on a vu Furiosa, et c’est bien le nouveau chef-d’œuvre de la saga Mad Max

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2024 du Festival de Cannes, en partenariat avec Métal hurlant. Et il est temps de revenir à Furiosa : Une saga Mad Maxla préquelle tant attendue de Route de la fureur de George Miller, présenté hors compétition.

Métal Hurlant nous accompagne à Cannes cette année, dans notre exploration des diverses sélections du festival. À travers des récits de bandes dessinées et des articles sur l’actualité culturelle, Métal Hurlant développe avec éclectisme, à raison de quatre numéros par an, un imaginaire sans limites. Une ligne éditoriale totalement en adéquation avec la soif d’expérimentation et de découverte du Festival de Cannes.

Neuf ans après le monument Mad Max : La route de la fureurdéjà présenté à Cannes hors compétition, George Miller est de retour avec Furiosa, un préquel sur le personnage de Charlize Theron, interprété cette fois par Anya Taylor-Joy, accompagnée de Chris Hemsworth. On espérait que le cinéaste australien poursuivrait sur sa lancée de chefs-d’œuvre après 3000 ans t’attendent. Nous avions raison d’espérer.

Furiosa n’est pas Fury Road, et c’est une bonne chose

De quoi s’agit-il ? Durant sa jeunesse, Furiosa fut arrachée à la Terre Verte par les fidèles du redoutable Dementus, bien décidés à prendre le contrôle de la Désolation. Face à Immortan Joe, Furiosa tente de survivre pour se venger.

Comment était-ce ? Pour l’auteur de ces lignes, Mad Max : La route de la fureur n’est pas seulement un grand film. C’est une œuvre fondatrice, une de celles qui marquent son époque, et la cinéphilie de ceux qui ont pu croiser sa route. Si ce projet de prequel avait tout pour passionner depuis son annonce, la moindre baisse de régime par rapport à son modèle aurait pu se transformer en un contrecoup cinglant et disproportionné.

Sans doute conscient de cet enjeu, George Miller a abordé cet appendice de la meilleure façon possible. D’un côté, Furiosa s’inscrit visuellement et thématiquement dans la folle continuité de Route de la fureur, au point où quelques secondes suffisent pour accepter Anya Taylor-Joy (grande intensité) dans le rôle du futur Imperator. Dans l’un de ses principaux morceaux de bravoure (une poursuite autour d’un fourgon blindé), le film convoque le meilleur du quatrième opus et le point culminant de Mad Max 2avec une inventivité à couper le souffle.

Anya Taylor-Joy était le casting parfait

En revanche, le cinéaste continue de prendre le contrepied de son précédent épisode. Là où Route de la fureur était dû à sa temporalité réduite et à la frénésie de ses allers-retours ininterrompus, Furiosa est une véritable épopées’étendant sur plusieurs décennies à travers des chapitres hérités des contes de 3000 ans t’attendent.

George Miller avait déjà fait de son héroïne une Valkyrie de l’Apocalypse. Il est logique qu’il le situe dans une saga, au sens originel du terme (récit fictionnel et mythologique nordique). Cette fois, c’est aussi un History Man, un vieux sage au savoir encyclopédique, qui se charge de nous raconter l’histoire de la guerrière, et sa quête de vengeance mûrie au fil des années.

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Soyez à la hauteur

Cette longue période, apparemment moins galvanisante que l’hyperactivité de Route de la fureur, s’avère pourtant indispensable pour saisir toute la tragédie du voyage de Furiosa, et sa manière de synthétiser celle de toute la Désolation (ou Wasteland en VO). De ce côté, Miller revient sur l’exubérance cosmique dePieds heureux 2relier l’infiniment grand et l’infiniment petit dans un travelling de l’espace au désert australien.

C’est l’autre aspect esthétique fondamental du long-métrage. Route de la fureur était une œuvre d’horizontalité, où la ligne entre ciel et terre dessinait le contour des mythes et des destins au cœur d’une page blanche (enfin, jaune et bleue). Furiosa est, quant à lui, beaucoup plus verticalrempli de dunes que les véhicules tentent tant bien que mal de gravir.

On connaît George Miller pour ses relectures savantes des symboles mythologiques. Si une pomme de la Terre verte déclenche l’élément perturbateur du récit, cette scénographie de l’ascension rappelle avant tout Sisyphe et son rocher, voué à toujours retomber au pied de sa montagne. Dans cet environnement désolé, privé de biosphère, les transferts d’énergie ne sont plus naturels. Tout n’est que violence et châtiment, cycles insatisfaisants de vie et de mort dont les justifications finissent par être oubliées, au point que Miller fait le choix volontairement décevant de résumer un élément majeur de sa chronologie dans un court montage.

Furiosa : Une saga Mad Max : Chris HemsworthFuriosa : Une saga Mad Max : Chris HemsworthMad Max : Dune du Pilat

C’est là que réside le véritable carburant (sans jeu de mots) de ce geste cinématographique. Si le Wasteland reflète un néant spatial, c’est peut-être pour mieux projeter l’importance du temps qui le traverse. C’est le véritable cycle, la véritable biosphère de ce territoire : sa capacité à générer des histoires et des mythespour faire courir une imagination à toute vitesse qui vous étonnera par son sens du détail.

Bien sûr, Furiosa aime amplifier de nombreux éléments de Route de la fureur (dont Bale Farm et Petroville, évoqués uniquement dans le film précédent), mais il ne s’agit pas seulement de braquer les projecteurs sur le hors-champ du passé. Ces images créent à leur tour d’autres angles morts, dans un assemblage vertigineux de poupées gigognes. Immortan Joe, Rictus et le Man Eater sont là, et soulignent aussi à quel point les relations de pouvoir – autre élément vertical – ne sont pas si différentes de celles de Route de la fureur. Ce qui se dévoile, en revanche, c’est la désillusion progressive de son héroïne à l’égard de l’espèce humaine.

Furiosa : bande-annonce de FuriosaFuriosa : bande-annonce de FuriosaBrûlez tout

Immortel George

Un travail moins féministe que nihiliste, le long métrage fascine par sa façon d’embrasser sa nature de préquelle désenchantée, surtout quand on sait que l’objectif de Furiosa (retour à la Terre verte) est voué à l’échec. Par une idée visuelle géniale qui rattrape le film suivant, une carte des étoiles, boussole spatiale et morale du personnage, finit par être abandonnée.

C’est peut-être aussi pour ça que La mise en scène de Miller évolue, tout en continuant d’affiner la concurrence dans le domaine du grand spectacle (le seul bémol est que Junkie XL n’a pas fait de son mieux pour renouveler la musique du film précédent). Le sens du découpage et du montage du réalisateur reste toujours aussi précis et nerveux, mais les outils numériques lui permettent également de réaliser quelques plans plus longs, où la caméra tournoie autour des protagonistes pour en faire le centre de gravité de l’action.

Furiosa : Une saga Mad Max : photoFuriosa : Une saga Mad Max : photoNe t’inquiète pas, ça fait toujours bang bang vroom vroom

En les plaçant plus que jamais dans l’immensité du désert qui les entoure, de nombreuses questions émergent : comment trouver sa place dans un espace qui n’a plus rien à offrir ? Comment écrire sa légende dans le néant ? En fin de compte, ces âmes qui se battent pour donner un sens à leur existence ne sont-elles pas toutes « déjà mortes » ? Cette expression merveilleuse, prononcée par le méchant Démentus, inscrite Furiosa dans un désespoir accablant. Pas étonnant que Chris Hemsworth se porte bien avec son rôle de motard sanguinaire et histrionique. En tapant du pied d’un bord à l’autre du cadre, il est contraint, comme tout le monde, à l’introspection.

De retour à l’infiniment petit après avoir développé son univers, George Miller compose un final d’une intimité époustouflante. Sisyphe est de nouveau au pied de la montagne, et pour déformer les propos d’Albert Camus, il est difficile d’imaginer Furiosa heureux. Mais que reste-t-il, sinon de tenter encore et encore de gravir le sommet, ou de s’échapper à bord d’un War Rig ? Une chose est sûre, il faudra encore beaucoup de visionnages pour ne serait-ce qu’apprécier la richesse du nouveau chef-d’œuvre de George Miller.

Et quand sort-il ? En France, le film sort en salles le 22 mai.

 
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