Les radios communautaires, un outil de survie pour la culture innue

Les radios communautaires, un outil de survie pour la culture innue
Les radios communautaires, un outil de survie pour la culture innue

Même si ces radios ne sont plus autant utilisées qu’avant pour communiquer et envoyer des messages entre les membres de leur communauté, leur rôle n’en est pas moins important aujourd’hui.

À Uashat-mak Mani-utenam

La radio Uashat mak Mani-utenam est un témoin privilégié de la préservation et la promotion de la culture et de la langue innues. Située près de Sept-Îles, CKAU existe depuis une quarantaine d’années. Depuis son vaste studio vitré situé à l’étage supérieur d’un immeuble flambant neuf, Michel Vollant le confirme.

« La radio est toujours là, toujours vivante », nous raconte le journaliste et animateur innu entre deux interventions en direct. Les gens nous disent qu’ils se reconnaissent.

Selon celui qui anime dans sa langue dans une proportion de 80%, la station n’est pas vraiment touchée par la crise qui sévit actuellement dans le panorama médiatique. “Notre audience n’a pas diminué”, assure-t-il. De manière assez surprenante, les jeunes de 18 à 34 ans constituent 50 % de son audience, précise M. Vollant. Il mène environ 25 % de ses entretiens dans sa langue. Avec les non-autochtones, les entretiens se déroulent en français. « Mais on les traduit ensuite en innu », explique-t-il.

Michel Vollant, animateur et journaliste à CKAU, la radio communautaire de Uashat Mak Mani-utenam, utilise l’innu-aimun dans une proportion de 80 %. (Johanne Fournier, contribution spéciale)

Père Nutashkuan

À Nutashkuan, la radio communautaire CFNQ diffuse exclusivement en innu-aimun, « sauf quand on a des messages à faire passer qui proviennent de blancs, comme des infirmières », précise la directrice de la station située près de Natashquan, Florence Malec.

Selon l’un des deux animateurs de la station, 50 % de la programmation est consacrée à la musique autochtone. L’autre moitié de la programmation est composée de musique country anglophone, québécoise et rétro, de disco des années 1980 et 1990 ainsi que de musiques actuelles, selon Marie- Wapistan.

À Pessamit

À la radio communautaire de Pessamit, près de Baie-Comeau, Innu-aimun occupe en moyenne 60 % du temps d’antenne, selon le seul animateur à temps plein. “Cela dépend de quoi [sic] Je parle, explique Zacharie Picard. Quand je parle de choses qui se passent ici ou lorsqu’elles sont de sujets locaux, je parle 80 % du temps en innu. Quand je fais des entrevues avec des francophones, je parle en français, mais je traduis un peu en innu.

Pour le dynamique animateur de 37 ans qui cumule 18 ans d’expérience derrière le micro de la station Ntetemuk, la radio contribue à la survie de la langue. « Le nom de la radio, Ntetemuk, signifie « écouter », explique celui surnommé Zack.

En évoquant le nom de la radio, il ne peut s’empêcher de rappeler le souvenir de Pierre Hervieux, fondateur de la radio il y a 40 ans. Ce pionnier de la radiodiffusion de Pessamit était décédé cinq jours avant notre visite.

Quiconque chante et joue de la guitare pendant son temps libre diffuse au moins deux heures de musique innue par jour. «Il y a tellement de choix», déclare Zacharie Picard. Le reste du temps, je joue beaucoup de rock des années 60, 70 et 80, de la country, du disco et de la musique d’aujourd’hui.

À Essipit

L’usage de l’innu-aimun a disparu dans la communauté d’Essipit, située près des Escoumins. « À une certaine époque, les jeunes apprenaient l’innu », raconte la présidente du conseil d’administration de la radio communautaire CHME, Dominique Roussel. Je suis devenu innu par mariage en 1982 et la langue était déjà perdue. Mais nous utilisons encore certains mots innus.

Selon le directeur général et commercial de la radio, Fernand-Bienvenue Ackay, Radio Essipit Haute-Côte-Nord consacre encore environ 20 % de sa programmation à la diffusion de musique autochtone. « Il y a deux heures de musique indigène par jour », poursuit Mme Roussel.

À certaines occasions, la station diffuse davantage. Par exemple, lors de la plus récente Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin, la station a diffusé de la musique autochtone toute la journée.

“Nous sommes également allés chercher des dignitaires régionaux comme les maires, le préfet, l’adjoint et le chef de bande pour enregistrer des messages qui ont été diffusés toute la journée”, décrit M. Ackay. Les gens ont vraiment apprécié. C’était une première. C’est sûr qu’on va recommencer !

Même si l’innu-aimun n’est plus parlé à Pessamit, la radio communautaire CHME contribue, par certaines actions, à promouvoir la culture et la langue innues. (Johanne Fournier, collaboration spéciale)

Bien que les quelque 4 000 membres de la communauté Essipit ne parlent plus l’innu-aimun, cela n’empêche pas la radio communautaire de produire des capsules où il est possible d’entendre des mots en innu-aimun qui sont ensuite traduits en français.

«Nous collaborons également avec d’autres radios innues», précise le directeur général. «C’est une façon de contribuer à promouvoir la culture innue», ajoute le président du conseil d’administration.

À Mashteuiatsh

La radio communautaire de Mashteuiatsh, près de Roberval, a développé une entente de collaboration avec la radio communautaire allochtone CKAJ de Jonquière. «C’est la seule radio qui nous offre une vitrine», fait valoir le directeur général de la radio innue CHUK, Édouard Robertson. Nous avons une émission qui est diffusée sur CKAJ et sur nos ondes une fois par semaine pendant une heure pour rejoindre les membres de Tshitassinu, notre territoire qui est le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

« C’est en français, mais il existe une version locale qui est à environ 25 % innue. La musique est 100% indigène.

La toponymie de Tshitassinu fait partie des thématiques. L’animateur prononce le nom du lieu en Shashish-aimun, l’innu du territoire, puis donne sa signification en français. À partir des archives du Musée Ilnu de Mashteuiatsh, le CHUK produit également une émission sur les contes et légendes de la communauté innue.

Si l’animation est réalisée en français, la radio Mashteuiatch s’appuie néanmoins sur les services d’un traducteur. «C’est très rare», explique M. Robertson. Cela dépend du sujet et de la demande, mais certaines chroniques sont en innu-aimun et sont ensuite traduites en français.

Les interventions des animateurs locaux du CHUK sont entrecoupées de musiques à 80% autochtones. « Notre animateur principal, Kessy Blacksmith, possède une très bonne connaissance de la musique autochtone car il est musicien », explique le directeur général. Nous avons même des soirées et des fins de semaine complètes où la musique est uniquement celle des Premières Nations.

Pour M. Robertson, il va de soi que le CHUK participe à la promotion de la langue et de la culture innues. « Cela fait partie de sa mission », souligne-t-il.

Le conteur Patrick Courtois est optimiste quant au chemin qu’emprunte actuellement la station de sa communauté. « La radio se développe », observe celui qui est membre du conseil de bande de Mashteuiatsh. Édouard et Kessy font du bon travail.

SOCAM

En plus de la radio Essipit, les cinq autres radios communautaires innues visitées par Les Coops de l’information se connectent une heure et demie par jour au réseau de la Société de communication atikamekw-montagnais (SOCAM), qui compte deux studios de radio. production située à Wendake, près de Québec.

Fondée en 1983 par l’actuel chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, la SOCAM regroupe les trois communautés atikamekw et les onze communautés innues au sein d’un même réseau de diffusion.

Avec sa collègue Murielle Rock, Bernard Hervieux s’exprime exclusivement en innu-aimun de 9 h à 10 h 30 tous les matins en direct sur la plupart des radios innues.

« J’ai de très bons commentaires des auditeurs, tant sur le contenu que sur la musique indigène que nous diffusons. C’est surtout de la radio parlée. Je suis fier de parler innu. Quand je vais sur la Côte-Nord, les gens me disent que je parle bien la langue.

— Bernard Hervieux, journalist and presenter

De l’avis de celui qui se tient derrière ce même micro depuis plus de 40 ans, son spectacle est un outil de développement pour les communautés innues. «Je pense que nous avons beaucoup d’influence», affirme l’Innu de Pessamit.

À Ekuanitshit

Faute de main d’œuvre, la radio communautaire d’Ekuanitshit, près de Mingan, diffuse l’émission de la SOCAM du lundi au vendredi. La seule autre fois où CKKE est en ondes, c’est pour le bingo, qui a habituellement lieu deux fois par semaine. Le chef de gare, Nikol Belfleur, est bénévole. Elle ne compte qu’un seul employé rémunéré.

Pour pallier le manque de production dans ses studios, CKKE se connecte à la radio communautaire de Uashat mak Mani-utenam. Ainsi, même si la programmation de la radio de sa communauté n’est pas optimale, celle qui est également membre du conseil d’administration de la SOCAM estime que la radio Ekuanitshit contribue quand même au développement de la culture et de la langue innue.

« La radio est importante pour les gens de la communauté. Cela crée un sentiment d’appartenance», affirme Mme Belfleur.

Ce reportage a été rendu possible grâce à une bourse d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec.

Au cours des dernières années, les communautés innues ont déployé de grands efforts pour promouvoir leur langue, leur culture et leur identité. Cette série de reportages aborde le sujet de la survie des Innu-aimun dans les radios communautaires innues, ainsi que le financement et la succession de ces stations. Il aborde également la diffusion de musique autochtone sur les radios commerciales ainsi que l’impact des réseaux sociaux sur la façon dont les Innus communiquent entre eux. Notre collaboratrice Johanne Fournier est allée à la rencontre de six communautés innues de la Côte-Nord et du Lac-Saint-Jean.

 
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