Moussa de la chanson « Du ferme » est officiellement libéré de prison

Moussa de la chanson « Du ferme » est officiellement libéré de prison
Moussa de la chanson « Du ferme » est officiellement libéré de prison

« De la cocaïne dans les jeans » : si en lisant ces mots, vous entendez des chœurs (synthétiques), un riff de guitare électrique et vous pensez à une petite barbichette, c’est que vous êtes né dans les années 1990. Nous sommes début 2009 et le rappeur La Fouine envoûte »De la ferme», titre à la frontière entre R&B et rap pour annoncer la sortie de l’album Mes repères. Il nous a même dit il y a deux ans que c’était probablement “son plus grand classique”un son qui a définitivement fait exploser la carrière de Fouiny Babe, “à l’époque dans le rap, personne n’avait osé chanter une chanson entière, ni même utiliser autant d’autoréglage ».

Mais si je voulais tant vous parler de ce titre culte, ce n’est pas pour exorciser mes goûts ringard (enfin oui, mais pas que) mais parce que ce morceau est sorti il ​​y a 15 ans. Pourtant, c’est un ami cher qui m’a fait remarquer cette chose très importante : si cela fait 15 ans que “Du ferme” est sorti, alors le jeune Moussa dont parle La Fouine dans sa chanson est enfin sorti de prison après ayant purgé sa peine de 15 ans – indépendants, indépendants.

Retour sur un monument de la chanson française.

Une fable moderne de La Fouinetaine

Si cette chanson a fait une telle impression, c’est autant grâce à sa production endiablée que grâce à ses paroles à l’imagerie prononcée. Comprenez que j’écoutais ce son lors d’une soirée champêtre au milieu des champs et c’est sans doute à ce moment-là que j’ai compris que «Porte Dauphine» n’a fait aucune référence à un mammifère marin, tout comme “orange sang» ne concerne pas vraiment les agrumes.

Ajoutez à cela un court métrage (oui, oui) qui illustre exactement l’histoire racontée par Fouiny Babe et vous obtenez une véritable fable juridique à la croisée du droit et de la musique.

Dans « Du ferme », La Fouine raconte trois affaires judiciaires bien distinctes, toutes illustrées par une narration très colorée et assurée en figures de style :

  • Tout d’abord, Sam (ou Samy), un dealer qui se retrouve accusé de meurtre parce que sa drogue a provoqué l’overdose et la mort d’un de ses clients : il a pris 20 chefs d’accusation.
    • « Il a vendu de la drogue mais comparaît pour crime » ► propose une antithèse qui oppose d’une part un délit (vente de drogue) à sa conséquence plus grave : un crime (homicide involontaire).
  • Ensuite, Redouane qui, rentrant tôt du travail, surprend sa femme avec son amant et les assassine tous les deux avec son arme : il a pris 20 ans.
    • « du sang sur les draps, clic clic » ► l’arme à feu est ici suggérée par une synecdoque. Le clic (sous-ensemble) désigne le pistolet (ensemble) et crée également un effet sonore rappelant le « clic » de l’arme.
  • Enfin, Moussa, un jeune lycéen qui décide de braquer un appartement avec ses amis. Le cambriolage devient incontrôlable et se transforme en enlèvement des personnes âgées présentes sur les lieux : cela a pris 15 ans.
    • « Dans la chambre du haut, ils avaient attaché les grands-parents, comprendre qu’il tombe de haut » ► Fouiny Babe utilise ici un antanaclase car “haut” prend deux sens différents dans une même phrase : la chambre du haut mais métaphoriquement c’est aussi la chute de Moussa, qui rêvait d’un avenir meilleur : « Pas d’argent en poche pour changer le paysage ».

Trois affaires, trois coupables mais « Du clôt »

Déjà à l’époque, je me demandais pourquoi dans sa chanson, La Fouine n’avait pas choisi d’évoquer les trois histoires par ordre de gravité de l’affaire, augmentant à chaque fois la peine. Cela aurait pu être Moussa (10 quilles), puis Samy (15 quilles) et enfin Redouane (20 quilles). Mais c’est seulement aujourd’hui, du haut de mes certitudes (totalement infondées), que je comprends que ce choix est sûrement délibéré.

« Du ferme » parle d’une justice à deux vitesses ou plutôt d’une certaine justice, celle qui est expéditive et sèche. Car si les trois profils n’ont pas commis les mêmes délits, ils incarnent tous une forme de précarité : Sam vend de la drogue à des clients beaucoup plus aisés («Porte Dauphine»), Redouane est dans sa routine métro, boulot, dodo (“la routine”), Moussa traîne dans sa ville et rêve d’un avenir meilleur (“Il pense qu’il pourra jouer et ne plus traîner dans la salle”).

En mélangeant trois affaires très différentes mais qui aboutissent toutes à peu près aux mêmes peines (15 ou 20 ans), La Fouine veut nous prouver que la justice sanctionne aveuglément, sans réfléchir aux raisons ni aux conséquences. Le titre est évocateur : il n’y aura pas de répit pour ces parvenus sociaux.

Gratuit Moussa (et avant 15 ans)

Ces cas sont-ils inspirés de faits réels ? En faisant mes recherches, je suis tombé curieusement sur le cas de Moussa K., l’ex-petit ami d’Amel Bent qui avait été condamné à 15 ans de prison pour homicide lors d’un règlement de compte – il avait pris 15 quilles. Un jugement qui remonte à janvier 2009, juste avant la sortie de « Du ferme », coïncidence ? Honnêtement oui.

Il existe cependant quelques incohérences dans les cas que Fouiny nous rapporte. Concernant Samy, si l’accusation d’homicide involontaire pourrait effectivement être portée contre lui, 20 ans de prison semblent néanmoins excessifs. En novembre 2023, un dealer a été reconnu coupable de délits similaires après le décès par surdose d’un de ses clients réguliers, il a écopé de quatre ans de prison.

Pour Redouane, c’est un peu différent. Il s’agit d’un double homicide avec arme de poing – dont le port est illégal en , rappelons-le. Les 20 points semblent alors tout à fait justifiés. En 2005, à Marseille, un homme a également assassiné sa femme et son amant à coup de pistolet. Le meurtrier connaissait également l’amant qui était son cousin et employeur. Si les mauvais médias vous parlent de crime “passionné”on retiendra qu’il a écopé de moins que Redouane : 15 ans de prison.

Mais la véritable injustice est celle de Moussa. La peine de 15 ans de prison est ici tout à fait irréaliste. Dans les condamnations pour vol et enlèvement, les cas passés tendent à indiquer quelques années de prison, même si on peut également retrouver une peine de neuf ans de prison en 2020 pour de tels actes. Sachant que pour Moussa, on parle d’un jeune probablement mineur et surtout avec un casier judiciaire vierge (“il est sorti du lycée, propre, propre”), une telle sanction semble disproportionnée après avoir été “qualifié” dans cette sombre histoire.

De nombreuses questions demeurent sur ces trois affaires, par exemple on ne sait pas si La Fouine nous parle des condamnations en première instance. Les trois prévenus auraient ainsi pu faire appel mais, en tout cas, nous espérons que Moussa a bénéficié d’une peine réduite – et non ferme.

 
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