Outre-Atlantique, les autorités mettent du fluor dans l’eau du robinet depuis 1945. Elles espèrent améliorer la santé bucco-dentaire des Américains. Mais pour Robert F. Kennedy Junior, le prochain ministre américain de la Santé, cette pratique provoquerait « de l’arthrite, des fractures osseuses, des cancers des os, une perte du quotient intellectuel ». [QI]troubles neurodéveloppementaux et maladies thyroïdiennes.
Il suffit de jeter un œil à son programme « Make America Healthy Again » (MAHA) pour constater que RFK junior, anti-vax, multiplie les théories du complot. ” Ces fausses nouvelles ne datent pas d’hier. Dans les années 1950 et 1960, on a vu de faux généraux américains prétendre que les communistes empoisonnaient l’eau potable des Américains avec du fluor potentiellement neurotoxique ou que les nazis en donnaient aux prisonniers pour les rendre plus dociles », explique Christophe Lequart, chirurgien. -dentiste et porte-parole de l’Union française de santé bucco-dentaire (UFSBD).
Fluorure dans le dentifrice vs fluorure dans les skis
Or, « aucune étude sérieuse ne montre de lien entre fluorure et neurotoxicité et aucun site sérieux ne dit qu’on perd du QI si on prend trop de fluorure », assure Patrick Baudot, chirurgien-dentiste. Souvent, les inquiétudes viennent d’une confusion entre la molécule présente dans le dentifrice et dans l’eau potable aux Etats-Unis – l’eau du robinet n’est pas complétée en fluor en France – et le fluor présent dans d’autres produits comme les réchauds ou le fart fluoré sous les skis, interdit depuis 2023.c “Mais ce ne sont pas les mêmes molécules, dans les skis, elles sont perfluorées”, explique Christophe Lequart qui assure que le fluor est non seulement sans danger mais aussi “la seule molécule qui peut empêcher l’apparition de cavités ». «À une certaine dose, le fluor associé à la structure minérale de l’émail le rend plus résistant», explique-t-il.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé précise également que « la mesure la plus efficace pour prévenir les lésions carieuses est de se brosser les dents au moins deux fois par jour avec un dentifrice fluoré ». Une prévention indispensable quand on sait que la carie est la maladie non transmissible la plus répandue dans le monde, selon l’OMS.
Le risque de fluorose
Alors bien sûr, « au-delà d’une certaine concentration de fluor, il existe un risque de fluorose dentaire », reconnaît Christophe Lequart qui explique qu’en trop grande quantité « la qualité de l’émail se dégrade et il est plus susceptible de se carier ». En cas de fluorose, des taches blanches peuvent apparaître, voire des dents brunes et, dans les cas les plus graves, des dents émiettées. « C’est vrai qu’il y a une trentaine d’années, les comprimés de fluor associés au sel fluoré, les plats transformés qui en contiennent beaucoup et certaines zones, naturellement fluorées, on avait beaucoup de fluorose », relate Patrick Baudot.
Mais le dentiste assure qu’il observe actuellement le problème inverse. Parmi ses patients, le médecin compte plusieurs cas d’enfants dont les parents, écologistes, fabriquent eux-mêmes leur dentifrice, sans fluor. « Malheureusement, je constate une augmentation des caries chez ces enfants, glisse-t-il. Au fond, l’apport en fluor « est une question d’équilibre, comme tout », assure le dentiste.
Mais outre-Atlantique, cette décision pourrait accentuer les inégalités. « La santé bucco-dentaire est un véritable marqueur socio-économique et les plus favorisés disposent d’une assurance privée qui recommande voire impose à leurs adhérents des actions préventives comme l’application de vernis fluoré sur les dents », explique Christophe Lequart. Supprimer le fluorure de l’eau du robinet pourrait donc toucher en priorité les plus vulnérables et « faire des ravages ».