La triste fin de Marguerite Duras et Yann Andréa

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Yann Andréa and Marguerite Duras, in La Poterie-Cap-d’Antifer (Seine-Maritime), in 1980. HELENE BAMBERGER / OPALE.PHOTO

« J’ai commencé à écrire L’amant car Yann est revenu aux hommes. A peine sont-ils installés dans la chambre-bureau de l’écrivain que Marguerite Duras fait cette confession à un journaliste qu’elle voit pour la première fois. Marianne Alphant, de Libérer, est venu lui poser des questions sur ce roman qui venait de paraître en 1984, et est resté sans voix. A ce moment précis, Yann Andréa est entré dans la pièce, s’est aspergé d’un parfum Marguerite posé sur la cheminée, puis a dit sans un bonjour ni un regard : « Ok, je sors. »

Cette relation, à la fois intime et théâtrale, dure depuis plus de quatre ans entre Yann Lemée, ancien étudiant en philosophie, homosexuel, et la star de l’avant-garde littéraire française. Il a 32 ans, Duras, 70 ans. L’écrivain, qui a souvent professé « vivre la réalité comme un mythe », transmute ce dernier amour en roman. Lui est dans la fleur de l’âge, elle se dirige vers le déclin, mais cette rencontre renverse, pour un instant, le cours du temps.

Ils se sont rencontrés pour la première fois à Caen en 1975, où la romancière et cinéaste était venue présenter son film Chanson de l’Inde. Il avait 22 ans et demanda à Marguerite Duras s’il pouvait lui écrire. L’ancien khâgneux fut ébloui par Les petits chevaux de Tarquinia (Gallimard, 1953), ce livre dans lequel un groupe d’amis passe des vacances en Italie sous un soleil de plomb, tourmentés par des sentiments secrets et flottants. Le Bitter Campari qu’ils ingèrent à toute heure les aide à supporter une existence pleine d’ennui. “Il n’y a rien, assure l’un des personnages, qqui enferme plus que l’amour. Et être enfermé, à la longue, rend même le meilleur d’entre nous méchant. Le le jeune Yann Lemée, en plein délice durassien, se met à boire du Bitter Campari à Caen, oubliant cet aphorisme prémonitoire.

« J’ai abandonné tous les autres livres pour ne lire que ses livres. (…). J’aime tous les mots, dans leur intégralité, sans aucune retenue, il a écrit dans Cet amour (Pauvert, 1999). Pendant cinq ans, il adressa des lettres à Duras, qui ne lui répondit jamais. Un jour, l’écrivain lui envoya L’homme assis dans le couloir (Editions de Minuit, 1980), un texte court, violent, presque sans histoire : celle d’une femme qui veut être aimée, brutalisée et tuée par un homme et d’un narrateur qui observe, dédoublé, dans une « triangulation » chère à l’écrivain. L’étudiante de Caen n’aime pas du tout ce livre mais n’ose pas lui écrire. Elle lui envoie alors ses histoires suivantes, Le bateau de nuitles trois parties deAurélia Steiner et Mains négatives (Gallimard, 1979). « Je suis folle. J’aime à la folie. » Il boit.

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