L’arrivée de QUB Radio a suscité des plaintes

L’arrivée de QUB Radio a suscité des plaintes
L’arrivée de QUB Radio a suscité des plaintes

(Montréal) L’entrée de Québecor à la radio FM montréalaise ne se fera pas sans opposition.

Pierre Saint-Arnaud

La Presse Canadienne

La Presse Canadienne a appris que le changement de vocation de CJPX-FM, maintenant connue sous le nom de 99,5, fait l’objet de plaintes au CRTC, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Depuis le 26 août, le 99,5 diffuse la programmation de QUB radio, une propriété de Québecor qui diffusait jusqu’alors son contenu radiophonique sur Internet et à la télévision.

Le CRTC a déjà interdit à Québecor d’entrer sur le marché FM de Montréal à plus d’une reprise, notamment en 2003, lorsque Québecor a tenté d’acheter CKAC et d’autres stations affiliées. En 2008, l’organisme a adopté un règlement interdisant à une même entreprise de posséder des journaux, des stations de télévision et des stations de radio dans le même marché.

Le CRTC confirme

« Nous pouvons confirmer avoir reçu des plaintes concernant CJPX-FM Montréal », a écrit le CRTC à la suite d’une demande en ce sens de La Presse Canadienne. L’organisme refuse toutefois de préciser le nombre de plaintes reçues, leur nature et l’identité des plaignants, indiquant que ces plaintes ne sont pas publiques. On a toutefois appris d’une Source bien au fait du dossier, mais non autorisée à parler aux médias, que le principal concurrent de CJPX, Cogeco, propriétaire du 98,5 FM, ne figure pas parmi les plaignants.

Pour l’instant, le CRTC reste muet sur les détails, affirmant qu’il « examine les problèmes portés à son attention » et, si nécessaire, « prend les mesures appropriées pour s’assurer que les entités réglementées mènent leurs activités ». […] conformément aux conditions de service relatives à leurs licences de radiodiffusion. » Il rappelle également au passage que « le CRTC est un tribunal quasi judiciaire indépendant qui réglemente le secteur des communications au Canada dans l’intérêt public. »

Puzzle inédit

L’arrivée de QUB radio sur les ondes du 99,5 représente toutefois un casse-tête sans précédent pour le CRTC. Québecor se retrouve en effet à faire son entrée sur le marché FM sans avoir acheté la station de radio, faisant ainsi indirectement ce que le CRTC lui avait interdit de faire directement. La station appartient à Leclerc Communication, qui l’a acquise en 2020. Leclerc avait alors demandé et obtenu que la licence de ce qui était jusqu’alors une station de classique soit modifiée pour devenir une « formule musicale grand public (Musique alternative adulte – Triple A et Adulte contemporain) ».

En vertu de cette licence, 99,5 est tenue de diffuser une majorité d’heures de musique vocale de langue française au cours de la semaine, la semaine étant calculée, selon les règles du CRTC, de 6 h à minuit du dimanche au samedi.

Comme la radio parlée de QUB n’est diffusée que de 6 h à 18 h, cinq jours par semaine, le 99,5 respecte pleinement ses conditions de licence, affirme son directeur général et directeur de la programmation, Benoît Simard : « C’est pourquoi nous continuons de diffuser de la musique après 18 h en semaine et toute la fin de semaine. Cela nous assure de respecter cette licence, qui était à l’origine destinée à la musique vocale francophone. Nous respectons donc pleinement la licence du CRTC à ce stade-ci. »

Qui contrôle la programmation ?

Sur quelle base, à ce stade, pourrait-il y avoir des plaintes ? Sur la base de subtilités juridiques, selon M.et Pierre Trudel, professeur spécialiste en droit des médias à l’Université de Montréal : « Quand l’entreprise a une licence, elle est censée avoir le contrôle sur sa programmation, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas déléguer le contrôle à quelqu’un d’autre. Autrement dit, si j’ai une licence, je ne peux pas dire : tu t’occupes de faire la programmation et tu contrôleras tout. »

C’est sur cette question du contrôle des produits que le débat se durcit. Benoît Simard soutient que Leclerc n’a cédé aucun contrôle : « On garde le contrôle sur notre programmation. Le fait que Mario Dumont (le nouvel animateur du matin au 99,5) soit à l’antenne du matin, c’est en grande partie notre démarche, notre demande et notre proposition de grille. »

Identifier le lien hiérarchique

Or, selon Pierre Trudel, cette notion de contrôle, d’un point de vue juridique, va bien au-delà de la définition donnée par Me Simard : « Parmi les questions que le CRTC pourrait poser pour remettre en question l’affirmation de Leclerc selon laquelle il contrôle pleinement la programmation, il y a celle de la hiérarchie. Contrôler la programmation revient en effet à avoir un pouvoir hiérarchique sur l’animateur », explique l’avocat.

« Si un animateur déraille en ondes, il faut que quelqu’un, quelque part dans la direction, puisse le ramener à l’ordre. Est-ce qu’ils ont ce pouvoir-là ? Est-ce qu’il y a un tel lien de subordination entre les individus, les animateurs et la compagnie Leclerc, ou est-ce que ce lien de subordination a lieu et existe entre QUB et les animateurs ? C’est une question qui se pose », suggère Pierre Trudel.

Le patron est QUB

Toutefois, interrogé plus spécifiquement sur cette question, Benoît Simard ne s’en cache pas : « La patronne de Mario Dumont, Isabelle Maréchal, et tout ça, ça reste les gens de QUB et de Québecor. On a approché les gens de QUB pour acheter leur contenu qu’on diffuse sur nos ondes entre 6 h et 18 h en semaine. »

Pourrait-il intervenir directement auprès d’un animateur en cas de problème ? « Non, on passe par QUB. Il demeure un employé de QUB. » Il semble aussi évident que Leclerc n’aurait pas les moyens, de toute façon, de payer les salaires d’un tel groupe d’animateurs vedettes. L’entente commerciale entre Leclerc et QUB prévoit que Leclerc paie pour le contenu de QUB et perçoit les revenus publicitaires sans partage. Québecor, de son côté, profite de la promotion de son produit sur les ondes FM, comme elle le souhaite depuis longtemps.

« Sortez le CRTC du coma »

Le CRTC va-t-il intervenir ? Pierre Trudel en doute fortement : « Le CRTC, depuis une quinzaine d’années, traîne les pieds sur à peu près tout. Alors forcément, il est peut-être un peu mal placé, maintenant, pour commencer à sortir de son coma. »

« Ils ont pratiqué une politique de désengagement au cours des dernières décennies et nous voyons à quoi cela a conduit ici. […] et à partir du moment où ils ont décidé de ne pas réglementer des activités comme celles qui se déroulent sur Internet, c’est un peu difficile d’être trop pointilleux sur ce qui se passe sur la bande FM, je pense », conclut l’avocat.

 
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