Ottawa doit comprendre que le protectionnisme est bien accueilli par les Américains, affirme l’ambassadrice Kirsten Hillman. Plutôt que de le critiquer, il faut tenter de convaincre la Maison Blanche que des mesures protectionnistes contre le Canada auraient des effets délétères sur l’économie américaine.
Cela ne crée pas d’emplois, cela élimine des emplois ; ça ne crée pas d’efficacité, ça rend les choses plus chères
dit Kirsten Hillman dans une interview à l’émission Dans les coulisses du pouvoir. L’ambassadrice canadienne a martelé ce message à chaque ami proche de Donald Trump qu’elle a croisé lors de ses nombreux déplacements ces derniers mois.
Une politique protectionniste qui dit : « Si nous n’introduisons pas ces produits, nous créerons des emplois ici aux États-Unis », c’est une politique tout à fait compréhensible envers les électeurs. […]. C’est populaire depuis des années.
Durant sa campagne électorale, Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 10 % sur tous les produits importés à destination des États-Unis. Il a évoqué l’idée qu’il pourrait mettre en œuvre ces mesures dès son arrivée à la Maison Blanche.
De ce côté-ci de la frontière, ce risque a de quoi donner le vertige. Dans un rapport de la Chambre de commerce du Canada publié le mois dernier, des économistes estiment qu’une telle mesure aurait des effets négatifs considérables sur l’économie. Certains experts estiment même que cela pourrait provoquer une récession.
Face à cette menace, l’ambassadeur Hillman se veut rassurant et estime qu’il faut avant tout s’appuyer sur des faits.
Elle souligne que depuis la mise en œuvre du dernier accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), en 2018, presque tous les droits de douane entre les deux pays ont été éliminés et les échanges commerciaux ont augmenté. atteint des niveaux historiques.
Le nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) a été signé en 2018 à Buenos Aires, en Argentine, par le président du Mexique, Enrique Pena Nieto (à gauche), le président des États-Unis, Donald Trump (au centre) et le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau (à droite). (Photo d’archives)
Photo : AFP/Getty Images / Saul Loeb
En 2023, près de 77 % des exportations canadiennes étaient destinées aux États-Unis. La valeur des échanges commerciaux entre le Canada et son voisin du sud a atteint 1,3 billion de dollars la même année.
Nous avons beaucoup à apporter à un gouvernement Trump car il s’intéresse beaucoup à l’économie.
explique Kirsten Hillman. C’est une question réelle et concrète, qui montre que les tarifs douaniers entre nos deux pays n’aboutissent pas aux résultats escomptés.
ajoute le diplomate canadien, en poste à Washington depuis 2017 et ambassadeur depuis 2020.
Selon Mme Hillman, le travail de persuasion et discussions détaillées
ne se joue pas à Washington ou à New York, mais sur le terrain, là où les entreprises canadiennes créent des emplois, comme au Texas, en Caroline du Sud et en Virginie occidentale.
Nous devons pénétrer dans ces communautés et leur montrer comment cette relation très ouverte avec le Canada conduit à de bons résultats économiques.
Si elle se veut rassurante face à la menace des droits de douane et se dit convaincue que le Canada mieux placé que quiconque
Pour se défendre, l’ambassadrice Hillman admet qu’elle n’a pas réponse à tout.
Qu’est-ce que cela signifie et comment cela va-t-il se dérouler ? Nous ne le savons pas encore. Cela peut se produire de manière très positive ou […] que [peut être] un peu tendu pendant un moment. Nous verrons.
Les Américains – et M. Trump en particulier – respectent les pays qui se respectent les uns les autres, et nous sommes un pays fort et confiant, et nous devons le démontrer.
a ajouté Mme Hillman.
Une révision de l’accord Canada-États-Unis-Mexique est prévue pour juin 2026. Donald Trump a promis de profiter de l’occasion pour défendre les intérêts des Américains. Cette perspective inquiète le milieu des affaires canadien.
Selon l’ambassadeur Hillman, le travail entre les trois pays commencera par un examen de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Nous ne devrions pas avoir peur d’une conversation avec les Américains sur le commerce entre nos deux pays.
Pour le Canada, notre économie entretient d’énormes relations et tire d’énormes avantages de ce commerce avec les États-Unis. Si nous voulons vraiment garantir que cela continue, nous devons avoir une discussion avec eux chaque fois qu’ils le souhaitent.
Mme Hillman a également participé au premier appel entre Justin Trudeau et le président élu mercredi. Les deux hommes ont discuté de l’accord de libre-échange et des tarifs imposés par le Canada et les États-Unis sur les véhicules électriques chinois.
Une question de respect
Concernant la relation personnelle entre Donald Trump et Justin Trudeau, l’ambassadeur est clair : malgré les propos parfois incendiaires de Donald Trump à l’encontre du premier ministre, les deux dirigeants s’entendent bien.
En 2018, après une réunion du G7, Donald Trump a qualifié Justin Trudeau sur Twitter de leader faible et malhonnête
. En 2020, il a ouvertement critiqué la gestion de la pandémie par le gouvernement Trudeau, qu’il a qualifiée de la tyrannie s’est réveillée
.
[Donald Trump] peut dire des choses provocatrices, mais il faut faire attention à ce qu’il fait […]. J’ai été avec M. Trump et M. Trudeau à plusieurs reprises et je peux dire aux Canadiens et aux Québécois qu’ils entretiennent de très bonnes relations. C’est franc et clair : ils parlent de l’objectif commun.
Il y a du respect, il y a de l’ouverture. Ils se parlent très franchement
ajoute-t-elle.