Deux motions de censure ont été déposées vendredi contre le gouvernement français, plongé dans une crise politique après son passage en force sur la réforme des retraites, qui a amplifié la colère sociale et déclenché des échauffourées en plein Paris.
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Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans la soirée place de la Concorde, à quelques centaines de mètres de l’Assemblée nationale.
Un brasier a été allumé par des manifestants, et l’atmosphère s’est tendue à la tombée de la nuit, des policiers chargeant dans la foule, selon des journalistes de l’AFP.
Plusieurs centaines de personnes ont affronté les forces de l’ordre par petits groupes, à coups de jets de bouteilles et de feux d’artifice, tandis que les forces de l’ordre ont riposté par des gaz lacrymogènes, tentant d’évacuer les lieux, sous la pluie.
Il y a eu 12 interpellations vers 21H00 (20H00 GMT), selon la préfecture de police.
A Strasbourg (est), c’est sur la place Kléber que 1.600 manifestants se sont rassemblés. “Nous aussi passerons en force”, ont scandé les manifestants.
Un millier de personnes ont défilé dans le centre de Lille (nord), et un cortège de quelques centaines s’est dispersé sans heurts à Bordeaux (sud-ouest).
Les motions de censure devraient être examinées à l’Assemblée nationale lundi à partir de 16H00 (15H00 GMT), ont indiqué à l’AFP des sources parlementaires, sous réserve de validation juste avant la séance.
Les députés du groupe parlementaire indépendant centriste Liot ont annoncé à l’Assemblée le dépôt d’une motion de censure “transpartisane” du gouvernement, cosignée par des élus du Nupes (gauche radicale).
Le Rassemblement national (extrême droite) a également déposé vendredi une motion de censure, fustigeant une “réforme injuste et inutile”.
Ces démarches sont des réponses à la décision du président Emmanuel Macron de recourir jeudi à l’arme de l’article 49.3 de la Constitution, permettant l’adoption d’un texte sans vote à l’Assemblée, sauf motion de censure. renverser le gouvernement.
Ce choix sur cette réforme des retraites très impopulaire, contre laquelle de nombreux Français se sont mobilisés depuis le 19 janvier, “est l’apogée d’un déni de démocratie inacceptable dans sa constance et son mépris de nos institutions et de nos corps sociaux”, est-il notamment écrit dans le texte de la motion de Liot.
---Vendredi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a appelé le président français à “retirer la réforme” des retraites.
“Eteindre l’incendie n’est pas lié au changement de Premier ministre ou au changement de gouvernement, c’est retirer la réforme”, a déclaré Berger aux journalistes.
La motion de censure déposée par le groupe parlementaire Liot est celle qui pourrait potentiellement causer le plus de problèmes au gouvernement en raison de son côté transpartisan.
Pour faire tomber le gouvernement, une motion de censure devra recueillir la majorité absolue à l’Assemblée, soit 287 voix. Cela nécessiterait notamment qu’une trentaine de députés de droite Les Républicains (sur 61) votent la motion du groupe Liot.
Le gouvernement français a choisi de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans en réponse à la dégradation financière des fonds de pension et au vieillissement de la population.
La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient tout à fait comparables.
Cette mesure du recul de l’âge légal de la retraite cristallise la colère, sur fond de grèves reconductibles.
Les différentes enquêtes d’opinion montrent que les Français y sont majoritairement hostiles, même si le nombre de manifestants dans les rues et de grévistes a stagné ou diminué au fil du temps.
Le recours au 49.3 est presque unanimement considéré comme un revers pour Emmanuel Macron, qui a misé une grande partie de son crédit politique sur cette réforme clé de son deuxième quinquennat.
“Crise des retraites : sa faute”, titrait le journal Libération (à gauche) à côté d’un portrait d’Emmanuel Macron.
L’intersyndicale a appelé à “des rassemblements syndicaux locaux ce week-end” et à une neuvième “grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars”.
Conséquence épineuse des grèves reconductibles des éboueurs – qui soulignent la pénibilité de leur travail – la situation sanitaire à Paris, capitale mondiale du tourisme, s’aggrave : la barre des 10.000 tonnes de déchets non collectés a été atteinte vendredi à la mi- jour, selon l’estimation de la mairie, au douzième jour de grève.
Concernant l’état du trafic ferroviaire, les quatre syndicats représentatifs de la compagnie nationale SNCF ont appelé vendredi à “maintenir la grève” entamée le 7 mars et “à agir massivement le 23 mars” pour s’opposer à la réforme des retraites. .
La Direction générale de l’aviation civile a demandé lundi aux compagnies aériennes d’annuler 30% de leurs vols à Paris-Orly et 20% à Marseille-Provence (sud-est), en raison du mouvement de grève des contrôleurs aériens contre la réforme des retraites.