Libéré cet été dans le cadre d’un vaste échange de prisonniers, l’opposant russe Vladimir Kara-Murza était l’invité mardi du journal télévisé de 19h30 avec sa femme militante Evgenia. Tous deux ont partagé leurs espoirs d’un Etat démocratique en Russie dans un avenir proche.
Vladimir Kara-Murza, l’un des prisonniers politiques les plus tristement célèbres de Russie, a été libéré le 1er août dans le cadre d’un échange de prisonniers historique entre Moscou et l’Occident. Il purgeait une peine de 25 ans de prison dans une colonie pénitentiaire sibérienne pour « trahison » après avoir condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
>> Lire l’article sur l’échange de prisonniers : Moscou et l’Occident s’entendent sur un échange de prisonniers à grande échelle, dont le journaliste Evan Gershkovich
« Ces dernières semaines, j’ai l’impression de regarder un film. Jusqu’à récemment, j’étais absolument convaincu que j’allais mourir dans cette prison sibérienne », a réagi Vladimir Kara-Murza sur le plateau du JT de 19h30. L’opposant russe décrit l’échange dont il a bénéficié comme un « miracle rendu possible grâce aux efforts de nombreuses personnes » en Occident.
« Ce ne sont pas seulement des citoyens occidentaux qui ont été libérés, mais aussi des prisonniers politiques russes. Le monde occidental a ainsi envoyé un message très clair au Kremlin : les vrais criminels sont ceux qui ont déclenché cette guerre contre l’Ukraine » et non ceux qui s’y opposent, a-t-il souligné.
>> Regardez le portrait de Vladimir Kara-Murza dans le journal de 19h30 alors qu’il était encore prisonnier :
« Je faisais mon travail »
Cet historien de formation, ancien journaliste et proche de Boris Nemtsov, le dissident russe assassiné à Moscou en 2015, a passé plus de deux ans derrière les barreaux.
Il est très important de nous préparer à ce futur changement démocratique en Russie, afin de ne pas répéter les erreurs commises dans les années 1990.
Son épouse Evgenia Kara-Murza, traductrice et militante des droits de l’homme, a quant à elle pris le relais pour mobiliser l’opinion publique et exiger des comptes du régime du président Vladimir Poutine, qui dépend selon elle « de cette image qui n’a rien à voir avec la réalité, où tout le peuple russe le soutient ainsi que la guerre contre l’Ukraine ».
>> L’interview d’Evgenia Kara-Murza dans le 19h30 de mars dernier : Evgenia Kara-Murza : « Le régime va profiter de l’attaque de Moscou pour durcir la répression »
Interrogée sur son combat pendant la détention de son mari, la militante a déclaré qu’elle faisait simplement son travail. « C’est la seule façon de continuer, sinon on s’effondre. Et je ne pouvais pas me le permettre. »
>> Le portrait du couple Kara-Murza dans le JT de 19h30 :
La démocratie en Russie, « garantie de paix » en Europe
Vladimir Kara-Murza a survécu à deux empoisonnements en 2015 et 2017. Malgré les risques, il est rentré dans son pays après ces événements. « C’était une question de principe. En tant qu’homme politique russe et visage public de l’opposition russe, je devais être en Russie avec mes concitoyens », explique-t-il.
Aujourd’hui en exil, l’ancien prisonnier assure qu’il rentrera dans son pays dans un avenir proche. « Un jour viendra où la Russie sera un pays démocratique, européen et libre. Et ce jour viendra beaucoup plus vite qu’on ne le croit », a-t-il déclaré, citant en exemple les changements politiques majeurs de l’histoire russe survenus en quelques jours seulement. « Il est très important de nous préparer à ce futur changement démocratique en Russie, afin de ne pas répéter les erreurs qui ont été commises dans les années 1990 ».
La seule garantie de paix et de stabilité sur le continent européen est une Russie libre et démocratique
Pour Vladimir Kara-Murza, le régime de Vladimir Poutine doit désormais « absolument perdre » la guerre en Ukraine. « Après cela, il faudra réintégrer une Russie changée, nouvelle et démocratique à l’Europe et à la communauté internationale », condition sine qua non, selon l’opposant, pour avoir la paix en Europe.
>> Voir aussi notre couverture de la guerre en Ukraine : Volodymyr Zelensky exhorte le Conseil de sécurité de l’ONU à « forcer » la Russie à la paix
Ce combat pour la démocratie est également partagé par Evgenia Kara-Murza, qui souligne sa « responsabilité » en tant que citoyenne russe et épouse de Vladimir Kara-Murza. « Je le dois aussi à mes collègues, aux centaines de prisonniers politiques en Russie et aux milliers de prisonniers de guerre et d’otages ukrainiens. Nous devons tout faire pour rapprocher le jour où le régime sera libéré. [de Vladimir Poutine] « L’Europe s’effondrera, car la seule garantie de paix et de stabilité sur le continent européen est une Russie libre et démocratique », a-t-elle également insisté. « Sans cela, la Russie représentera toujours un danger pour elle-même et pour tous ceux qui l’entourent. »
Propos recueillis par Philippe Revaz
Texte Web: Isabel Ares
