Le Lézard de Jésus – « Rack »

Le Lézard de Jésus – « Rack »
Le Lézard de Jésus – « Rack »

Album / Ipeca / 13.09.2024
Rock bruitiste

Qui aurait pu prédire un nouvel album de Le Lézard de Jésus ? Personne, sauf peut-être quelques nerds de noise rock qui n’ont pas raté une miette des interviews données ces dernières années par leur guitariste Duane Denison. Car, bien que reformés temporairement en 2009 à l’occasion du festival ATP, puis partis de temps à autre sabler l’asphalte sur le sol américain depuis 2017, nos vieux chevaux de guerre ne semblaient pas avoir prévu d’offrir un petit frère à Bleuleur dernier album sorti en 1998. Il n’en demeure pas moins que leur statut de légendes du rock – décrété à l’époque par Steve Albini Ou Nirvanaexcusez-moi de le dire – a extrêmement bien résisté à l’épreuve du temps. A tel point que l’annonce, en début d’année, de l’arrivée imminente de Étagère a eu l’effet d’une injection massive d’adrénaline pour de nombreux fans.

Première observation : fidèle à la tradition de la paroisse dudit reptile, le nouveau rejeton a reçu un nom de quatre lettres. Sobre, efficace et toujours aussi intrigant. Deuxième constat : l’artwork, basé une fois de plus sur un tableau de Malcolm Bucknall, reprend les codes empruntés par le groupe tout au long des années 90, à savoir cette sorte d’alliance entre traditionalisme et bizarrerie aux tendances inquiétantes. De quoi commencer à rassurer les plus sceptiques sur l’authenticité et la saveur de ces onze nouveaux titres.

Comme Menteur A l’époque, ce nouvel album démarre sur un martèlement sans prévenir. S’en suit une série de titres qui nous ramènent au fameux savoir-faire du quatuor : des riffs de guitare tranchants et entêtants, une section rythmique aussi fracturée que frénétique, et des voix déséquilibrées déclamant des paroles aussi terriblement accrocheuses qu’absurdes (‘Elle n’est pas une idiote / juste une sorcièreJe ne peux pas parler la langue qu’elle insiste pour que je parle.ou même ‘Dans mes rêves / Je tire / Mes couilles se déchaînent chaque nuit.). La voix de David Yow, malgré ses soixante-quatre ans, ne semble pas avoir pris une ride. Au-delà de ses habituels hurlements plaintifs ou désabusés et autres rots punk de haut vol, le fou va même jusqu’à proposer son spoken-word sur Et si?

Quant aux lignes de guitare, on serait d’abord tenté d’identifier ici et là d’éventuels outtakes d’albums de Tomahawksurtout sur Moto (R) dont le riff fait écho à la chanson Le viol ce jour-là de Avec du gaz. Mais ne serait-ce pas tout simplement la démonstration du talent singulier de Denison ? Trois éléments de réponse pour qui a suivi un tant soit peu la carrière de ce musicien hors du commun. 1/ le natif de Nashville, de par sa formation à la guitare classique et tous ses autres projets et collaborations (Hank Williams III, Legendary Schack Schackers, Firewater, Denison-Kimball Trio), a toujours ouvert pleinement son spectre musical, parvenant ainsi à intégrer avec subtilité et efficacité des riffs rockabilly (Cache-cache, Grind) ou du blues (Jour de l’Armistice, Seigneur Godiva), accords jazzy (Et si?) dans une tenue à première vue 100% punk et noise rock. 2/ Le tout en n’hésitant pas à sortir quelques solos bien sentis, avec des entrées et sorties particulièrement soignées (Moudre, Dunning Kruger). 3/ Ajoutez à cela un flegme imposant et le gars finit par s’imposer à une bonne place dans le classement des musiciens les plus classieux du monde.

Impossible également de ne pas rappeler l’importance de la section rythmique dans le son mythique des Américains : tandis que Mac McNeilly (batterie) tient le fort avec la vigueur et la précision d’antan, Davis Sims joue des lignes de basse monstrueuses toujours aussi groovy, volontairement placées au premier plan du mix au point de monopoliser toute notre attention par moments, notamment sur Moto (R), Alexis se sent malademais surtout Seigneur Godiva et son solo monstrueux.

Le Lézard Jésus signe donc un retour en force avec cet album inattendu, aussi immédiat que minutieux jusque dans les moindres détails. Très régulièrement copié – généralement pour le meilleur, notamment dans le cas de Metz Ou Tas de chats – mais jamais vraiment égalés, les quatre, s’ils n’avaient plus grand chose à prouver, démontrent néanmoins ici qu’ils sont toujours capables de nous offrir une musique toujours aussi puissante et intense. Sans doute l’une des toutes meilleures nouvelles de 2024, celle de 2025 étant une prochaine tournée sur le Vieux Continent bientôt annoncée.

 
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