Paris Match. Quand avez-vous rencontré David Lynch pour la première fois ?
Marine Delterme. Je l’ai rencontré pour la première fois à Paris à la fin des années 80, dans un restaurant. Nous nous sommes sympathisés et il m’a invité à venir le voir à Los Angeles alors qu’il tournait la série « Twin Peaks ». J’ai passé deux jours sur le plateau, c’était une expérience incroyable. Les décors étaient fantastiques.
Quel homme était-il ?
Toujours très sympathique. Je me souviens qu’à Paris, dans un restaurant, il y avait un acteur supplémentaire qui avait tourné avec lui sur “Dune”. Il se leva spontanément pour aller le voir et le saluer. C’est aussi très élégant. Sur le plateau, on m’avait prévenu que David Lynch pouvait faire des crises de colère. Il avait un chapeau avec des sortes d’oreilles. C’était l’hiver à Los Angeles. On m’a dit : si les oreilles tremblent, c’est que ça va sortir (rires). J’ai été témoin d’une crise de colère, c’est passé en deux secondes mais c’était très drôle. C’était un être tout à fait extraordinaire. Quand j’ai dîné avec lui là-bas, il avait neigé. La neige est très rare à Los Angeles. Il était absolument ébloui. Il était fasciné par la beauté : la beauté des êtres, des objets, des couleurs. David Lynch était un créateur incroyable avec une esthétique extraordinaire. Il est avant tout peintre.
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Sur Instagram, vous dites avoir visité sa cave. Pouvez-vous nous parler de ce souvenir ?
-Oui, c’était lors de ce voyage. Un soir, il nous a invité avec son scénario. Nous étions chez lui et il voulait nous faire des pâtes. Il a ouvert tous les placards de sa cuisine, mais il n’y avait que des bobines de cinéma (rires). Du coup, on n’a rien mangé mais il m’a montré la cave, l’atelier où il fabriquait des meubles incroyables, aux formes étranges et assez incroyables. . Je connais bien cette maison puisque nous avons emménagé presque à côté (avec son mari oscarisé, Florian Zeller NDLR). C’est comme une sorte de bunker, c’est là qu’a été tourné le début de « Lost Highway ».
“Il est finalement mort loin de chez lui”
Les incendies ont-ils été à l’origine de sa mort, notamment à cause des fumées dégagées ?
C’est difficile à dire. J’ai appris par des amis communs qu’il avait été évacué quatre jours avant sa mort, au plus fort des incendies. C’est étrange de penser qu’il a passé sa vie dans ce bunker qui était, à mon avis, sa forteresse. A cause de sa maladie (emphysème pulmonaire, ndlr), il ne sortait plus. Il est finalement décédé loin de chez lui, c’est triste.
Comment expliquez-vous la fascination qu’il exerçait ?
Je suis tombé par hasard sur « Twin Peaks : Fire Walk With Me » vendredi soir. C’est fort quand il parle de maladie mentale… Quand je l’ai rencontré, à 18 ans et que je voulais devenir actrice, j’ai fait beaucoup de cauchemars. Il m’a dit que pour une si jeune fille, c’était surprenant (rires). C’était un homme merveilleux, très différent de ses films, très accessible. Il a toujours filmé des femmes fortes, non conventionnelles, avec un vrai regard qui prend soin de tous les êtres, qu’ils soient féminins ou masculins. Et surtout il avait ce sens de la beauté qui rend les femmes fascinantes.
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