En 1966, le neurochirurgien Jules Hardy est appelé au chevet d’un patient un peu particulier, le lion Cato du Jardin des Merveilles de Montréal.
Depuis six mois, le responsable des animaux exotiques de ce zoo situé au milieu du parc Lafontaine a remarqué que le lion avait de la difficulté « à courir et surtout à sauter à l’aide de ses pattes postérieures », peut-on lire dans l’article scientifique publié dans le Journal de l’Association canadienne des radiologistes.
Avec son équipe, Jules Hardy examinera et soignera le lion de deux ans « né d’une mère africaine et d’un père sud-américain » qui « est une star de la télévision bien connue des enfants ».
Le lionceau du Jardin des Merveilles est né en captivité et le directeur du zoo, Désiré Aerts, le déplaçait dans sa Volkswagen. Source : Archives de Radio-Canada
Radio-Canada
C’est à l’hôpital Notre-Dame que le patient est anesthésié et placé sur la table d’opération.
L’article du Journal de l’Association canadienne des radiologues où parut l’article sur le lion du Jardin des Merveilles, en 1966.
MME
Diagnostiquer l’attaque
Le but de l’intervention n’est pas de sauver l’animal, mais de diagnostiquer les lésions neurologiques. D’ailleurs, deux mois après avoir été en salle d’opération, le lion « a toujours survécu et est toujours en assez bonne santé ».
L’article trouvé par La Revue au bout d’un couloir de la bibliothèque santé de l’UdeM décrit, en français, les lésions d’ostéoporose du lion qui ont causé sa paralysie.
En 1962, le Dr Jules Hardy introduit au Canada une technique d’exploration électrophysiologique par enregistrement à l’aide de microélectrodes, qui fait de lui un pionnier de la neurochirurgie. Collection photos Denis Goulet
Denis Goulet
Le pauvre félin, comme beaucoup d’autres animaux du zoo, manquait cruellement d’espace pour faire de l’exercice, provoquant ainsi un vieillissement prématuré.
La publication de ce cas aurait «contribué à améliorer la condition des animaux sauvages gardés en captivité», peut-on lire dans un site consacré à l’histoire de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, où il a longtemps enseigné.
Les lions en captivité (ici au zoo de New York en 1900) souffraient de problèmes neurologiques causés par leur manque d’exercice.
Domaine public
L’article a en effet permis de développer un « programme d’exercices physiques hors cage associé à un régime nutritionnel complémentaire en os et en calcium, pour contribuer à prévenir les déformations vertébrales, fréquemment rencontrées chez les jeunes animaux confinés. en cage dans les zoos du monde entier.
Hôpital Notre-Dame de Montréal en 1966 sur la rue Sherbrooke. Source : LP Meunier, Archives de la Ville de Montréal
Montréal
Très fier
L’opération Cato Lion n’est qu’une anecdote dans la carrière du D.r Hardy, qui est entré dans l’histoire pour avoir développé une technologie de pointe permettant d’agir sur le cerveau des malades sans ouvrir le crâne. Ayant lui-même réalisé 3000 interventions cérébrales, il a reçu de nombreux prix nationaux et internationaux pour sa contribution aux neurosciences.
Salle d’opération de l’hôpital Notre-Dame de Montréal en 1966. Source : BAnQ
BAnQ
«Il était très fier de cet article dont il me parlait lors de nos rencontres», commente l’historien Denis Goulet, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la médecine au Québec, dont le plus récent porte sur la recherche biomédicale. au Québec.
Le Dr Gérard Guiot (à gauche), qui a initié le Dr Hardy (à droite) à une approche chirurgicale des tumeurs hypophysaires à l’hôpital Foch, en France, le félicite après 25 ans de ce type d’intervention à Montréal en 1987. Source : Journal of neurosurgery.
Journal de neurochirurgie
Même si c’était bien avant l’époque où le bien-être animal était une préoccupation dans les laboratoires de recherche biomédicale, le Dr.r Hardy trouvait dommage que les animaux du zoo souffrent de diverses affections liées à leur captivité.