Si on avait dit l’année dernière à Louise Chennevière qu’à 32 ans elle allait écrire un livre pour défendre Britney Spears et Nelly Arcan, elle ne l’aurait pas cru. Mais sa découverte tardive de l’œuvre de l’écrivain québécois, conjuguée à la redécouverte de son idole de jeunesse, Britney Spears, à travers la lecture de ses mémoires publiées en 2023, La femme en moia allumé le feu de l’écriture chez Louise Chennevière.
Écrit dans quelques semaines, Verser Britneyson troisième livre (après Comme la chienne en 2019 et Mausolée en 2021) porte le souffle de l’urgence et a marqué cet automne la rentrée littéraire française. «Cela m’est venu d’une révélation de colère», explique-t-elle lors de notre entretien téléphonique. Je me suis dit qu’il fallait que ça arrête, ce n’est plus possible. Et en fait, cela arrive encore dans notre monde. »
De quoi s’agit-il exactement ? La façon dont nous détruisons les jeunes et jolies femmes qui osent avoir le pouvoir, peut-être. Qui jouent « le jeu dans le jeu », pour paraphraser le langage du hockey, mais qui n’ont en réalité pas le droit de jouer simplement.
Comme Britney Spears, qui incarnera très jeune de nombreux fantasmes qui ne lui appartiennent pas, et qu’elle n’arrive pas à comprendre au début. “Elle apprend très vite à maîtriser les codes de ce type de désir”, peut-on lire dans Verser Britneyet j’aimerais pouvoir écrire qu’elle a raison de le faire, mais comme tout le monde sait maintenant la suite, et qu’il était écrit qu’une femme ne pouvait innocemment jouer avec son propre pouvoir qu’elle n’avait pas demandé, qu’un la femme ne pouvait pas en profiter sans en payer le prix. »
Au début des années 2000, Britney Spears était la pop star la plus puissante de la planète et Nelly Arcan venait de publier son premier livre, Condamnerce qui a fait beaucoup de bruit. Louise Chennevière était alors une enfant qui ne savait pas encore lire Arcan, mais qui était en adoration pour Britney, une artiste qui la remplissait de joie. « Ce que je sais, c’est que cette femme aura été la seule que j’ai toujours voulu être de toute ma vie », écrit-elle, dans un style où les phrases brutalement tronquées amènent le lecteur à les terminer dans une histoire dont la triste trajectoire nous le savons déjà.
Bien sûr, on vieillit et on grandit, nos goûts et nos intérêts changent, mais ce qui a frappé l’auteur avec le recul, c’est le rejet qu’elle a ressenti envers celui qu’elle aimait tant, lorsque ses déboires sont arrivés. « Quand j’étais petite, elle m’a vraiment donné beaucoup de force », se souvient-elle. Et je sais qu’elle l’a donné à beaucoup d’autres petites filles et garçons de la communauté gay. C’était une personne très précieuse, en fait, il faut lui rendre justice pour cela. Les petits garçons fans de footballeurs vont-ils commencer à se moquer d’eux ou à se réjouir du malheur qui leur arrive ? Le plus fou, c’est que je n’avais même pas un peu de tendresse pour elle. »
On sait tous que Britney, après avoir dominé l’industrie pop, a plongé dans une dépression qui l’a conduite à la décision exceptionnelle d’être placée sous tutelle pendant 13 ans sous la domination de son père. «C’est incroyable à quel point elle a été infantilisée. Cette femme est véritablement une survivante de la violence patriarcale qui s’abat sur elle depuis son enfance, sous toutes ses formes. Elle jouait tous les rôles : la jeune vierge, la mauvaise mère, la folle… »
En ce sens, Louise Chennevière estime que l’un de ses plus grands gestes de révolte a été de se raser la tête devant les paparazzi qui la traquaient. Mais à l’époque, comme beaucoup de gens, l’écrivain n’avait aucune compassion pour Britney.
« Je pense que ce sont des mécanismes que le monde met en place pour séparer les femmes les unes des autres », dit-elle. Je l’ai rejetée parce que j’avais honte, parce que je ne voulais pas être liée à cette féminité. Sauf qu’elle nous rattrape toujours. ” Dans Verser Britneyelle demande pardon à la star, mais aussi à la petite fille qu’elle était et qui l’admirait.
Louise Chennevière cite ensuite Michelle Perrot. « Grande historienne de l’histoire des femmes, elle dit que toute femme qui s’émancipe est d’abord une misogyne, car d’abord elle rejette les autres femmes. On se met à distance, on se dit qu’on n’est pas aliéné. Mais je sais que je suis plus proche de Britney que de nombreux écrivains masculins qui publient aujourd’hui. Ce livre était pour moi une façon de me tenir à leurs côtés, contre ce qui leur a été fait. C’est ce qu’on appelle la fraternité. »
Car pour ne rien faire pour calmer sa colère, elle a appris en même temps qu’elle découvrait Nelly Arcan, selon elle l’une des plus grandes écrivaines de notre époque, qu’elle s’était suicidée en 2009. “J’ai l’impression que son suicide était vraiment lié à ces questions, qu’elle était une femme brillante dans un corps de femme, qu’il y avait là quelque chose d’inconciliable. C’est grotesque et violent. »
Louise Chennevière se demande aussi pourquoi Nelly Arcan lui est apparue si tard. Car si au Québec, son héritage est encore très fort auprès des auteurs, en France, elle avait été un peu oubliée, déplore-t-elle. « Son écriture est magnifique, elle a de la profondeur et une manière d’appréhender le monde dans une sorte de lucidité radicale », souligne l’écrivain. Je suis très heureuse de pouvoir en parler en France, car apparemment, j’ai relancé Nelly en librairie ! »
Louise Chennevière sera en séance de dédicaces au Salon du livre de Montréal du 29 au 1er novembreest décembre, et participera à la table ronde Sorcières modernes le 30 novembre à 15h, ainsi qu’à une rencontre à la Librairie du Square d’Outremont le même jour à 18h30
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