Pays en développement et commerce international des matières premières

Le commerce international des matières premières ou des matières premières fait référence au commerce mondial des ressources naturelles, telles que les produits agricoles, les métaux, les minéraux, le pétrole, le gaz naturel et d’autres matières premières essentielles. Ce commerce joue un rôle central dans l’économie mondiale, car ces ressources sont nécessaires à l’industrie, à l’énergie et à la consommation quotidienne. Avec la colonisation et l’internationalisation du capitalisme, les pays en développement se sont spécialisés dans l’exportation de matières premières. Ils sont devenus dépendants et vulnérables. Comment le commerce des matières premières permet-il de dire que l’économie mondiale est organisée autour d’un « centre » dominant et d’une « périphérie » dominée ? Qu’en est-il de la détérioration de leurs termes de l’échange ? Quelle est la consistance de cette dépendance économique ?

La dépendance économique des pays en développement aux matières premières

Selon le CNCED, les matières premières représentent ces dernières années 20 à 25 % du commerce mondial. Lorsqu’ils représentent 60 % ou plus des recettes d’exportation de marchandises d’un pays, ce pays est considéré comme « dépendant des matières premières ». Bien que ce type de dépendance constitue un problème mondial, ce sont les pays en développement qui en souffrent le plus. La figure 1 ci-dessous montre clairement que la dépendance aux produits de base est prédominante en Afrique, en Amérique du Sud et en Océanie, suivies par l’Asie occidentale et l’Asie centrale. Ensemble, ces quatre régions représentent 85 des 101 États membres de la CNUCED dépendants des produits de base (84 %), dont près de la moitié sont situés en Afrique.

Figure 1 : Dépendance aux matières premières par région, 2019-2021 en %

Source : Secrétariat de la CNUCED, sur la base des statistiques de la CNUCED.

Selon le rapport de la CNUCED (2023) sur l’état de la dépendance aux produits de base, seuls 13 % des pays développés figurent sur la liste des pays considérés comme dépendants, dont l’Australie et la Norvège, tandis que 85 % des pays les moins avancés sont concernés. Sur les 195 pays membres de l’organisation, 95 sont classés comme pays en développement dépendant des exportations de matières premières. De plus, contrairement à la croyance populaire, les pays en développement ne sont pas plus riches en ressources naturelles que les pays développés. Dans le cas du pétrole, par exemple, en 2023, les principaux producteurs mondiaux sont dominés par les États-Unis, la Russie et l’Arabie saoudite, qui occupent respectivement les trois premières places : les États-Unis avec 13,3 millions de barils par jour, la Russie avec 10,3 millions de barils et Arabie Saoudite 8,95 millions de barils. Pour le blé, la Russie, les États-Unis et le Canada sont les trois principaux producteurs mondiaux. Quant à l’or, la Chine, la Russie et l’Australie en sont les principaux producteurs. D’autres exemples pourraient être cités.

Le centre, la périphérie et la détérioration des termes de l’échange

Le centre fait généralement référence aux pays développés, industrialisés et économiquement dominants, souvent situés en Europe occidentale, en Amérique du Nord et en Asie de l’Est. Ces pays disposent d’une technologie avancée, d’un capital financier important et d’une capacité de production diversifiée et à haute valeur ajoutée. La périphérie fait en grande partie référence aux pays en développement, souvent situés en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Ces pays ont des économies orientées vers l’exportation de matières premières et disposent d’industries embryonnaires peu diversifiées. Leurs exportations et leurs recettes budgétaires dépendent fortement de la production de matières premières ; destinés principalement aux marchés centraux. Les termes de l’échange sont définis comme l’indice des prix à l’exportation divisé par l’indice des prix à l’importation des biens.

Il s’agit donc d’un indice en base 100 pour l’année de référence. Son augmentation signifie que le pouvoir d’achat des exportations augmente et qu’il y a une amélioration des termes de l’échange. A l’inverse, une baisse de l’indice des termes de l’échange reflète une réduction du pouvoir d’achat des exportations et donc une dégradation des termes de l’échange. Dans un scénario de détérioration, les particuliers et les entreprises pourraient acheter de moins en moins de biens importés, ce qui entraînerait une baisse du niveau de vie du pays. Le graphique 2 ci-dessous illustre l’évolution des termes de l’échange du Sénégal. Ils se sont détériorés de 2002 à 2008, puis ont commencé à s’améliorer à partir de 2011. L’évolution des termes de l’échange du Sénégal dépend essentiellement de l’évolution des prix mondiaux du phosphate, de l’arachide et de l’or et surtout du pétrole. Ce dernier produit a un impact important sur l’amélioration des termes de l’échange lorsque le prix mondial du pétrole baisse. De même, lorsque le prix mondial du pétrole augmente, cela contribue de manière significative à la détérioration des termes de l’échange du Sénégal.

Graphique 2

Source : Banque mondiale/Perspectives mondiales Université de Sherbrooke, Québec, Canada

La Société des Nations (SDN) a publié en 1945 un ouvrage de recherche intitulé « Industrialisation et commerce extérieur ». On estime qu’entre 1875 et 1938, l’indice des prix des produits primaires a chuté de 43 % par rapport à celui des produits manufacturés. Ainsi, un pays exportant principalement des produits agricoles deviendrait donc plus pauvre que les pays producteurs manufacturiers, car il devrait vendre plus de produits agricoles qu’auparavant pour générer des revenus suffisants pour acheter le même nombre de produits facturés que par le passé. Les Nations Unies, qui ont succédé à la Société des Nations et ont poursuivi leurs travaux sur le commerce international, ont publié en 1949 un important ouvrage de recherche intitulé « Prix relatifs des exportations et des importations des pays sous-développés ». Elle a démontré la persistance de la détérioration des termes de l’échange entre pays riches et pays pauvres. Dans les années 1950 et 1960, les économistes Raul Prebisch (1901-1986) et Hans Singer (1910-2006) ont travaillé indépendamment sur la détérioration des termes de l’échange et sont parvenus aux mêmes conclusions : la détérioration des termes de l’échange est due différences de spécialisation entre les pays.

Selon eux, ce déclin ne peut être considéré comme un phénomène transitoire dû à un concours de circonstances passagères, mais plutôt comme une caractéristique intrinsèque des structures économiques du centre et de la périphérie et de la nature même du processus de développement. En un mot, la tendance à la détérioration des termes de l’échange au détriment des pays périphériques peut s’expliquer par au moins deux raisons. 1. La dynamique de croissance, et donc l’augmentation des revenus, entraîne une augmentation des importations plus importante en périphérie qu’au centre, ce qui entraîne une augmentation des prix des importations en périphérie par rapport aux prix des exportations et, par conséquent, une baisse des prix des importations. les conditions du commerce. 2. L’impact du progrès technique sur les pays centraux et périphériques est asymétrique.

Au centre, le progrès technique tend à réduire la demande de produits importés de la périphérie (la plupart des produits de base peuvent être remplacés par des produits de synthèse et les procédés deviennent moins chers en termes de matières premières). Au contraire, à la périphérie, le progrès technique tend à accroître la demande de capitaux et de biens intermédiaires produits par les pays centraux. Cela a également pour effet d’augmenter les prix des importations et donc de détériorer les termes de l’échange. On peut ajouter une troisième raison : la hausse plus rapide de la productivité et des salaires au centre augmente le prix relatif des produits importés de la périphérie. Toutefois, la détérioration des termes de l’échange n’est pas un phénomène spécifique aux pays en développement, comme l’illustre le graphique 3 ci-dessous pour les États-Unis. Ainsi, entre 2004 et 2015, nous avons assisté à une détérioration des termes de l’échange.

Graphique 3

Aujourd’hui, le modèle centre-périphérie semble un peu obsolète, sauf pour la plupart des pays africains au sud du Sahara, encore trop dépendants des exportations de matières premières. Le modèle centre-périphérie peut être considéré comme trop simpliste pour analyser la complexité des relations économiques actuelles, caractérisées par l’interdépendance croissante des économies et l’existence de chaînes de valeur mondiales. Par ailleurs, certains pays considérés comme périphériques, comme la Corée du Sud, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie ou la Malaisie, ont su transformer leur position grâce à des politiques industrielles stratégiques. Pour s’éloigner de ce modèle, l’Afrique gagnerait donc à s’inspirer des expériences asiatiques d’industrialisation, à commencer par la transformation partielle ou totale de ses matières premières sur place. C’est le seul moyen de garantir des emplois décents à des millions de jeunes désespérés.


À propos d’Amath NDiaye FASEG-UCAD

Le Pr Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un doctorat d’État en sciences économiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un doctorat de troisième cycle en économie du développement de l’université de Grenoble, (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique et du développement institutionnel. Il a été membre expert du comité directeur de la Commission de l’Union africaine pour la création de la Banque centrale africaine. Le Professeur Ndiaye est l’auteur de plusieurs publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il parle couramment le wolof, le français et l’anglais.

 
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