Histoire d’origine américaine
A l’aube de l’Amérique nous emmène dans une période unique dans l’histoire américaine, en 1857. Quatre ans avant le déclenchement de la guerre civile, la conquête de l’Occident touchait progressivement à sa fin et les tensions étaient innombrables entre les différentes parties. La série ajoute déjà une petite variante du traditionnel affrontement entre cowboys et indiens avec la présence de mormons, cherchant à s’affranchir de l’influence de l’État fédéral.
On suit donc une galerie variée de personnages à travers l’immensité sauvage de cette Amérique naissanteoù chacun essaie de trouver sa place dans le sang. La série utilise assez intelligemment ces grands espaces encore inhospitaliers pour construire son suspense quasi permanent, avec un danger qui peut survenir à tout moment et de n’importe où.
L’ultra-violence de l’ensemble était l’un des grands arguments produits promotionnels de Netflix, souhaitant clairement se différencier des Pierre jaune à ce niveau. Et il faut dire queA l’aube de l’Amérique réussit sur ce point, avec un élan de brutalité graphique omniprésenterendre ce monde réaliste et viscéral.
En tant que telle, la série fonctionne une approche assez pertinente à travers ces jets de sangbouleversant le paradigme habituel de l’image épinalienne des westerns classiques. Ici, héros comme ennemis viennent commettre les pires atrocités pour s’en sortir, et les rares instants d’humanité sont souvent vite emporté par la barbarie de ce monde impitoyable.
Le redondant
Évidemment, la présence dans le scénario de Mark L. Smith, qui avait co-écrit Le revenant à côté d’Alexandre G. Iñárrituexplique en partie le ton collant et brutal de la série. Le problème, c’est qu’à force d’être utilisée, cette violence devient vite banale et, surtout, la principale source d’émotion du récit. ça semble donc désespérément vide et fade.
La mise en scène de Peter Berg n’est pas très inspiréeet on arrête vite de compter le nombre d’embuscades filmées et montées exactement de la même manière, de nuit comme de jour, à coups de flèches ou de balles de fusil, toujours avec un effet de surprise grossier et prévisible. Malheureusement, A l’aube de l’Amérique tourne rapidement en rondet tombe dans un faux rythme d’ennui profond.
Par ailleurs, la photographie orchestrée par le Français Jacques Jouffret est assez ennuyeux et peine à mettre en valeur les décors de la série. Il s’agit probablement d’une note d’intention volontaire, qui s’inscrit dans la volonté de présenter un univers inhospitalier et moralement gris, mais cela contribue surtout au manque de vitalité de l’ensemble.
En se concentrant sur la manière de rendre ses moments de violence aussi réalistes que possible, la série ne parvient pas à élever ses personnages, malgré une base intrigante. Et si elle fonctionne parfois à merveille (la première attaque de la série est une véritable réussite), cette stratégie nécessite aussi lâcher prise sur les émotions dans les moments qui le méritaient. Cette redondance empêche de s’investir réellement dans l’histoire et les personnages, ce qui rend le visionnage plus fatiguant que prenant (ce qui semblait être l’objectif).
Conquérir… beaucoup trop
A l’aube de l’Amérique aurait probablement gagné à être beaucoup plus serré dans sa structure. La série dispose d’un excellent casting, avec plusieurs visages familiers qui ont l’occasion de briller. Cet ensemble choral offre une multitude de personnages au scénariste, mais leurs relations semblent si décousues queil est difficile de toujours saisir leur importance tout au long de l’histoirela conclusion de leur arc narratif étant souvent bien plus importante que la manière dont ils y sont arrivés (le personnage de Dane DeHaan par exemple).
Nous saluerons le puissant duo mené par Betty Gilpin (toujours redoutable avec dignité) et Taylor Kitsch (toujours agréable à revoir), mais on regrette que leur road trip devienne vite lassant avec des aventures suivant sensiblement la même progression. De plus, les deux personnages sont indéniablement le cœur émotionnel de la série, mais encore une fois, A l’aube de l’Amérique piétine pour rendre leur voyage engageantmalgré une réelle amélioration dans les derniers épisodes.
Au contraire, certains personnages secondaires sont les véritables joyaux cachés de la sériemais cela ne semble pas vraiment l’intéresser, ou ne sait pas quoi en faire. On citera la géniale Shea Whighamdans un rôle qui gagne peu à peu en profondeur, ou le capitaine de l’armée incarné par Lucas Neff, étonnamment tragique. De plus, malgré des acteurs investis et talentueux, A l’aube de l’Amérique laisse la désagréable impression de désordre désorganisé qui ressemble à une bonne sieste.
Il y a sans doute quelque part dans la série, un joli western de 2 heuresavec moins de personnages et des explosions de violence plus rares et plus percutantes. Un constat frustrant, car L’idée de Netflix de présenter sous cet angle les dérives de ces États-Unis naissantsentre guerres culturelles et massacres de populations indigènes, était vraiment bien, surtout compte tenu du contexte américain actuel. On ressort plutôt de ces six épisodes avec l’idée qu’on a perdu du temps à une récompense qui n’est même pas vraiment satisfaisante.
À l’aube de l’Amérique est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 9 janvier 2025.
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