“Ma est familiale et militante” : le rappeur Médine se confie

“Ma est familiale et militante” : le rappeur Médine se confie
“Ma musique est familiale et militante” : le rappeur Médine se confie

Vous venez également de sortir la chanson « L’4mour » pour la comédie musicale « La Haine ». Vous déclarez qu’« il ne faut pas couper la ficelle tant que l’on peut défaire les nœuds ». Est-ce une façon d’exprimer votre optimisme à notre époque ?

C’est un mantra, tant dans ma vie familiale que civique. Il ne faut jamais briser ce qui permet le dialogue. Tant que cela est possible, continuons à l’utiliser. C’est à partir du moment où l’on se disqualifie, où l’on se jette des anathèmes à la figure, où l’on tente de se criminaliser, qu’on coupe le fil avant d’avoir tenté de défaire les nœuds. Je reste optimiste sur la possibilité de créer des ponts et des dialogues entre différentes sensibilités bien sûr, sinon je me serais communautarisé dans ma , dans mon discours. Ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, je fraternise bien au-delà des frontières du rap. Mon parcours est aux antipodes du communautarisme. Cette tournée acoustique, proche du théâtre, prouve que j’ai toujours envie de m’ouvrir à d’autres sensibilités. Mon approche est toujours optimiste.

Ce partage avec un plus grand nombre semble être plus marqué ces dernières années. Partez-vous de ce sentiment ?

Je le ressens dans la typologie du public aujourd’hui. Les gens qui viennent me voir viennent en famille, parfois avec leurs enfants, parfois avec leurs parents. J’atteins des catégories d’âge que je n’atteignais pas auparavant grâce à un discours, une déclaration, mais aussi une longévité dans cette musique.

Au printemps 2023, au moment de la réforme des retraites, votre nom et votre image revenaient régulièrement dans l’actualité. Est-ce que ça s’est calmé ?

Nous sommes soumis au temps médiatique, dans le sens où les médias d’information en continu fournissent un rythme et une sensation de réalité légèrement déformée. On va entendre parler de quelqu’un parce que cela sert un agenda politique, et un vide éditorial, et on va se précipiter sur un sujet. Parfois, je suis soumis à ce timing médiatique. Mais, en réalité, si je suis ici, depuis 20 ans, à remplir des salles, à avoir un discours audible, à être contacté pour une comédie musicale « qui est bien rodée », ça veut dire que ces tempêtes, cet « oeil du cyclone » a aucun intérêt autre que celui de nourrir les éditorialistes et les médias qui remplissent le vide par le vide.

Dans ma ville, je suis reconnu comme acteur associatif d’utilité publique. Je me rends utile dans les écoles, dans les prisons, auprès des étudiants… Je supporte ce temps médiatique mais je n’en tiens pas compte. Ce n’est pas dans mon calcul et je reste familial et militant.

Est-ce aussi une manière de se protéger ?

Non, je viens de comprendre que ce phénomène s’applique à tout le monde. N’importe qui peut se retrouver impliqué dans une controverse à l’échelle locale, nationale ou internationale. N’importe qui peut être soumis à cela, simplement en ayant un mot un peu politique et en l’exprimant. Ajoutez à cela, me concernant, l’étiquette de musulman issu de l’immigration dans les quartiers populaires et ce sont des propos qui sont vite, aujourd’hui, « criminalisés » dans l’espace public.

Parmi vos étiquettes figure celle d’« islamo-gauchiste »…

Mais s’il vous plaît, expliquez-nous ce qu’est un « islamo-gauchiste » ! L’enseignement supérieur a même commandé une étude au CNRS sur la question. La réponse : « L’islamo-gauchisme n’existe pas ». Ce concept n’a aucune réalité scientifique ou sociologique, c’est une manière de disqualifier et de couper le dialogue.

Vous êtes très présent sur les réseaux sociaux, version « familiale » sur Instagram ou Facebook, et plus virulent sur X (Twitter). N’êtes-vous pas « bipolaire » dans les réseaux ?

Ce sont les réseaux qui sont bipolaires ! Je résume tout cela dans une chanson sortie l’année dernière, « Paratonnerre ». Je vous rappelle que ma musique est familiale et militante, qu’il ne faut pas se perdre dans l’une ou l’autre. Il faut continuer à être engagé et incisif quand il le faut, et parfois même laconique, mais sans jamais perdre de vue l’amour, la famille et l’espoir qui peuvent nous permettre à la fois d’avancer et de relativiser. Je marche quotidiennement sur ses deux supports. Je n’y vois pas de bipolarité mais un équilibre.

Vous semblez également prendre un certain plaisir à « jouer » dans vos vidéos familiales. Seriez-vous tenté par le cinéma ?

C’est vrai qu’on s’amuse… J’ai déjà joué des petits rôles dans des longs métrages, mais en tant qu’acteur, c’est un vrai métier, qui demande du temps et de l’énergie… Je ne sous-estime pas ce métier. C’est tellement dur que si jamais j’avais l’ambition de franchir le pas, je devrais d’abord travailler.

Partagez-vous vos goûts musicaux avec vos enfants ?

Je leur présente des trucs plus anciens et ils me présentent des trucs actuels. Et il faut avoir 80% de goûts en commun, ce qui est assez rare. Nous sommes une génération qui a grandi avec le rap et qui continue d’en écouter, et nos enfants font de même. C’est assez drôle comme on peut aller profiter de concerts ensemble.

Vous ont-ils vu sur scène dans une version acoustique ?

Pas encore, et ils sont assez critiques. Pour l’instant, ils se moquent un peu de moi en me disant : “Ça y est, tu fais du théâtre, tu te prends pour Molière.” Je prends quelques shots mais c’est leur manière de me dire « ne t’inquiète pas, on est avec toi, on sait ce que tu fais et on t’envoie deux ou trois shots pour que ta tête ne gonfle pas ». C’est un bon combat !

Comment avez-vous choisi les chansons de cette tournée ?

C’était assez compliqué car j’ai un répertoire d’environ 300 titres. Résumer une carrière de 20 ans est assez complexe et j’ai d’abord sélectionné des morceaux facilement adaptables à une formation acoustique, sans avoir à trop « découper » les parties de piano ou de guitare.

Avez-vous redécouvert certaines pièces lors de cette sélection ?

J’avais oublié certaines constructions de phrases, j’ai retrouvé mon flow originel qui reflète l’époque fin des années 90, début 2000. La musique étant assez cyclique, je retrouve certaines de ces constructions dans le rap actuel.

Vous avez déjà commencé votre visite. Quelles sont les premières sensations ?

Déjà, le public est assis devant moi, c’est vraiment nouveau. J’ai dû m’adapter car j’ai l’habitude d’être devant les stands avec une énergie très différente. Dans cette tournée acoustique, il faut capturer chaque personne, chaque instant, car ils sont venus écouter et regarder. Il faut être minutieux, même avec des moments de silence qui sont aussi importants… Il n’y a pas de lâcher prise dans cette formation. J’ai même pris le temps d’écrire des textes pour les intermèdes alors que d’habitude, je suis plutôt dans l’improvisation. Et les sensations sont très bonnes, nous sommes satisfaits du résultat et surtout des retours du public.

Dans cette tournée acoustique, il faut capturer chaque personne, chaque instant, car ils sont venus écouter et regarder.

Qui vous accompagne sur scène ?

Félix Kaonefy et Guillaume Redzol Zolnierowski, deux musiciens qui me suivent en tournée depuis environ deux ans, et qui travaillent sur mon prochain album. Nous sommes dans une dynamique de groupe.

Beaucoup ont découvert la voix unique de Félix Kaonefy lors de la séance au Havre…

C’est une des valeurs ajoutées du salon. Nous utilisons notre voix comme un instrument, elle doit être présente sur les trois quarts des chansons.

Incluez-vous des morceaux inédits dans cette tournée ?

C’est la grande nouvelle. Habituellement, je ne fais jamais de chansons inédites en tournée, mais parfois je sors soit un couplet inédit, soit un morceau entier. Cela dépend de l’énergie de la salle, de la mesure dans laquelle les gens sont là pour découvrir mon métier, ou s’ils la connaissent si bien que je dois leur apporter un petit plus !

Vous venez de mentionner un nouvel album. Pouvez-vous en dire plus ?

Je travaille toujours sur un prochain album. Je ne suis jamais en retrait, la fin d’un cycle en ouvre un nouveau. En fait, je travaille sur de nouvelles chansons mais je ne sais pas encore si elles sortiront sur un album ou dans un autre format.

A quoi ressemblera cette nouvelle production ?

Il s’agira de Médine qui vient de fêter ses 20 ans de carrière sur scène et qui s’ancre plutôt bien dans son époque à chaque album. Il abordera à la fois des sujets d’actualité mais aussi des sujets plus légers et surtout liés à l’amour de cette musique, de ce que le rap apporte, aujourd’hui, pour moi et pour toute une génération.

Médine se produira deux fois en Bretagne, lors de sa tournée acoustique : vendredi 8 novembre à Rennes (au MeM) et jeudi 21 novembre à Plougastel-Daoulas (espace Avel-Vor). Cela n’arrivera pas dans la région en 2025, annonce-t-il.
Musique

 
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