“Parsifal” de Thalheimer : Wagner sans idéologie – ça marche vraiment !

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Blut est un jus très spécial dans “Parsifal” de Richard Wagner. Enfin, le sang du Rédempteur devient la manne invisible d’une communauté de chevaliers en voie de disparition. Symbolisé par le Graal, le calice de la dernière Cène, dans lequel a été recueilli ce sang de la lance de la crucifixion. Seul un « pur imbécile » peut sauver les chevaliers.

Le maître des mystères, Hermann Nitsch, a voulu utiliser beaucoup de sang pour un « Parsifal » qui n’a finalement pas vu le jour. Au Metropolitan Opera de New York, le réalisateur François Girard a fait patauger Jonas Kaufmann dans la sauce rouge et s’y refléter. Aujourd’hui encore, le sang tache les robes et les pantalons bouffants de la communauté du Graal, tout comme le metteur en scène Michael Thalheimer l’apporte sur la scène presque vide du Grand Théâtre de Genève.

Tout est vide ici. Un piédestal blanc tourne sur un disque, derrière lui se trouvent deux panneaux blancs dont les barres transversales forment le signe de la croix avec un espace entre elles. Plus tard, des ruisseaux de sang couleront ici. Gardien du Graal Gurnemanz – taché de rouge, sur des béquilles – prend ses écuyers dans une position détendue, le sympathique jeune débutant Tareq Nazmi le chante avec une basse fluide, douce mais profilée.

Le Roi du Graal Amfortas, tourmenté par sa blessure à la lance (gravement souffrant : Christopher Maltman), s’y traîne lourdement. Parsifal, qui n’apparaît autrement que beaucoup plus tard, était déjà apparu sur scène de dos lors du prélude. Sous la forme de l’athlétique Daniel Johansson en sous-vêtements longs d’un blanc nacré.

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Comme toujours, Thalheimer met en scène un minimalisme radical. C’est le deuxième Wagner de Thalheimer après l’émacié “Flying Dutchman” sans mer ni bateau pour l’ouverture de la saison à l’Opéra d’État de Hambourg. Il est généralement capable de remplir le minimalisme de tension, en particulier dans l’opéra. Il ne fait confiance à rien, et son approche en fait simple est tout aussi courageuse. Parce qu’il raconte, strictement et clairement, l’histoire que Wagner a inventée pour son “Stage Consécration Festival Play” inquiétant et tendanciellement nébuleux ; qui n’est pas catholique, mais entrecoupé d’éléments chrétiens.

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A Genève, bien sûr, il n’y a pas d’autel et pas de table pour le dernier souper d’amour, et certainement pas de calice. Au lieu de cela, un cercle de lumière, où une fois de plus le fabuleux maître de la lumière Stefan Bolliger évoque des ambiances. De plus, aucun château de Klingsor et aucun jardin magique ne sont nécessaires.

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Le deuxième acte se déroule dans la version négative agrandie du premier. Une lacune noire au fond, les parois latérales s’élèvent à mi-hauteur, révélant à nouveau le signe de la croix, entre le défilé des bouquetières, les six solistes attendent sur les murs, tout de blanc vêtus, voûtés et de travers, mais dans la position d’un animateur. Un rituel, aussi le come-on Parsifal.

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En dehors des béquilles et de la lance absolument nécessaire, seules les cigarettes de Kundry sont autorisées comme accessoires, qu’elle fume d’abord dans un smoking noir puis dans un smoking rouge. Tanja Ariane Baumgartner l’enfile aussi sobrement et passionnément qu’elle séduit plus tard Parsifal. Une sacrée rose de modernité chic, jamais factice.

Il y a aussi un revolver avec lequel Kundry abat Klingsor à la fin du deuxième acte, qui est présenté ici comme un vieux rockeur et joué et chanté par Martin Ganter d’une manière merveilleusement plastiquement maléfique. Et deux seaux de sang en étain, qu’elle a utilisés pour écrire “Connaître par compassion” sur le mur dans le troisième, puis les a effacés à nouveau. À la fin, elle se tient dans le noir, tout comme Gurnemanz et Amfortas.

Qui sait comment cela va se passer ? Parsifal, dans le troisième acte, il est également marqué, après des batailles et des aventures sans rapport, il a pris conscience qu’il peut à nouveau confier la lance à Amfortas, a un sourire fixe de clown farceur sur son visage. À la fin, même la dernière transfiguration instrumentale de Wagner semble à nouveau structurellement simple, sans fumato romantique, il essuie son masque, trébuche, cherche avec ses mains, reste là à attendre. Où ira-t-il maintenant ? Il attend, tout comme il a passé le premier acte assis sur la rampe. La lumière s’éteint.

Texte intelligible exemplaire

« Parsifal » sans pathos écrasant, sans symbolisme imposant, sans mise à jour politique, sans prophétie apocalyptique. Tout comme une parabole avec de la musique. Rarement passionnant et clos, fosse et scène fusionnant en une entité évidente, c’est ce qui se passe à Genève. Michael Thalheimer n’est pas malin, mais courageux, car il mise sur la simplicité sans superstructure. Et Jonathan Nott dans le fossé (apparemment) simplement mais organiquement fluide ne ressent que cette musique, qui captive, inspire, mais cette fois ne séduit pas comme l’opium, mais réconforte. De plus, un ensemble intelligent et frais chante le texte de manière exemplaire.

C’est possible : un miracle d’oubli, des heures de visionnement et d’écoute libérés, très concentrés – de tout avec cet opus surchargé qui a soif d’interprétation.

Tags: Parsifal ThalheimerWagner sans idéologie ça marche vraiment

 
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