Chaque année, nous célébrons la Journée mondiale de lutte contre le SIDA avec l’espoir que les nouvelles s’amélioreront d’année en année et que des progrès considérables auront été réalisés vers l’éradication du virus de l’immunodéficience humaine. (VIH). Au cours des quatre dernières décennies, les progrès ont certes été vertigineux par rapport à d’autres maladies, mais il reste encore des obstacles à surmonter pour mettre fin à l’épidémie de VIH. Et, sans surprise, ces obstacles sont directement liés aux inégalités sociales, notamment en matière de santé et de droits humains.
Et aujourd’hui ?
Au niveau mondial, les données de l’ONUSIDA pour 2022 et 2023 restent stables : on estime que 39,9 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, 1,3 million de personnes sont infectées par le VIH chaque année et 630 000 personnes meurent chaque année de causes liées au sida. Par contre, au Québec, le portrait est différent. Avec 422 nouveaux cas déclarés en 2022, on constate une augmentation de 78% par rapport à l’année précédente. Plusieurs facteurs y contribuent, dont la réouverture des frontières et l’augmentation du nombre de dépistages par rapport aux années de pandémie de COVID-19.
Cependant, une constante demeure : les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) représentent l’un des groupes les plus touchés par le VIH avec près de 40 % des nouveaux diagnostics, dont 61 % des cas ont été découverts lors d’un premier dépistage. Que nous amènent à penser ces données ? On peut répéter ad vitam aeternam que l’absence d’éducation sexuelle dans les écoles et le manque de sensibilisation de la population en général sont des raisons évidentes, mais il faut aussi reconnaître qu’il y a un relâchement dans la communauté LGBTQ2+ par rapport à l’urgence et à la nécessité de lutter contre le VIH. Cela se reflète notamment dans le déclin constant de l’intérêt suscité par la Journée mondiale de lutte contre le sida, y compris au niveau international. Le VIH n’est plus à la mode et les jeunes générations ne se sentent pas
concernés, d’autant plus que le discours dominant suggère que le VIH n’est plus un problème grave parce qu’il existe des drogues. En effet, les traitements ralentissent la maladie devenue chronique. Au niveau préventif, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) vous évite de contracter le virus. Encore faut-il connaître son existence, y avoir accès et l’utiliser !
La PrEP existe depuis plus de 10 ans maintenant et réduit le risque de contracter le virus jusqu’à 97 %. Il s’agit donc d’une stratégie de prévention particulièrement efficace et constitue une avancée majeure en matière de prévention, mais son efficacité à réduire significativement la transmission du VIH est limitée par sa sous-utilisation. La sous-utilisation de la PrEP revient à ne pas utiliser un vaccin, s’il était disponible. C’est un échec de la santé publique.
Cependant, en l’absence de vaccin, la PrEP constitue un outil important pour contrôler l’épidémie d’infections par le VIH, mais plusieurs facteurs limitent son accès. Les tabous liés à la sexualité empêchent de nombreuses personnes d’en parler à leur médecin et vice versa. L’absence de cours sur les ITSS dans le cursus médical s’ajoute au manque de connaissances et au mal-être qui en résulte : plusieurs résidents en stage à Actuel voient un cas de syphilis pour la première fois ! Enfin, des problèmes financiers peuvent restreindre l’accès à la PrEP : refus de remboursement des compagnies d’assurance ou manque de moyens financiers pour couvrir les frais de la PrEP. À cet égard, Actuel a participé à des recherches démontrant que la gratuité de la PrEP réduit considérablement les barrières à son utilisation. À ce titre, la Grande-Bretagne a été un leader dans la gratuité de la PrEP depuis 2020, avec des résultats spectaculaires dans la réduction de la transmission du VIH. La PrEP est également gratuite dans six provinces canadiennes pour tous les résidents ou pour certaines populations à risque, qu’attend-on pour faire de même ? Les traitements liés au VIH et à sa prévention doivent être gratuits comme pour les autres IST. Réduire le nombre de nouvelles infections est essentiel pour réduire significativement l’épidémie, c’est donc un enjeu majeur de santé publique qu’il faut prendre en compte. Dans le contexte actuel de lutte contre le VIH qui présente de multiples défis, il est d’autant plus important d’aborder le problème de manière intégrée. Même si les données actuelles peuvent être inquiétantes, l’arrivée de nouvelles thérapies à long terme (à la fois thérapeutiques et préventives) offre des pistes prometteuses pour la gestion et la prévention des maladies. Aujourd’hui, les personnes vivant avec le VIH et les personnes sous PrEP consultent environ quatre fois par an, ce qui leur permet de faire leurs analyses de sang et de dépister les IST. Étant donné que la chlamydia et la gonorrhée ont augmenté respectivement de 11 % et 21 % en un an, il est essentiel que la santé publique, les médecins de première ligne et les organismes communautaires, déploie de toute urgence les mesures appropriées pour mettre en œuvre ces nouvelles thérapies de manière efficace et sécuritaire à partir d’un perspective de santé publique et de santé globale.
« Suivons le chemin des droits » est le slogan de la Journée mondiale de lutte contre le sida cette année. Droit à l’équité sociale, accès aux soins et non-discrimination, autant de facteurs qui nécessitent un engagement à long terme basé sur une approche multidisciplinaire. En ce sens, on ne peut qu’encourager la santé publique à jouer un rôle de premier plan dans ce processus, afin de garantir que le VIH et les ITSS deviennent une priorité et que les batailles gagnées ces dernières années, notamment en matière de réduction des risques, ne disparaissent pas en raison aux coupes budgétaires. C’est cet engagement qui permettra de respecter « la voie des droits ». À l’inverse, l’inaction conduira inévitablement à accroître les inégalités sociales et à affaiblir davantage des populations déjà très vulnérables.
Dr Réjean Thomas
Founder President and CEO Clinique Médicale l’Actuel
INFO | L’Actuel Medical Clinic, 1001 Boul. de Maisonneuve E office 1130 11th floor,
Montréal, QC H2L 4P9 / www.cliniquelactuel.com