“Tic-tac, tic-tac.” Nathalie Fradet a eu l’impression d’entendre le minuteur d’une horloge lorsqu’elle a reçu, en 2021, l’annonce de son diagnostic de myélome multiple, un cancer du sang. « De toute évidence, l’oncologue – tic-tac, tic-tac – avait beaucoup de monde à traiter dans sa journée », dit-elle.
La réunion a duré une vingtaine de minutes. Elle a reçu des « explications très cliniques » de son médecin spécialiste, « un scientifique extraordinaire, mais pas l’homme le plus chaleureux de la planète », selon elle.
“Voici ce que c’est, voilà ce que ça fait, voilà ce qu’on va faire”, résume la femme de 58 ans. L’oncologue m’a dit : « Si tu veux plus d’informations, tu peux aller sur le site de Myélome Canada. » »
C’est dans un tract de cette organisation qu’elle apprend que sa maladie est incurable. «Je comprends qu’il y a peut-être des gens qui n’ont pas envie de tout savoir d’un coup», précise Nathalie Fradet. Mais je pense que c’est ce que demande un patient : à quel point voulez-vous connaître tous les détails ? » Elle aurait aimé plus « d’empathie, de compassion et un peu de compréhension » de sa réalité.
Nathalie Fradet souffre de la maladie de Crohn depuis 36 ans. Ses médicaments « commençaient » à agir : elle n’avait plus de « crises continues ». L’annonce de son cancer a “tué” tout “espoir” de mettre un terme à sa carrière “sans être trop malade”.
Un cours 201 en « mauvaises nouvelles »
Nathalie Fradet partage désormais son expérience devant des professionnels de santé. Elle participe à une formation sur les « mauvaises nouvelles » conçue par le radio-oncologue Israel Fortin et d’autres médecins.
Il s’agit en quelque sorte d’un cours 201, après le « 101 » appris à l’université (regarder le patient dans les yeux, être près de lui, lui laisser du temps et avoir à portée de main une boîte de mouchoirs).
La formation vise à nous faire faire une introspection sur ce que nous faisons et ce que nous pourrions améliorer.
Le Dr Israel Fortin, radiation oncologist at Maisonneuve-Rosemont hospital
Selon le Dr Fortin, qui travaille à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, il faut laisser place à l’émotion au moment d’annoncer une « mauvaise nouvelle ». Il a parfois « la larme à l’œil, les yeux dans l’eau » lorsqu’il doit signaler une récidive à un patient.
En ces temps difficiles, le « non verbal » du professionnel est important, plus que les mots, estime le Dr Fort. « C’est ce qui va sceller l’alliance avec le patient. Il sentira que nous ne faisons qu’un dans cette situation et que nous sommes avec lui. »
Un médecin qui fait des câlins
Depuis une douzaine d’années, la radio-oncologue Carole Lambert fait un « câlin » à la plupart de ses patients à la fin de ses rendez-vous, qui peuvent durer 75 minutes.
«C’est magique!» », raconte le médecin spécialiste du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), qui a conçu la formation avec le Dr.r Fort. « J’ai vu les liens avec mes patients changer lorsque j’ai commencé à ouvrir la porte. »
Elle cite l’exemple d’un patient « grincheux ». « À un moment donné, il m’a dit : ‘Ça y est, docteur, vous ne pouvez rien faire pour moi.’ Il était dans le négatif. Je lui ai dit : « Ce n’est pas vrai », puis je me suis levé, j’ai ouvert les bras et j’ai dit : « Je peux te faire un câlin. Cela l’a projeté au sol. »
N’est-ce pas trop proche ? « Un câlin peut quand même être très professionnel », répond-elle.
Être professionnel ne signifie pas être froid et stupide. Cela signifie simplement faire son travail avec rigueur, avec humanité, avec toute l’éthique nécessaire et être juste, savoir ce qu’on a à faire, faire de son mieux.
Le Dconcernant Carole Lambert, radio-oncologue au CHUM
Le Dconcernant Lambert avoue être « extrême ». Elle reconnaît que le système de santé met « beaucoup de pression » sur les médecins pour qu’ils « aillent vite ». Ses élèves apprennent un principe de base : « ce qui est important avec le patient ce n’est pas de trouver la bonne distance pour se protéger, c’est de trouver la bonne proximité pour pouvoir l’aider au mieux et ne pas se laisser envahir par trop de choses ». tristesse vous-même.
Faire preuve d’empathie et d’humanisme «ne coûte pas cher au système de santé», affirme Eva Villalba, directrice générale de la Coalition priorité cancer au Québec. Mais une annonce faite de « manière détachée, froide et rapide fait mal » et « ajoute au traumatisme ».
Pour ceux qui ne sont pas à l’aise pour montrer leurs émotions, le Dr Fortin suggère de « s’allier » à une infirmière pivot lors de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle ». Nathalie Fradet les invite à « écouter » à tout moment leurs patients, « les experts de leur corps ».
Trois ans après son diagnostic, elle ressent toujours de la fatigue et des douleurs. Mais grâce à une greffe de cellules souches, aucune cellule cancéreuse n’a été détectée dans son sang. «Ça pourrait revenir à tout moment», murmure la mère d’une jeune fille de 23 ans. Cela peut revenir avec plus de force. J’essaie d’en profiter. »
Médecin et patient à la fois
Le Dr Jean-Pierre Routy, spécialiste en hématologie-oncologie au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), a reçu un diagnostic de cancer de la prostate en 2022. A-t-il été « plus humain » avec ses patients depuis ? « Probablement » avec certains ayant un problème de santé similaire au sien, estime-t-il. «J’ai vraiment un lien avec les hommes qui ont subi une opération de la prostate», note l’auteur du livre. Prostate intrigante : un médecin face à son cancer (Flammarion, 2024). Le Dr Routy comprend mieux ce que ressentent ses patients lors des tests, des radiographies, des scanners et des examens d’imagerie par résonance magnétique. «C’est beaucoup plus difficile ou douloureux que je ne le pensais», note-t-il. J’attends aussi les résultats. « La fatigue dure aussi plus longtemps que je ne l’imaginais. »
Apprendre encore plus
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- Deux sur cinq
- Proportion approximative de Canadiens qui recevront un diagnostic de cancer au cours de leur vie. Quelque 127 100 hommes et 120 000 femmes auront reçu un diagnostic de cancer en 2024.
Source : Société canadienne du cancer