Pierrot Carbonne, 27 ans, adepte du rap, connaît un succès fulgurant depuis son tube estival “Imagine”. L’Héraultais, qui a grandi à Mèze, a débuté vendredi sa tournée dont toutes les dates affichaient complet, séduisant le public avec des morceaux rap-pop du Sud truffés d’instruments.
Dans le tourbillon d’une carrière qui connaît depuis l’été une accélération phénoménale, l’artiste héraultais Carbonne, 27 ans, au style pop rappé, mélancolique et harmonieux, réalise ses rêves un à un.
Mis sur orbite par son hit hispanique Imagine, celui qui a grandi au bord de l’étang de Thau peut désormais cocher la case « tournée », lui qui s’élance sur les routes de Toulouse, Lyon, Bordeaux, mais aussi Bruxelles, Londres. , Amsterdam et Barcelone d’ici fin novembre.
«Ma toute première tournée est folle»
« Ma toute première tournée était vraiment folle. C’était un rêve que je n’aurais jamais cru réaliser… Merci beaucoup”a-t-il écrit sur Instagram à la fin de l’été, annonçant les premières dates. Là, il vient d’ajouter un deuxième concert au Rockstore de Montpellier, mi-décembre, déjà quasiment complet.
« Le Rockstore est la salle mythique que je regardais quand j’étais petite avec des étoiles dans les yeux… J’y allais voir des concerts, j’ai plein de souvenirs et j’y ai joué en première partie… Le Rockstore se remplit deux fois, c’est incroyable »il livre depuis le van qui l’emmène à Biarritz, avec son équipe, pour le concert inaugural de la tournée, donné vendredi soir.
« On l’a vu repartir de rien et le voilà au sommet »; “Le travail paie mon frère”avait déjà salué ses proches sur les réseaux sociaux, après sa grande prestation au Stadium de Toulouse, en première partie de Bigflo & Oli, où le public chantait Imagine, tube qui comptait alors plus de 35 millions d’écoutes.
Plus de 160 millions d’écoutes pour le titre « Imagine »
C’était début juin : le titre, hit estival lancé sur TikTok en avril, a depuis ravi les oreilles de 160 millions de personnes ! Grâce à ce refrain accrocheur et addictif, tout a changé du jour au lendemain (lire ci-dessous).
En juillet, Pierrot Carbonne confiait à Midi Libre qu’il n’avait toujours aucune perspective sur le succès né de cette chanson. Et aujourd’hui ?
« Je me rends compte de l’impact, ça m’a surtout permis de trouver mon public. C’est ma première tournée, les gens viennent me chercher… Ce buzz a fait la lumière sur le projet, c’est presque complet partout, c’est incroyable, partir en tournée à travers la France, je ne pensais pas que ce serait possible… Je n’arrive toujours pas crois-le… »continue-t-il depuis son hôtel au Pays Basque, quelques heures avant son premier spectacle.
Il revendique avant tout une cohérence artistique : Imagine n’est pas un ovni isolé, mais l’une des perles de son répertoire, faite de la même nacre mélancolique, fruit d’un long processus créatif.
« Comment expliquer le phénomène Carbonne ? C’est quelqu’un qui travaille beaucoup, depuis longtemps, il n’a pas commencé avec Imagine. Il travaille aussi avec la même équipe depuis des années, il a un son « méditerranéen », des mélodies accrocheuses et il y a aussi l’effet social media » décrypte un spécialiste de la promotion des nouveaux artistes.
Pour mieux comprendre Pierrot Carbonne, il faut se pencher sur son enfance, passée au bord de l’étang de Thau, à Mèze, où il a été immergé dans un environnement sonore.
Sa mère, enseignante, joue aussi bien du piano que de l’accordéon ou de la batucada, – “c’est elle qui m’a mis à la batterie à 4 ans”– où son père, peintre, sculpteur, plasticien, chante, gratte la guitare et l’encourage à créer. Il y a aussi son oncle Julien, Captain Juju, batteur du projet Mc’s du Midi, qui l’a initié aux percussions.
“Le piano, j’ai appris comme ça, en mettant mes mains, pareil pour la guitare”
“Le piano, il y en avait un à la maison, j’ai appris comme ça, en baissant les mains, pareil pour la guitare”glisse l’artiste. Et puis il y a l’écriture, qui est si importante. À l’université, il écrivait cahier sur cahier, écoutant du rap encore et encore.
« J’ai commencé à écrire à 12, 13 ans, j’écoutais beaucoup Diam’s, Soprano, Tunisieno, j’avais envie d’essayer, j’ai aimé. C’est devenu une passion, j’écrivais mes petits textes, mes premiers freestyles étaient très engagés, aujourd’hui je raconte mon quotidien en musique”il se souvient.
Son bac en poche, le Mézois part un an en Australie et revient convaincu que la musique guidera son destin.
« J’ai dû réfléchir au sens de ma vie : soit je revenais et j’allais à l’école du son, mais c’était cher, soit j’allais à l’université et je faisais de la musique en même temps. »
Il s’inscrit en licence d’économie et de société à la Faculté des Lettres de Montpellier et, grâce à l’argent de sa bourse d’étudiant, s’achète son premier micro, sa carte son et son ordinateur. L’autodidacte décide rapidement de s’entourer de ses amis de Hot Sauce, studio d’enregistrement au cœur de Montpellier, qui ne le quitteront plus.
Ensemble, nous allons plus loin. Sa carrière prend un premier tournant lorsqu’il est invité par Skyrock pour une improvisation dans Planète rap, par l’incontournable Fred Musa, tremplin du hip-hop français.
« C’était en 2019, j’avais de la pression, c’était la première fois sur cette radio mythique. Les artistes que j’écoutais étaient tous passés par là. »rapporte-t-il.
Un style bercé par Diam’s et BigFlo & Oli
« Je m’en souviens très bien : il avait déjà un certain niveau, il nous avait époustouflé. Il y avait Djadja & Dinaz, beaucoup de fumée, beaucoup de monde ! Il avait été très professionnel, on sentait qu’il savait déjà où il allait et qu’il savait rapper. Son style est influencé par Diam’s et Bigflo & Oli.confirme Fred Musa.
Les morceaux s’enchaînent jusqu’à une seconde apparition sur Skyrock, en 2023, avec Hatik, où son style impressionne.
Puis il s’installe à la campagne, avec ses musiciens, pour composer. Imagine y est née et sa nomination, en révélation francophone, aux NRJ Awards à Cannes, début novembre, était une autre rêverie pour la chanteuse.
« Quand j’étais petite, je regardais Diam’s sur cette scène. Je n’aurais jamais imaginé que ce serait moi un jour”dit-il encore.
Les questions autour de la postadolescence, de sa famille, de ses relations amoureuses et de ses états d’esprit façonnent les rimes de ses hymnes. « Dans mes mélodies, même les plus ensoleillées, il y a de la mélancolie. J’aime chanter la tristesse avec le sourire et mélanger l’organique et le numérique”résume l’artiste.
Son rap hybride et organique regorge d’instruments, guitare, caron et palmas, citant ses racines espagnoles, celles du Sud et du bassin de Thau, ses boussoles.
A l’écoute, on se dit que Toulouse a Bigflo & Oli, Marseille JuL et Montpellier a désormais Carbonne sur la carte de la musicalité sudiste.
“Le vrai travail commence, il va devoir prouver que ce n’était pas qu’un succès estival”
« Les années les plus difficiles vont arriver pour lui, le vrai travail commence. Il devra prouver qu’il ne s’agissait pas seulement d’un succès estival. Mais on pourra dire qu’en 2024, il y aura eu Gim’s et lui ; Carbonne a assuré la bande originale de l’été 2024, c’est énorme, c’est une fierté.analyser Fred Musa.
« Mais, c’est malin, il monte sur scène et teste de nouveaux morceaux : c’est une génération qui va et apprend très vite. J’en ai connu qui ont disparu après un tube de l’été, qui n’ont pas travaillé… Mais il n’abandonne pas l’écriture, il travaille, le rap en a besoin, il écrit l’histoire de ces futures années du rap.
Le jour où tout a changé, une nouvelle tournée, des collaborations internationales à venir
Comment a germé le tube Imagine ? « Cette pièce a été réalisée en deux parties. La première était en février. J’étais en studio avec deux amis, j’ai commencé à faire une mélodie à la guitare, c’était très rapide. J’ai écrit le refrain, en Une heure après le début de la séance, nous avions le modèle, il ne manquait que les couplets.
C’était très instinctif. La deuxième partie s’est faite en séminaire, à la campagne, nous avons terminé Imagine. Là, on écoute, on chante, un ami a filmé ça, j’ai posté la vidéo pour montrer les coulisses, le côté famille, c’était sincère. Là, ça a explosé partout sur les réseaux, mais je ne pensais pas que ça passerait partout sur les radios en numéro 1… C’était énorme. Pendant que la vidéo passait, j’enregistrais le son, je me suis rendu compte qu’il fallait que je finisse, seul jusqu’à 7 heures du matin, je me suis dit : “Il n’y a pas le choix”. J’enregistrais. Depuis ce jour, tout a changé.
Par ailleurs, Carbonne indique que toutes les dates de sa tournée seront complètes : “Une deuxième tournée au printemps est prévue, je travaille dur sur la suite.”
Sur scène, il se produit avec ses plus proches amis, les mêmes protagonistes qui, en studio, ont rendu la magie possible : Rodolphe à la guitare, Léoland au piano, Jiddybruh/Tosmah aux machines.
La carrière des Héraultais décolle définitivement avec le mini album de six titres. By Ourselves, sorti en juillet, et la suite s’annonce prestigieuse. Cela reste pour le moment un peu mystérieux, mais il nous le révèle : “Un nouveau son arrive en décembre et je travaille sur la suite de By Ourselves.”
Mais surtout, et le secret est pour l’instant bien gardé, pour ces nouvelles pièces, «des collaborations, des prouesses internationales vont arriver»dit-il, très heureux de cette idée.