Faut-il s’inquiéter de l’avenir de Northvolt ?

Faut-il s’inquiéter de l’avenir de Northvolt ?
Faut-il s’inquiéter de l’avenir de Northvolt ?

Faut-il s’inquiéter de l’avenir de Northvolt ? Bien sûr. Les nouvelles se multiplient selon lesquelles l’entreprise navigue dans des eaux troubles.


Publié à 01:19

Mise à jour à 6h30

Mais à mon avis, les sommes avancées par les financiers sont trop importantes et les enjeux pour l’Europe trop importants pour que l’entreprise ferme purement et simplement ses portes. Le projet québécois de 7 milliards est toutefois en péril.

Northvolt n’est pas encore une entreprise ordinaire, qui fabrique des produits et les vend à un prix qui lui permet de faire des bénéfices. En fait, Northvolt n’a jamais encore réalisé de bénéfices depuis son lancement en 2016, perdant même des dizaines, voire des centaines de millions chaque année.

Northvolt est plutôt une organisation à croissance rapide, avec de gros bénéfices à venir dans quelques années.

Jusqu’à présent, l’entreprise cherche surtout à construire des méga-usines et à envahir le marché pour devenir l’un des acteurs incontournables. Un peu comme ce fut le cas avec Tesla il y a 10-15 ans, ou comme les sociétés de téléphonie mobile, dans les années 1990.

Mais pour croître aussi rapidement, Northvolt a besoin d’une montagne de capitaux, année après année. Et c’est cet accès au capital qui lui pose actuellement problème.

Au cours des trois dernières années, l’entreprise a eu besoin de 1,8 milliard de dollars de liquidités (des flux de trésorerie) chaque année, en moyenne, pour construire ses usines ou soutenir ses opérations courantes. Les informations peuvent être trouvées dans les états financiers annuels des exercices clos les 31 décembre 2022 et 2023, publiés sur le site Internet de la société.

Tout s’est bien passé tant que les partenaires financiers avançaient l’argent. Mais les entrées de fonds n’ont cessé de diminuer sur trois ans, passant de 3,3 milliards en 2021 à 2 milliards en 2022 puis à 1,6 milliard en 2023.

À tel point qu’à la fin de 2023, il ne restait plus que 2,1 milliards dans les caisses de l’entreprise, une somme à peine suffisante pour soutenir une année de développement, dans une période où, pourtant, Northvolt a démarré deux mégaprojets, ceux du Québec et de l’Allemagne.

Les deux projets sont de la même envergure (60 gigawattheures ou GWh) que celui que l’entreprise a partiellement réalisé dans le nord de la Suède, à 800 kilomètres de la capitale Stockholm, appelé Northvolt ETT.

La situation ne serait pas aussi difficile si l’usine suédoise, achevée, ne continuait pas à siphonner des fonds.

La centrale de Skellefteå peine toutefois à atteindre le rythme qui lui permettrait de se sevrer progressivement des financements extérieurs. Elle ne produit que quelques GWh sur les 60 GWh visés. De toute évidence, la qualité et la productivité ne sont pas encore au rendez-vous.⁠1.

Certes, Northvolt a réussi à conclure, début janvier, un nouveau financement par emprunt de 3,4 milliards US, mais selon le communiqué disponible, l’argent doit être consacré à l’expansion de Northvolt ETT (cellules, cathodes et recyclage), et donc non aux projets allemand et québécois.

De toute façon, on ne connaît pas les conditions dans lesquelles ces fonds ont été utilisés. L’argent a été prêté par 23 banques commerciales, en plus de deux banques d’État : la Banque européenne d’investissement – ​​le bras financier de l’Union européenne – et la Banque nordique d’investissement, une institution publique détenue par les cinq pays nordiques et les trois pays baltes.

Il est difficile d’avoir une image plus précise de la situation, car l’entreprise ne publie pas de comptes trimestriels, qui auraient permis d’obtenir des données plus récentes. Peut-être aurait-on dû s’inquiéter, en juillet, de la démission du président de Northvolt, Jim Hagemann Snabe, qui est passée inaperçue ici ?

Apparemment, les faits suggèrent que Northvolt épuise progressivement les fonds disponibles. Un média suédois a suggéré que Northvolt aurait besoin rapidement de 730 millions de dollars.

Cela explique pourquoi Northvolt a annoncé le ralentissement des projets allemands et québécois, en plus de mettre en pause le développement de cathodes en Suède et de vouloir vendre une partie de son usine de modules en Pologne.

Cela explique aussi pourquoi les créanciers de l’entreprise viennent de faire appel au cabinet PJT Partners, de New York, selon l’agence Bloomberg. Les sources de l’agence précisent que Northvolt ne serait pas en restructuration, expression habituellement utilisée lorsqu’une entreprise recourt aux tribunaux pour éviter la faillite.

D’après ce que je comprends, des négociations intenses ont lieu entre les créanciers et la société. Les actionnaires de Northvolth devraient être invités, notamment Volkswagen (21%), Goldman Sachs (19,2%) et les fonds suédois Vargas Holding (7,2%) et Rocarma Consulting (6,7%).

Mais qui voudra étendre les fonds, dans un contexte où le marché des voitures électriques a considérablement ralenti ? Et à quelles conditions ? Vendra-t-on à un tiers ?

Étant donné l’importance stratégique de Northvolt en Europe pour le développement automobile et les parties impliquées, j’ai du mal à croire que l’entreprise va rendre son dernier souffle.

Il n’est pas impossible, toutefois, que le Québec en subisse les contrecoups. Le projet ici sera-t-il sacrifié, reporté, dégonflé? Des arbres auront-ils été coupés pour rien?

Les négociateurs de Northvolt soutiendront probablement auprès des financiers que les avantages offerts par le Québec et le gouvernement fédéral pour le projet sont uniques, surpassant clairement ceux des projets européens.⁠2. Mais cela suffira-t-il ? Affaire à suivre.

1. En 2023, les activités d’exploitation, y compris l’usine de Skellefteå, ont absorbé 792 millions de dollars américains sur les 2,1 milliards de dollars américains dépensés en espèces.

2. Ici, Northvolt a bénéficié des mêmes généreuses subventions à la production que celles offertes aux États-Unis (par batterie produite), entre autres, ce qui ne se faisait pas en Europe. De plus, la Caisse de dépôt a prêté 200 millions $ à la société mère Northvolt et le gouvernement du Québec a investi 200 millions $ dans la société mère suédoise, en plus d’avoir prêté 240 millions $ pour l’achat du terrain sur la Rive-Sud, garanti par une hypothèque. Northvolt a également obtenu 354 MW d’Hydro-Québec au tarif réduit L.

 
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