une exemption fiscale dont elles bénéficiaient depuis des années.

«Nous n’avons pas les fonds nécessaires et craignons le pire pour la saison 2025 et pour l’avenir de nos piscines communautaires», écrit le conseil d’administration de Piscine Lachine Ouest, dans un avis interne qui La presse a obtenu. « À long terme, nous n’aurons pas les fonds nécessaires pour assurer leur maintien et leur survie. »

Depuis des années, l’organisation bénéficie d’une exonération de 85 % de sa facture fiscale. En 2024, le groupe n’a payé que 8 690 $ en taxes municipales grâce à ce programme.

Cette exemption doit toutefois être renouvelée tous les neuf ans. Et cette année, la Commission municipale du Québec (CMQ) a refusé la demande du groupe. Résultat : la facture fiscale atteint désormais 41 930 $ pour l’année 2024. Et elle devrait s’élever à 51 000 $ pour l’année 2025.

Géré par des parents bénévoles, l’organisme regrette également de devoir faire face à une facture de taxes scolaires de près de 2 000 $, ce qui n’avait jamais été le cas jusqu’à présent. Au total, le petit groupe doit verser 95 000 $ à la Ville d’ici juin, ce qui leur semble impossible.

Le même sort est arrivé à Dixie Pool, situé à proximité. «Nous trouvons cela vraiment dommage», déclare Loïc Bernard, l’un des porte-parole de Piscine Lachine Ouest. Ces piscines ont une réelle valeur communautaire. Tous les gens du quartier s’y retrouvent. Les enfants sont là, s’amusent et se font des amis. C’est un élément fédérateur pour le quartier. Et cela a créé des emplois chez les jeunes. »

Peu de réponses du gouvernement

La CMQ refuse d’expliquer sa décision. La porte-parole Anne-Julie Lefebvre se limite à répondre que son groupe, « en tant que tribunal administratif, ne commente pas ses décisions ». Le cabinet de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, n’a pas non plus souhaité commenter la situation.

Selon nos informations, cette décision a été prise car les piscines ne répondent plus à certains critères définissant le caractère d’une activité à but non lucratif.

Dans un jugement rendu en mai dernier sur la Piscine Lachine Ouest, la CMQ soutenait que les revenus générés par la natation libre en 2023 étaient de plus de 58 000 $, comparativement à 11 000 $ pour les cours de natation. Cela démontre, selon le jugement, que le caractère des piscines est « une baignade récréative » et non sociale.

Loïc Bernard, quant à lui, explique plutôt la situation par le fait que les piscines ont changé certaines manières de faire, notamment en voulant proposer davantage de natation gratuite. La décision de la CMQ, déplore-t-il, repose sur un calcul strictement mathématique des heures qui lui sont allouées, sans tenir compte de l’impact communautaire des piscines.

Montréal concernée

À la Ville de Montréal, nous regrettons profondément la situation. Pour la mairesse de Lachine, Maja Vodanovic, la décision de la CMQ est « incompréhensible ». « Il y a 500 enfants qui apprennent à nager dans ces piscines. Et là, c’est essentiel. Nous sommes au bord d’un lac et d’une rivière, avec 12 km de berges non clôturées. Il est absolument important que les enfants apprennent à nager », explique-t-elle.

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PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE ARCHIVES

La mairesse de Lachine, Maja Vodanovic, en 2021

L’élue dit vouloir « tout faire » pour faire changer d’avis la CMQ, mais elle affirme que son pouvoir est limité. « La Ville ne peut pas se remplacer. Si le gouvernement leur demande de payer des impôts, nous ne pouvons pas les leur rendre. Ce serait illégal. En fin de compte, ce n’est pas nous qui décidons”, estime M.moi Vodanovic.

Elle trouve d’autant plus ironique que tout cela survient au moment où la Ville vient d’annoncer, dans son budget, qu’elle offrira l’an prochain une aide financière de 10,5 millions à 700 organismes communautaires, culturels et sportifs, qui n’auront plus pour payer la compensation qui tenait lieu de taxes municipales.

Nous annonçons que nous voulons réduire les impôts des organismes de notre territoire, et d’un autre côté, la CMQ demande aux autres de payer davantage.

Maja Vodanovic, mairesse de Lachine

Pour un porte-parole de la Ville de Montréal, Gonzalo Nunez, ces piscines sont des « infrastructures importantes » pour la population du secteur Lachine. « Situés dans des quartiers où il y a peu de piscines, ils desservent des milliers de Montréalais chaque été », note-t-il.

Mois dernier, La presse a révélé que cet automne, dans certaines villes du Québec, il n’y a de place que pour à peine 1 enfant sur 10 en cours de natation. Sur le Plateau Mont-Royal, où vivent 10 300 enfants de 0 à 12 ans, au moins six organismes offrent 3 600 places, soit juste assez pour 35 % des jeunes.

Avec la collaboration de Gabrielle Duchaine, La presse

Lire le dossier « Trop peu de cours de natation pour les enfants »

Qu’est-ce que le CMQ ?

La Commission municipale du Québec est un tribunal administratif relevant du gouvernement provincial, qui est responsable des enquêtes publiques, mais aussi de l’arbitrage des conflits avec les villes du Québec. L’organisme peut également agir en matière de tutelle, d’éthique et de déontologie, ainsi qu’en matière de défiscalisation. La CMQ a traité près de 2 000 demandes fiscales au cours des cinq dernières années. L’organisme a administré temporairement une dizaine de communes ces dernières années, en plus d’en placer trois sous tutelle.

 
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