le numéro d’équilibriste de l’avocat de Dominique Pelicot

le numéro d’équilibriste de l’avocat de Dominique Pelicot
le numéro d’équilibriste de l’avocat de Dominique Pelicot

«Je suis allé jusqu’au bout de moi-même, pour me rendre compte qu’il n’y avait personne. » Ce sont les propos de Dominique Pelicot, transmis par la voix de son avocat Maître Béatrice Zavarro, qui a ouvert, ce mercredi 27 novembre, les plaidoiries de la défense des 51 accusés dans le procès pour viol de Mazan. Dans la fracture, rappelée par son avocat, entre Dominique, mari exceptionnel et père merveilleux, et Dominique qui a violé et fait violer sa femme sous sédatifs des centaines de fois, il n’y a aujourd’hui qu’un grand vide. . Un abîme noir dans lequel de nombreuses vies ont été détruites. Et c’est un sentiment absolu de solitude qui aura émergé de ce 52e jour d’audience.

C’est là que commença Maître Zavarro : « Malgré moi, je suis devenu l’avocat du diable. » Un surnom qui lui a été donné et qui lui colle à la peau. Elle assume ce lien tissé entre elle et lui, Dominique Pélicot « contre le reste du monde » ; un lien qui « la plongeait dans une extrême solitude, une solitude qui me pesait intensément. » Comment défendre le diable ? Cette question a créé un écho singulier en résonnant dans la salle Voltaire du tribunal d’Avignon, alors que le matin même la avocate générale Laure Chabaud avait conclu avec brio sur les enjeux historiques de ce procès, en appelant à l’espoir d’une « prise de conscience sociétale collective » et en demandant au Président et aux juges de délivrer « un message d’espoir à toutes les victimes de violences sexuelles » et de restituer à Gisèle Pélicot « une part de son humanité volée. »

Deux femmes face à face, l’une qui doit veiller aux intérêts de la société et l’autre la quintessence de son désordre. Tous deux ayant à cœur de ne jamais perdre de vue cette troisième femme au centre du drame, Gisèle Pelicot. Dont les manifestations quotidiennes de soutien d’une armée de femmes anonymes, les chants, les fleurs, les applaudissements, tentent d’éviter à tout prix la solitude. Dans un procès qui a la particularité rarissime de disposer de toutes les preuves incontestables des faits allégués, comment défendre l’accusé ? Car, comme dans de nombreux cas de procès pour agressions sexuelles, il ne s’agit pas de discuter les versions, de comparer un mot avec un autre, de faire ressortir des doutes. Il n’y a aucun doute ici. Alors comment défendre le diable ? Se rappeler que le diable n’existe pas.

Une enfance faite de multiples abus sexuels et tortures

Maître Zavarro s’est engagé à raconter en premier lieu à la barre, l’histoire de l’enfant qu’était Dominique Pelicot, qui aurait été violé à huit ans par une infirmière alors qu’il était hospitalisé, et de son traumatisme vécu à quatorze ans lorsqu’il se serait retrouvé forcé. impliqué dans un viol collectif sur un chantier de construction. Et enfin, l’enfant soumis à la brutalité et aux obscénités d’un père, qui l’a maltraité, lui et sa mère. Un autre enfant blessé est également apparu, lorsque Maître Gontard, qui a succédé à Maître Zavarro pour plaider la défense de Jean-Pierre M., a raconté à son tour l’enfance indicible de son client, enfermée en lui. Une enfance faite de multiples abus sexuels et tortures. Car il en a été aussi question, implicitement, dans cette dernière phase du procès pour viol de Mazan où seront entendues les défenses des accusés : l’extrême solitude de l’enfant maltraité. « On ne naît pas pervers, on le devient. » cite l’avocat.

Ce que Dominique Pelicot a fait à sa femme est au-delà du pardon. Nous parlons donc d’humanité, car c’est un serment d’humanité que les avocats prêtent lorsqu’ils assument ce rôle, comme l’a rappelé M. Zavarro. Il raconte le parcours criminel de cet homme, qui jusqu’au 2 novembre 2020 apparaissait à ses proches, sa famille et ses amis, comme un homme idéal. « Il assumera ses fantasmes. Pour quoi ? C’est tout l’enjeu de ce procès. » Maître Zavarro déploie ses arguments, avec la retenue de celui qui sait avancer sur des terrains extrêmement changeants, en considérant le besoin de Pélicot de « se magnifier », en partageant son épouse.

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« Ce dossier, cette présence, est peut-être sa dernière érection »

Tous ces hommes, les coaccusés, représentent une « entité sublimatrice ». Lui qui a été qualifié de « directif », de chef d’orchestre, par presque tout le monde. “Je vais vous montrer comment faire.” » L’excitation que procure le fait d’être vu en train de faire toutes ces choses et d’agir ensemble. “Sans le réseau, le dossier Pélicot n’existe pas”, estime son avocat. Messages sur Coco, puis sur Skype et par téléphone : des centaines et des centaines de communications. Nous ne sommes plus seuls dans nos fantasmes, nous levons le tabou en brisant la solitude. Sommes-nous en train de banaliser ? Ensuite, nous échangeons des photos et des vidéos. On se dit tout ce qu’on aimerait faire avec les mots les plus crus, le web brisant les filtres de toute indécence. Nous pensons que nous sommes forts et virils. Et rien de tel qu’un club de garçons pour renforcer la virilité. Celle qui va bientôt manquer à Dominique Pelicot, car en vieillissant, comme le suggère Maître Zavarro, il nous faut « des complices avant que notre corps ne vieillisse ». Et l’avocat assume l’audace avec cette question rocambolesque : « Ce dossier, cette présence, c’est peut-être sa dernière érection. »

Maître Zavarro soulèvera d’autres questions, qui peuvent faire frémir devant la gravité des faits, mais elle fait ce pour quoi elle a prêté serment en tant qu’avocate et elle nous donne aujourd’hui une leçon. Alors, ne pourrait-on pas déceler une forme de « protection » dans l’action méthodique de Pélicot ? La consigne, toujours la même, de le faire « en douceur », de ne pas être brutal. Même s’il s’agit d’une forme odieuse de protection. En endormissant sa femme pour réaliser ces attentats qui sont ses fantasmes, ne cherche-t-il pas, en la rendant inconsciente, à faire en sorte qu’elle ne vive pas ce qu’ont vécu sa propre mère et la femme violée sur le chantier ? Sur le caractère manipulateur évoqué par la quasi-totalité des coaccusés, Maître Zavarro rappelle que l’invitation faite à ces hommes aurait toujours été explicite, sans chercher à les prendre en défaut, comme en témoignent les discussions retrouvées par téléphone ou par mails. . Venir chez lui pour abuser de sa femme endormie. Elle souligne le caractère systématique et gratuit de cette invitation, jamais de « compensation financière ».

Un lyrisme étrange et glaçant

Les coaccusés, même s’ils ont parlé de « peur » ou de « peur du malaise », ont tous admis que Pélicot ne s’était jamais montré violent, menaçant ou insultant à leur égard, ni ne les avait empêchés de sortir de chez lui. . Ces coaccusés qui, pour beaucoup, ont parlé du « contrôle » qu’ils avaient subi. Une prise dans dix minutes ? Un certain nombre d’entre eux sont allés jusqu’à émettre l’hypothèse qu’eux aussi auraient pu être drogués par Pélicot, car ils sont «amnésiques», et ne comprennent pas comment ils ont pu faire ce dont on les accuse, ils étaient dans leur état normal. État. Toutefois, le parquet a souligné qu’aucun de ces hommes n’apparaît en perte de moyens sur les vidéos des événements. Au contraire. Peut-être n’appréciez-vous pas l’ironie scandaleuse d’oser vous qualifier de « victime droguée » par Pelicot, alors que nous savons tous qui est la victime droguée de ce procès : Mme Pelicot.

Maître Zavarro a tenu à porter à plusieurs reprises les paroles de Dominique Pelicot, écrits produits en prison, sous forme de poèmes, qu’il lui a confiés. Ces écrits dans lesquels il parle de son amour pour sa mère et pour sa femme. Des mots au lyrisme étrange et glaçant de celui qui a tout détruit. « Un jour on se reverra, j’espère qu’on pourra parler de tout ça. » Aussi de ses enfants « qui ne viendront pas se recueillir sur ma tombe, comme moi avec mon père ». Il sera seul jusqu’à sa mort, il le sait. C’est une peine qui ne peut être quantifiée en nombre d’années.

Nous, observateurs, nous trouvons sans cesse émerveillés par cette tension, cet équilibre difficile qui consiste à considérer d’un côté l’abîme de l’individu seul, face au non moindre abîme du bouleversement sociétal que cet individu a généré. On se souvient des propos du procureur général Chabaud qualifiant ce procès de « pierre à l’édifice de ce que d’autres après nous bâtiront. » Convoquant le tribunal : « Par votre verdict, vous indiquerez que le viol ordinaire n’existe pas, vous indiquerez que le viol accidentel ou involontaire n’existe pas. Tu nous guideras dans l’éducation de nos fils. Et c’est l’éducation qui sera le moteur du changement. » Maître Zavarro a quant à elle rappelé une phrase prononcée par l’un des accusés, Adrien L. : « Mon pire ennemi, c’est moi. » Le diable, alors ? C’est peut-être lui qui est son pire ennemi.

 
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