20 projets d’aires protégées rejetés par la MRC de la Haute-Gaspésie

20 projets d’aires protégées rejetés par la MRC de la Haute-Gaspésie
20 projets d’aires protégées rejetés par la MRC de la Haute-Gaspésie

La MRC de la Haute-Gaspésie a rejeté en bloc 20 projets d’aires protégées soumis par des citoyens et des groupes, en réponse à un « appel » lancé par le gouvernement de François Legault pour respecter les objectifs de protection de la biodiversité du Québec. Une situation dénoncée par les porteurs de projets, qui craignent que plusieurs des quelque 400 propositions présentées dans la province soient mises de côté avant même d’avoir été analysées.

Dans le cadre de son « engagement » à protéger 30 % du territoire québécois d’ici 2030, le gouvernement du Québec a lancé en juin un « appel de projets » pour des aires protégées sur le territoire public du sud de la province, « où la biodiversité est riche et où les menaces qui pèsent sur lui augmentent ».

Preuve de l’engouement pour cette initiative, plus de 400 projets ont été déposés. Pour être jugées recevables par le gouvernement, elles doivent toutefois comporter une « résolution d’appui à l’analyse du projet » de la MRC concernée. Cette résolution, qui doit être déposée d’ici le 10 janvier, ne constitue pas un soutien au projet de protection. Ce n’est qu’un appui au fait qu’il pourrait être retenu pour une « concertation régionale » et une éventuelle « réserve » du territoire en 2027. Bref, au terme de plusieurs étapes à venir.

Le conseil de la MRC de La Haute-Gaspésie a toutefois décidé mercredi de rejeter en bloc 20 propositions présentées pour cette région. Parmi ces projets, on retrouve notamment une aire protégée qui aurait permis de préserver des habitats propices au caribou de la Gaspésie, en voie d’extinction. Un autre projet concernait la rivière Madeleine, une rivière à saumon frappée par la baisse marquée des montaisons.

« En élus responsables, nous avons décidé de refuser en bloc », admet sans détour le préfet de la MRC, Guy Bernatchez, dans un entretien à Devoir. « Nous voulons envoyer un message au gouvernement du Québec et aussi un message de solidarité régionale. Nous avons donc décidé de nous positionner contre le processus », ce qui est, selon lui, « très problématique ».

M. Bernatchez dit craindre les impacts économiques de la mise en œuvre de projets supplémentaires d’aires protégées, notamment pour la foresterie, le développement éolien et le récréotourisme. Il estime que le gouvernement devrait d’abord régler le cas du « projet pilote » de protection des caribous avant d’envisager une protection accrue des milieux naturels.

Protection et « vitalité »

« Nous avons accepté le fait que la réserve faunique des Chic-Chocs et le parc national de la Gaspésie soient là. Mais ça suffit. Gérons notre territoire. Et les gens qui arrivent avec leurs grandes vertus, qui savent tout et qui nous considèrent comme innocents, j’en ai marre. Je suis dégoûté, oubliez le préfet de la MRC. Il y a des gens qui arrivent des grands centres, qui s’installent ici, qui vivent ici depuis un an et qui savent tout et veulent nous dire quoi faire. Nous ne sommes plus capables de ce discours. »

Président du comité qui pilote le projet déposé pour la protection de la rivière Madeleine et pêcheur de saumon de la région depuis plus de 25 ans, Robert Poupart déplore le refus de la MRC. Il rappelle que la pêche au saumon est un élément crucial pour « la vitalité économique » de cette communauté « dévitalisée », d’où l’importance, selon lui, d’assurer la préservation du cours d’eau.

« Contrairement aux préjugés ambiants, un espace protégé n’est pas une cloche de verre qui ferme, cadenas, un territoire. Il existe plusieurs régimes d’aires protégées qui permettent une exploitation durable de la forêt, donc une écoforesterie qui allie rendement, conservation et accessibilité », explique-t-il.

« Nous ne demandons pas de décréter le projet d’aire protégée. Nous demandons d’y réfléchir avec toutes les parties prenantes, fait également valoir M. Poupart. Si le ministère de l’Environnement continue de laisser aux MRC la possibilité de décréter qu’on n’a pas le droit de penser, il sera impossible d’atteindre l’objectif de protection de 30 % du territoire. Le ministère doit affirmer que dans le contexte des changements climatiques, il faut se permettre de réfléchir. »

« Casser » l’élan civique

Même son de cloche du côté de l’experte accompagnant le projet de protection de l’habitat du caribou dans le secteur de La Martre, Julie Reid Forget. « Un total de 20 projets pour la Haute-Gaspésie, c’est impressionnant. Les gens veulent prendre soin du territoire. Le refus total de la MRC revient à briser un élan civique», souligne-t-elle, ajoutant que le projet La Martre était un «espace protégé d’usage durable», c’est-à-dire une structure qui permet l’exploitation des ressources naturelles. , tout en préservant la biodiversité.

Nature Québec a également vu sa proposition rejetée mercredi par la MRC de La Haute-Gaspésie. Elle avait soumis un document très détaillé décrivant un projet de « réserve de biodiversité » qui aurait permis de protéger des « zones nerveuses » pour le caribou situées principalement sur les terres publiques aux abords du parc national de la Gaspésie. En effet, si le cœur de l’habitat du cerf se trouve dans le parc, le territoire nécessaire à sa survie est plus vaste et aujourd’hui ciblé par les permis d’exploration minière ou dégradé par l’exploitation forestière.

Dans ce contexte, la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, demande à Québec d’intervenir pour éviter de bloquer des projets avant même qu’ils ne fassent l’objet d’une consultation régionale. « Il est de la responsabilité du ministre de l’Environnement de créer un réseau représentatif d’aires protégées dans toutes les régions du Québec. Dans les cas où une MRC refuse catégoriquement tout nouveau projet d’aire protégée, nous demandons au ministre Benoit Charette d’assumer la responsabilité de ce dossier et de s’engager publiquement à analyser néanmoins les projets soumis à son ministère. . »

La Société de la nature et des parcs (SNAP Québec), qui a reçu le mandat du gouvernement pour assurer la « promotion » et le « soutien » liés à l’appel de projets, estime donc qu’un effort d’information supplémentaire est nécessaire pour que les MRC comprennent bien les enjeux. nature du processus, qui est également détaillée sur le site du gouvernement dédié à l’initiative.

« Il faut travailler à gagner la confiance des MRC, qui auront la chance d’exprimer leurs préoccupations lors des analyses et des consultations », affirme son directeur général, Alain Branchaud. Il existe selon lui une « incompréhension » du processus de décision, mais aussi des « bénéfices socio-économiques positifs » liés aux aires protégées.

Le président de la Fédération québécoise des municipalités, Jacques Demers, dit comprendre les inquiétudes des MRC. Il exhorte également le gouvernement à entamer « une conversation » afin de réfléchir au développement territorial qui relève des MRC dans les différentes régions.

La MRC de l’agglomération de La Tuque a également refusé d’appuyer le dépôt de projets. Un peu plus d’une quinzaine ont été développées dans la région, suite à l’appel du Québec.

Pourquoi a-t-on donné au MRC le droit de rejeter des projets avant même leur « analyse » ? «Cette façon de procéder permet de s’assurer de l’acceptabilité sociale des projets au sein de la communauté avant de passer aux étapes ultérieures», a indiqué jeudi le cabinet du ministre Benoit Charette.

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