Une COP29 « difficile », voire « douloureuse », qui s’est soldée par un accord « lamentable ». Plusieurs pays et groupes environnementaux n’ont pas mâché leurs mots au lendemain de l’accord financier conclu à Bakou, en Azerbaïdjan, à l’issue de la conférence de l’ONU sur le climat.
Je fais partie de ceux qui pensent qu’aucun accord ne vaut mieux qu’un accord qui nous fait reculer. Et c’était ma crainte à un moment donné lors de la conférence, a commenté le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, en entrevue. Je pense que nous avons réussi à sauver les meubles, mais nous n’avons pas fait beaucoup de progrès.
Un an après « l’accord historique » conclu lors de la COP28, les quelque 200 pays réunis cette année en Azerbaïdjan se sont mis d’accord dans les extrêmes améliorer le soutien financier des pays les plus riches aux pays en développement.
En revanche, ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une réduction supplémentaire des émissions de carbone. GES à l’échelle mondiale, ni pour avancer la question de la sortie du pétrole, du gaz et du charbon.
Si nous ne démontrons pas ensemble notre ambition de réduire la pollution, cela ne peut pas fonctionner. Et sur ce point, le résultat de la conférence de Bakou est décevant.
C’est comme un pansement sur une plaie béante alors que le monde saigne de plus en plus à cause des impacts du changement climatique.
s’illustre pour sa part la directrice générale du Réseau Action Climat Canada, Caroline Brouillette, rejointe à Bakou où elle a assisté aux négociations.
Le pays hôte critiqué
Mme Brouillette n’en est pas à sa première COP, mais celle-ci était particulièrement difficile
confie-t-elle. D’abord parce que les pays développés, dont le Canada, se sont présentés sans mettre de chiffres sur la table
pour le nouvel accord de financement. L’Azerbaïdjan était également mal préparé
et manquait cruellement de leadership, ajoute-t-elle, rappelant que ce pays est un défenseur avoué des énergies fossiles.
Il est inquiétant d’entendre une présidence dire que le pétrole et le gaz sont un don de Dieu. [L’Azerbaïdjan] a utilisé son rôle pour réduire l’ambition et même diluer les gains réalisés l’année dernière à Dubaï [lors de la COP28].
Nous avons parfois eu l’impression que le gouvernement de l’Azerbaïdjan était davantage là pour faire valoir ses intérêts plutôt que de jouer un rôle de facilitateur ou d’arbitre pour créer des ponts entre les positions des différents pays.
ajoute le ministre Steven Guilbeault.
Aux yeux d’Andréanne Brazeau, analyste politique principale à la Fondation David Suzuki, la COP29 a miné la crédibilité du régime climatique international
. Critiquant le nombre disproportionné de lobbyistes pétroliers et gaziers présents à la conférence, elle estime que le Canada et le reste de l’Occident ont abandonné le reste du monde
.
Si le Canada n’a pas réussi à faire preuve de leadership à Bakou, il doit le faire rapidement chez lui en proposant un objectif équitable pour 2035, en accélérant l’adoption des mesures climatiques actuellement sur la table et, bien sûr, en augmentant sa contribution au financement climatique mondial.
fait valoir Mme Brazeau.
En détails
Les pays présents à la COP29 ont eu besoin de deux nuits supplémentaires pour parvenir à un accord. Au terme de ce marathon pour le moins houleux, ils se sont mis d’accord pour augmenter l’aide versée aux pays en développement, accablés entre autres par les vagues de chaleur et les sécheresses successives.
D’ici 2035, des pays comme le Canada, les États-Unis et la France, considérés comme des pollueurs historiques, devront fournir au moins
300 milliards de dollars par an aux pays les plus pauvres. Ce montant est actuellement de 100 milliards de dollars par an.
Cette somme, qui peut être versée sous forme de prêts ou de dons, doit être utilisée pour la transition énergétique et l’adaptation aux effets du changement climatique dans les pays du Sud. Cela s’inscrit également dans un objectif global de 1 300 milliards de dollars par an mentionné dans l’accord.
Le montant de 300 milliards peut paraître élevé, mais les pays en développement estiment leurs demandes entre 500 et 1 300 milliards de dollars par an. Une lecture partagée par des experts mandatés par leLUI.
Trop peu selon les pays
Le montant proposé est pitoyablement bas. C’est ridicule
a lancé le délégué indien Chandni Raina. Même son de cloche du côté du délégué du Kenya, Ali Mohamed, s’exprimant au nom de plusieurs pays africains.
Nous sommes vraiment déçus. Il s’agit d’un accord très difficile à accepter pour les pays en développement
» a affirmé sur place, au micro de Radio-Canada, Namrata Chowdhary, responsable de l’engagement public de 350.org, un organisme qui milite pour l’usage des énergies vertes à travers le globe.
Les pays pauvres et les petits États insulaires sont à l’avant-garde du changement climatique qu’ils n’aient pas causé
vulnérables à l’augmentation des catastrophes naturelles. Et pourtant, leurs voix n’ont pas été entendues, déplore Mme Chowdhary. Ils ont été poussés contre le mur, contraints d’accepter un accord qui ne leur permettra pas de s’adapter au changement climatique tout en se détournant des énergies fossiles, selon elle.
De son côté, Mariana Paoli, de l’organisation Christian Aid, regrette le manque de clarté sur l’enveloppe promise de 300 milliards d’ici dix ans. Quelle part proviendra de fonds publics et de subventions plutôt que de prêts ? C’est en quelque sorte une promesse vide
a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse.
L’accord de Bakou prévoit que les financements climatiques destinés aux pays non développés accordés par les banques multilatérales de développement pourront désormais être comptabilisés dans l’objectif de 300 milliards.
Le texte précise également que les contributions financières restent bénévoles
: La Chine, premier pollueur mondial, refuse de se soumettre aux mêmes exigences que les pays développés au nom de leur responsabilité historique.
Avec les informations d’Elisa Serret et de l’Agence France-Presse