Le JDNews. Les tensions entre la France et l’Algérie ont atteint leur paroxysme la semaine dernière avec le refus des autorités algériennes de récupérer un « influenceur » algérien qui appelait à s’en prendre à un opposant au régime algérien… Le gouvernement algérien est-il en train d’utiliser sa diaspora comme une arme contre la France ?
Alain Bauer. Depuis que l’on a redécouvert l’hybridité naturelle de la guerre, lors de la manipulation de l’opinion lors du Brexit ou des élections dans divers pays démocratiques, on feint de s’étonner du recours à des méthodes non militaires ou non conventionnelles. affaiblir l’adversaire ou l’ennemi. Cependant, la lecture L’art de la guerre de Sun Tzu est recommandé dans toutes les bonnes académies militaires. La montée historique des tensions entre la France et ce qui deviendra l’Algérie, après des cycles plus ou moins tendus, ne pouvait ignorer les capacités de mobilisation des relais du régime FLN en France.
La France, en tant qu’État démocratique, joue-t-elle à armes égales avec un État policier algérien, qui dispose de nombreux réseaux d’influence sur notre territoire ?
Pas vraiment. Souvenez-vous du candidat Macron de 2017 pour qui “La colonisation était un crime contre l’humanité.” En exprimant si fortement ses remords coloniaux, il a affaibli la France. Ce message à sens unique, déclamé sans compensation, s’inscrit dans la croyance, voire le culte de l’excuse morale sèche, sans réciprocité, qui affaiblit le messager par la force du message, et avec l’idée qu’il pourrait y avoir une réponse matérielle. au recours à la flagellation commémorative.
Par ailleurs, les relais français sont singulièrement diminués par les contraintes de la politique étrangère de la France à l’égard du Maroc et par le romantisme national algérien sur les conditions dans lesquelles le pays est né, sur l’origine de son nom ou sur la construction de ses frontières en 1962.
La suite après cette annonce
Paris semble hésiter à entrer dans un rapport de force plus musclé… De quoi la France a-t-elle peur ?
La France a encore beaucoup à perdre en termes d’intérêts, d’investissements, de partage de renseignements ou de lutte contre le terrorisme. Il s’agit moins d’une politique de communication que de reprendre les voies officieuses du dialogue, notamment avec le seul pilier véritablement puissant du régime : l’armée.
Plusieurs voix, dont celle de l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt, réclament la dénonciation des accords de 1968. Pensez-vous que ce texte favorise un secteur d’immigration à part entière ?
Je ne dirais pas ça. Les origines de l’immigration algérienne sont anciennes et son statut d’ancien département français, comme les conditions de l’indépendance, ont pesé plus que les accords, souvent correctifs, qui ont suivi ceux d’Évian en 1962 (destinés à faciliter l’illusion d’une libre circulation des pieds- des noirs qui seraient restés en Algérie…).
« La couleur de la peau est un impensé des politiques d’intégration européenne »
-
L’accord de 1968 est hautement symbolique et donc très sensible. Pour le reste, le gaz, les céréales et autres accords financiers pèseront sans doute dans la balance. Mais le sujet central reste la réciprocité dans la temporalité. La France a échoué dans cette compréhension, même si elle est au cœur de toute relation diplomatique stable.
Dans votre livre, vous revenez sur la mise en place de l’immigration familiale « appelé à exercer la plus heureuse influence sur le succès de l’introduction du travail ». Était-elle accompagnée, à l’époque, de politiques d’intégration efficaces ?
L’objectif était, en 1918 comme après, la reconstitution de la force de travail d’un pays exsangue par la succession de deux guerres mondiales. La démographie des armes et les enjeux de la reconstruction constituent les premiers motifs d’appels répétés à l’immigration en provenance de l’Empire ainsi que des pays voisins (Italie, Espagne, Portugal, Pologne, etc.).
L’intégration était naturelle, le système offrait alors un accueil à des populations qui s’inscrivaient mécaniquement dans le moule national, qui ne doutait pas de lui-même.
Vous citez le sociologue Patrick Simon, qui constate que « Les politiques d’intégration européenne ont été conçues dans un contexte d’immigration européenne et blanche ». Est-ce ce qui explique aujourd’hui pourquoi certaines populations, notamment d’origine algérienne, sont tentées par le modèle communautaire ?
La citation exacte mérite d’être répétée : pour le sociodémographe, la couleur de peau est en fait un impensé des politiques d’intégration européenne. “ Ils ont été conçus dans des contextes d’immigration européenne et blanche. La deuxième ou la troisième génération d’immigration italienne, polonaise, espagnole puis portugaise n’est plus identifiable. Chez eux, l’invisibilité sociale et culturelle reproduit la banalité physique : il est impossible de faire la différence entre les descendants d’Italiens et les descendants de Français du début du XXe siècle. Ce n’est cependant pas le cas des minorités plus récentes comme les Africains subsahariens ou les Maghrébins : trente voire cinquante ans après l’arrivée de leurs parents ou grands-parents sur le sol français, ils restent des minorités visibles. » Tout est dit.
Vous vous souvenez du discours d’un jeune député devant l’Assemblée en 1958, un certain Jean-Marie Le Pen, qui disait : « La France a besoin de l’Algérie, peut-être plus que l’Algérie n’a besoin de la France. » Cette phrase surprend aujourd’hui…
C’est pourquoi je restitue dans mon livre toutes les étapes de l’histoire nationale qu’il va falloir commencer à concilier avec le roman national, qui reste une fiction politique et sociale, affirmée par une Troisième République qui cherchait à se ressourcer, entre nostalgie pour 1789, rupture avec le clergé ultramontain et enracinement « nos ancêtres les Gaulois ». Le discours de la députée Le Pen reste un modèle intégrationniste qui surprendra sans doute les lecteurs. Mais il n’a jamais nié mes connaissances.
La conquête de l’Occident. La vérité sur la migration Alain Bauer, Fayard, 496 pages.
Related News :