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“J’ai gardé l’esprit de fête”

l’essentiel
Le nouveau disque de Magyd Cherfi, l’ex-chanteur de Zebda, affiche une belle allure festive et l’art consommé de l’homme dans l’utilisation des belles lettres. « Le Propre des ratures » est l’album incontournable d’une rentrée ensoleillée…

La Dépêche du Midi : Votre nouveau disque, « Le Propre des ratures », est sorti il ​​y a quelques semaines grâce au financement participatif. Est-ce difficile de sortir un disque aujourd’hui ?

Oui c’est difficile pour moi alors que si on a 20 ans, comme quand j’avais 20 ans, on fait de la musique électro, du hip-hop, de la musique urbaine, du R&B, alors les maisons de disques vous adorent ! Alors qu’à plus de 60 ans, si vous chantez des chansons françaises avec des paroles, la radio ne vous programmera pas. Il y a encore quelques jeunes artistes avec des paroles, comme Pomme, qui est génial mais, pour un gars comme moi, c’était un peu mort, je le savais. J’y suis quand même allé parce qu’il faut une excuse pour partir en tournée. Mon fils Hakim a enregistré mon chant, mon autre fils Alyoun s’occupe de l’aspect juridique et ma femme Zoulie s’occupe de toute l’administration de ma société.

Le plaisir d’écrire existe-t-il encore ?

Oui, le plaisir d’écrire est là, bien sûr, même si ces dernières années je suis très portée sur les romans et la littérature. Mais, en même temps, il y a toujours cette légère idée de chanson qui arrive et qui fait dire « Ah, hé ! Mais la vie est faite de « Ah, hé ! (rires) Et comme je fais beaucoup de lecture musicale, j’ai toujours un musicien qui m’accompagne et il y a toujours la tentation de lui demander s’il peut m’aider à trouver le troisième accord manquant…

Vous aviez envie d’enregistrer un album plus festif que les précédents ?

Oui, donc j’ai gardé l’esprit festif, ou du moins, il me semble que j’ai ramené quelque chose de ensoleillé. Les autres albums étaient un peu pareils, mais bien plus, car j’avais à la fois une production moderne de boîtes à rythmes et de machines. Et derrière ça je voulais quelque chose d’organique, donc des instruments acoustiques, une guitare acoustique, des cordes acoustiques, des chœurs, des ambiances.

J’ai fait ce que je ressentais car sans contrat avec une maison de disques, on peut aller plus loin, finalement, sans avoir à satisfaire aucun directeur artistique. Et le ton de l’album est presque optimiste, mais je crains que ce soit un effet de l’âge ! (rires) C’est un album particulier que j’aurais dû faire 15 ans plus tôt peut-être, quand j’étais obsédé par l’intime. Mais l’intimité ne fonctionne pas avec la maison de disques ou la radio. Alors que je suis clairement une personne rythmée.

Et avec l’âge, la prépondérance du reggae s’affirme…

Le reggae est évidemment né avec Bob Marley. C’est à la fois danse, chant, prière et fête. Il y a quelque chose d’universel.

Et une bagarre ?

C’est certain, un combat qui a été mené par des Africains, des noirs et dans toute la musique qui a été portée par des noirs. Il y a ce blues parce que le reggae est un blues avec un rythme différent. Et c’est quelque chose d’inexplicable que je ressens finalement très fort.

La voix semble plus libérée…

Je n’ai pas assez de recul sur ma voix mais il y a une sorte de zénitude mentale qui me permet peut-être d’aller plus loin dans le registre mélodique, alors je me suis aventuré avec moins de crainte qu’avant.

Le féminisme transparaît dans vos livres et dans cet album aussi avec des chansons comme « La Femme du Soldat inconnu » notamment, qui se veut aussi un manifeste politique…

Ma femme aimerait que j’écrive un album dédié aux femmes ! Je n’ai pas donné suite à cette idée, mais l’album est féministe. C’est le produit d’une éducation car j’ai une mère, bien qu’algérienne, immigrée, analphabète, âgée, qui porte en elle un féminisme viscéral. Elle a dit cela de manière métaphorique : « Les hommes, nous devrions leur couper les couilles. » Elle voulait absolument que nous ne soyons pas comme son copain, ses frères, son père, ses oncles absents et violents, que ce soit avec leurs femmes ou leurs enfants.

Étant soutenue par votre mère, vous embrassez votre combat sans vous en rendre compte et quand vous atteignez l’âge de réflexion, vous vous politisez et le féminisme devient beaucoup plus politique. Et ça donne des chansons comme « La Femme du Soldat inconnu » que j’ai écrite pour Femmouzes T qui m’a demandé une chanson de femme qui s’y inscrivait.

Quels nouveaux projets menez-vous ?

La tournée se prépare, le live est prêt et évidemment je commence à remettre la plume dans l’encrier. J’ai aussi l’idée dans la tête de faire un film sur mon livre « La vie de ma mère » (sorti en janvier dernier chez Actes Sud, ndlr) qui a été bien accueilli donc je ferai au mieux pour trouver des producteurs.

Disque « La propreté des effacements » de Magyd Cherfi. Samedi 8 février 2025 à 20h au Théâtre des Mazades (10, avenue des Mazades, tél. 05 31 22 98 00) dans le cadre du festival Détours de chant.
 
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